Jeudi, 25 avril 2024
Al-Ahram Hebdo > Afrique >

Les ressources piscicoles en danger

Eva Dadrian, Lundi, 26 novembre 2012

Les pêcheurs sénégalais sont en ras-le-bol ! Depuis des années, les ressources pélagiques de leur pays sont pillées sans arrêt par des navires de provenance étrangère, alors que la pêche fait travailler plus d’un million de personnes et assure jusqu’à 75 % les apports en protéines animales de toute la population sénégalaise.

Les eaux au large des côtes d’Afrique de l’Ouest comptent parmi les eaux du monde où l’activité de pêche est la plus intense, et pour les nombreuses communautés côtières, le poisson est l’un des produits-clés du développement économique et social.
Menée par Greenpeace, une enquête de grande envergure a révélé, au mois d’octobre dernier, un des plus gros scandales en matière de gestion des ressources halieutiques au Sénégal, scandale qui impliquerait Koureichi Thiam, ex-ministre sénégalais de l’Economie maritime. Selon Greenpeace, Koureichi Thiam aurait mis en marche un « plan diabolique de liquidation des moyens de subsistances des pêcheurs artisans sénégalais qui dépendent étroitement de ces ressources pélagiques ». Sous son ministère, une quarantaine d’autorisations auraient été délivrées à des navires en provenance, entre autres, de la Russie, des Comores, de la Belize, de Saint Vincent et Grenadines et de la Lituanie. Grâce à ces autorisations, ces chalutiers-usines ont pu opérer sans contrôle aucun dans la Zone économique exclusive du Sénégal. Heureusement, ces autorisations « irrégulières » ont été depuis annulées. En effet, quelque temps après l’élection du président Macky Sall en mars 2012, le nouveau gouvernement a annulé 29 autorisations de pêche octroyées à des chalutiers étrangers. Sur la question épineuse des autorisations, le président sénégalais avait même déclaré qu’il était « déterminé à revoir les conditions d’octroi des licences de pêche » et à « lutter fermement contre les navires pirates qui pillent nos ressources halieutiques ».
Cependant, les pêcheurs sénégalais ne sont pas les seuls à protester contre le pillage de leurs ressources pélagiques. Depuis des siècles, les pêcheurs africains lancent leurs filets dans les eaux du littoral atlantique comme celui du pacifique et de l’Océan indien, qui sont par excellence de grandes réserves de pêche.
Les temps ont changé, et si dans le passé les pêches ont été abondantes dans ces eaux, depuis plusieurs décennies, la « pêche miraculeuse » n’existe plus. Tout autour du continent, la présence accrue de chalutiers venus d’Europe et d’Asie (France, Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Japon, Chine et Russie) a entraîné une diminution des réserves halieutiques et qui, parallèlement, menace l’existence des artisans pêcheurs et le développement durable d’un secteur économique majeur.
Le poisson est l’une des exportations principales du continent. Il contribue à la sécurité alimentaire de plus de 200 millions d’Africains et fournit un revenu à plus de 10 millions de personnes qui s’occupent de la production, du traitement du poisson et de sa commercialisation.
C’est dans le cadre d’une série d’accords bilatéraux que nombreux pays Nord et Ouest africains, notamment le Sénégal, le Maroc et la Mauritanie, ont vendu des droits de pêche à des flottes de chalutiers-usines battant pavillon Union européenne, chinois et japonais. La pratique de la pêche à outrance, ou surpêche, par ces flottes de chalutiers-usines, a non seulement ruiné les ressources naturelles de ces pays, mais aurait réduit parallèlement le nombre traditionnel de pêcheurs dans la région.
Pesant lourd dans les filets des pêcheurs africains, d’autres menaces contribuent à la réduction de leur nombre. Le développement et la concurrence du tourisme ont réduit l’accès à la mer aux communautés côtières qui pratiquent la pêche artisanale depuis des générations. Certains économistes décrient aussi la pratique de la pêche sous-marine de plaisance dans les eaux normalement consacrées à la pêche artisanale. A ces menaces sont venus s’ajouter prospection et forages pétroliers qui entraînent directement ou indirectement une raréfaction des ressources halieutiques.
Mais comment faut-il alors gérer l’exploitation des ressources halieutiques en Afrique dans le contexte des lois qui régissent la pêche à grande échelle ? Au niveau du continent, la gestion de la pêche maritime doit impliquer non seulement le contrôle de la pêche, mais aussi la planification coordonnée de « repos biologiques » nécessaires à la reproduction et au développement de la ressource. Afin de maintenir les stocks dans les eaux territoriales africaines, les experts proposent aux gouvernements concernés l’adoption et la mise en application de règlements « strictes » et d’importants moyens de surveillance des côtes, avec des radars et des avions dotés de systèmes GPS, pour détecter délits et infractions.
Quant au niveau international, la politique de la pêche doit respecter le code de conduite de la FAO (1995) pour une pêche responsable, afin d’assurer « la durabilité des activités de pêche et leur cohérence avec la politique communautaire de développement.
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique