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Investissements : Objectifs atteints à Charm Al-Cheikh

Salma Hussein, Mardi, 17 mars 2015

Lors de la conférence égyptienne de l’économie et du développement tenue à Charm Al-Cheikh du 13 au 15 mars, l'Egypte a réussi à se présenter comme un pays attractif
et ouvert aux investissements. Avec l'objectif de moderniser son infrastructure et d'atteindre une croissance élevée dans les quelques années à venir. Bilan de 3 journées intenses.

Investissements : Objectifs atteints à Charm Al-Cheikh
(Photos : AP)

« Cessez de vous lamenter. Et venez cumuler les profits ». C’est avec ces propos enthousiastes que Timothy Collins, chef exécutif de la géante firme financière américaine Ripplewoods, a invité les investisseurs à choisir l’Egypte dans leurs stratégies. Il promouvait l’investissement en Egypte, lors de la conférence de Charm Al-Cheikh du 13 au 15 mars non par charité, mais parce que le pays offre des rendements « extraordinaires » sur l’investissement, parmi les plus élevés qu’il ait connu : « J’ai fait un investissement en Egypte et, en un an, il a doublé. L’Egypte est un pays fascinant pour investir ». Même appel de Mohamed Alabbar, le fondateur et président du promoteur immobilier émirati Emaar, qui assure que ses investissements en Egypte lui assurent un rendement supérieur à 40 %.

Le message semble bel et bien avoir été reçu. La conférence égyptienne de l’économie et du développement s’est achevée par des accords d’investissements étrangers directs à hauteur de 36,2 milliards de dollars, dont le quart doit se matérialiser dans un an. Objectif atteint donc, puisque c’est le montant visé par le gouvernement avant l’événement. Ce dernier avait projeté un financement dans 10 secteurs d’activité économique. Mais « logement et utilités ont attiré le plus d’intérêt », d’après le communiqué officiel de la conférence. Dans un contexte d’instabilité politique et sécuritaire, certains investissements sont ainsi plus sûrs que d’autres.

Il s’agit aussi d’investissement dont le gouvernement est partie prenante. Car la participation publique et le financement des institutions de financement international rendent l’investissement moins risqué. Ainsi, pour signer ces projets, le gouvernement a misé sur des Partenariats Publics/Privés (PPP) ainsi que des dettes extérieures à hauteur de 23,8 milliards de dollars (18,6 milliards en projets où l’investisseur sera responsable d’installer le projet (centrale électrique ou station de drainage sanitaire), le faire fonctionner pendant 7 à 10 ans, le temps que l’Etat rembourse son prix et avant un transfert au gouvernement.

Le président Al-Sissi a révélé que General Electric allait installer des centrales électriques selon ce modèle, avec un investissement de presque 400 millions de dollars.

« Les projets visés sont énormes et demandent un large financement. Aucun investisseur individuel ne pourra le financer seul. Il injectera quelque 20 % et le reste sera financé par des dettes », souligne Taher Helmi, fondateur du bureau d’avocat régional Taher & McKinsey. Ainsi, outre ce type d’arrangement, le gouvernement a annoncé qu’il a signé pour 5,2 milliards de dollars en dettes extérieures lors de la conférence. Pour Helmi, il faut maintenir les réformes visant la libéralisation et la dérégulation de l’économie, afin que les institutions de financement acceptent de prêter à l’Egypte.

Infrastructures et énergie

Le pétrole et le gaz naturel représentent d’énormes sommes. British Petroleum (BP), qui peine depuis des années à remporter un contrat de 12 milliards de dollars, qui lui permettra de produire l’équivalent de 3 milliards de barils de pétrole et de le revendre au gouvernement égyptien, a réussi à convaincre le gouvernement de signer lors de la conférence. De même pour le géant italien Eni, qui produira du gaz naturel à hauteur de 5 millions de pieds cubes, avec un investissement de 5 milliards de L.E. dans divers sites. Eni versera cette somme sur un intervalle de 4 à 5 ans, d’après un communiqué de presse distribué lors de la conférence.

La production d’électricité comptait également comme l’une des promesses les plus réalisables. Le président égyptien Abdel-Fattah Al-Sissi espère que le pays ne souffrira plus de coupures d’électricité répétées et endurées par les ménages aussi bien que les usines, ces trois dernières années.

Outre les sources d’énergie conventionnelle, plusieurs investisseurs se sont montrés intéressés à investir dans l’importation et la mise en opération de turbines à énergie éolienne, séduits par les tarifs très avantageux offerts par le gouvernement pour acheter leur production. « Nous voulons créer un fonds d’investissement privé destiné à créer une série de centrales de production d’énergie éoliennes. Dans cet objectif, nous négocions avec un nombre d’institutions de financement internationales », déclare Bakr Abdel-Wahab, directeur du Fonds d’investissement privé à la banque d’investissement EFG-Hermes.

L’immobilier est un autre secteur séduisant, notamment pour les investisseurs du Golfe. « Le secteur du logement a démontré une résilience exceptionnelle lors des 4 dernières années. Il offre de grandes opportunités aux investisseurs », a déclaré Sameh Bohsaly, vice-président de Strategy &, la firme qui a conseillé le gouvernement sur les réformes à entreprendre et les projets à lancer, comme la nouvelle capitale (voir page 5), lors de la conférence.

Le gouvernement a pris plusieurs mesures pour rendre le logement destiné à la classe moyenne plus abordable, dont l’amendement de la loi de financement immobilier, espérant attirer plus de capitaux vers ce type de logement dont la pénurie crée un fossé dans l’offre annuelle, estimé à 200 000 unités. Mais les grands entrepreneurs égyptiens et du Golfe ont plutôt été séduits par les grands projets de logement de luxe et de divertissement, en plus du développement de la zone du Canal de Suez (voir page 4). Ainsi, le ministère du Logement a signé des contrats d’investissements à hauteur de 12 milliards de dollars.

L’appui du Golfe

Outre les investissements directs, les riches pays pétroliers du Golfe ont annoncé lors de la conférence des dons et dépôts en dollars auprès de la Banque Centrale d’Egypte (BCE). Il s’agit en gros de 12 milliards de dollars. L’objectif principal est de soutenir la valeur de la livre égyptienne, en chute depuis 2011. L’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et le Koweït sont les principaux parrains de la conférence depuis sa conception, après la chute de l’ancien président Mohamad Morsi en juillet 2013, après d’énormes manifestations populaires. Le ralentissement de l’économie qui s’est ensuivi a fait croître le chômage à plus de 13 %. Et tout au long de cette période, ces pays ont offert aides, dépôts à la BCE et dons qui dépassent les 25 milliards de dollars, avec les Emirats arabes unis.

Les soucis de la reprise

Quel sera l’impact de ces aides, dettes et investissements sur la croissance ? La banque d’investissement EFG-Hermes prévoit que les sommes promises lors de la conférence de Charm Al-Cheikh mènent à « une augmentation du PIB de 5 % ». Le gouvernement prévoit un taux de croissance de 4 % pour l’année en cours, qui atteindra 7 % au bout de 3 ans, pour baisser le chômage à 9 %, le même niveau de 2011, date de la révolte contre le régime de Moubarak. Cette croissance n’est d’ailleurs pas sans poser des soucis.

Christine Lagarde, directrice du FMI, a été la première à les évoquer en public : « J’ai entendu le gouvernement parler de croissance et de croissance soutenue, ce qui est important. Mais est-ce suffisant ? Non », a-t-elle dit en soulignant que les études récentes du FMI ont prouvé que c’est la croissance inclusive qui compte. C’est ce qui crée des emplois pour tous et qui élève la qualité de l’éducation et de la santé. Mohamad Al-Erian, l’ex-directeur de Pimco, l’une des plus grandes banques d’investissements mondiales et conseiller de l’assureur Allianz, s’est également montré soucieux des inégalités dans son pays natal : « Trop d’inégalité nuit à l’économie et à la politique », s’est-il exprimé. Le discours le plus tranchant a été celui de la directrice générale de la Banque Mondiale, Mulyani Indrawati, qui a souligné les signes marquants que l’Egypte est sur la bonne voie. Mais ces réformes ne porteront des fruits que si les dépenses publiques sont modifiées en faveur de la hausse de la productivité et la baisse des inégalités. Elle appelle ainsi à des réformes qui renforcent la concurrence et la création d’emploi. « De telles réformes sont fondamentales pour que l’économie égyptienne puisse croître », avertit Andrawati, lors de son discours. Une étude récente de la Banque Mondiale avait trouvé qu’une quarantaine de familles étroitement liées aux décideurs politiques assurent leur domination sur certains secteurs peu générateurs d’emplois. Ces familles « au sommet de la pyramide », comme les décrit l’étude parue en 2014, s’emparent de la majorité des terrains et crédits bancaires et empêchent toute concurrence de nouveaux investisseurs. A Charm Al-Cheikh, la plupart de ces familles étaient présentes parmi une foule de plus de 2 500 invités. Elles ont appuyé les réformes du gouvernement, se sont engagées à verser de l’argent dans l’économie et ont ranimé l’atmosphère optimiste envers la future Egypte. Une scène déjà vécue en 2005, quand le gouvernement Nazif avait décidé d’entamer un éventail de réformes pour améliorer le climat des affaires. Une expérience qui n’a duré que 5 ans, en raison du manque de distribution juste des fruits de la croissance. 2015 est différente, relate l’un des ingénieurs des réformes de 2005. « Le citoyen a, cette fois, une voix », dit-il.

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