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Soudan : Nouvel accord et mêmes incertitudes

Maha Salem , (avec Agences) , Mercredi, 14 décembre 2022

Deux défis majeurs se posent face à l’accord-cadre signé la semaine dernière au Soudan et présenté comme un pas pour une sortie de crise : son application reste problématique et il est rejeté par une partie de l’opposition.

Soudan : Nouvel accord et mêmes incertitudes
L’accord ne convainc pas une partie des civils, qui était jeudi dernier dans les rues de Khartoum pour marquer leur mécontentement. (Photo : AP)

Un accord, et après ? Telle est la question que l’on se pose aujourd’hui au Soudan, une semaine après la signature d’un accord-cadre entre le Conseil souverain militaire et des groupes civils. L’objectif de cet accord est de sortir le pays de l’impasse actuelle : le texte ouvre la voie à une période de transition de deux ans qui débuterait dès la nomination d’un premier ministre chargé de diriger un gouvernement civil jusqu’à l’organisation d’élections libres. L’accord-cadre prévoit que les signataires civils choisissent un premier ministre chargé de mener une nouvelle phase de transition de 24 mois. Il planchera également sur un agenda incluant la justice transitionnelle et les réformes des services de sécurité et de l’armée.

Salué par l’Onu, l’Union africaine et plusieurs pays, l’accord a été conclu après de multiples tentatives lancées après que le chef de l’armée, le général Abdel- Fattah Al-Burhane, a pris le pouvoir en octobre 2021. Depuis, des manifestations quasi hebdomadaires contre le pouvoir ont lieu dans ce pays pauvre frappé par une crise économique et une montée de la violence interethnique.

Or, d’ores et déjà, l’accord ne fait pas l’unanimité. L’accord-cadre ne convainc pas une partie des civils, qui était jeudi dernier dans les rues de Khartoum pour marquer leur mécontentement. Ils mettent en doute la capacité des militaires à respecter leur engagement et l’obtention d’une justice pour les victimes des récentes manifestations contre le pouvoir. La manifestation de jeudi a été menée par les Comités de résistance, un groupe de base qui a fermement rejeté toute négociation avec les chefs militaires soudanais, le général Abdel-Fattah Al-Burhan et le général Mohammed Hamdan Dagalo.

Dès la signature de l’accord, plusieurs groupes appartenant à l’opposition ont exprimé leur refus. Une coalition incluant des islamistes liés à l’ancien régime de Omar Al-Béchir a qualifié l’accord de « fallacieux » et « défectueux » et d’anciens chefs rebelles, signataires en 2020 d’un accord de paix avec le Soudan et fervents partisans du conseil du général Burhane, s’y sont également dit opposés. Pour l’ex-chef rebelle, Mini Minawi, gouverneur de la région agitée du Darfour, l’accord est « excluant ». Le ministre des Finances et ancien rebelle, Jibril Ibrahim, estime de son côté qu’« on est loin d’un accord national et d’élections libres et démocratiques ».

Aucune garantie

En effet, comme le rappelle Dr Sameh Rashed, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al- Ahram, il s’agit du troisième accord du genre entre les dirigeants militaires et l’opposition. « Et, comme pour les deux précédents, il n’y a pas de garanties pour son application », dit-il. Il explique : « La médiation saoudienne et américaine entre les deux camps ne fait pas son rôle de manière complète car on ne surveille pas l’application de l’accord. Si ces deux pays exercent une vraie pression sur les parties en conflit, l’accord sera appliqué car les deux pays ont plusieurs cartes de pressions en main, mais ils ne les utilisent pas. Et bien sûr, les deux côtés campent sur leurs positions et s’accrochent à leurs revendications ». D’où l’appel du secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, qui a exhorté les Soudanais à travailler sans délai pour parvenir à un accord durable et politiquement inclusif.

A plusieurs reprises, le général Burhane a promis un retrait de l’armée du pouvoir pour permettre aux groupes politiques de former un gouvernement civil. Son adjoint, le général Daglo, a réitéré l’engagement de l’armée à quitter la scène politique en déclarant qu’il était « essentiel de construire un régime démocratique durable ». L’accord, intervenu après une réunion entre les FFC et d’autres groupes politiques avec de hauts responsables militaires, constitue la première étape d’un processus politique en deux phases. « L’accord-cadre jette les bases de l’établissement d’une autorité civile de transition », ont indiqué les FFC, en soulignant que d’autres groupes civils l’avaient également signé. La deuxième phase comprend un accord final traitant de questions telles que la justice transitionnelle et les réformes de l’armée, une phase qui devrait être achevée « d’ici quelques semaines », selon les FFC. Mais cette partie est beaucoup plus épineuse, des experts se demandant si l’armée serait disposée à renoncer à des intérêts économiques et à de larges pouvoirs. L’accord-cadre prévoit en effet que les signataires civils devront choisir un premier ministre chargé de mener une nouvelle phase de transition de 24 mois. L’accord-cadre prévoit aussi de s’entendre sur un agenda incluant la justice transitionnelle et les réformes des services de sécurité et de l’armée, une phase qui devrait être achevée d’ici quelques semaines. Selon les experts, les articles de cet accord sont difficiles à appliquer, surtout avec la division et les différends entre le camp de l’opposition.

« Les divisions entre les différents blocs civils se sont amplifiées, certains appelant à un accord avec l’armée et d’autres excluant toute négociation avec les militaires. Cette division a affaibli l’opposition et donne un mauvais indice, signalant que la crise soudanaise ne sera pas réglée facilement », explique Dr Sameh Rashed. Et de conclure : « il sera difficile de conclure un accord global sans s’entendre avec les autres groupes. Or, il ne faut pas négliger ces groupes car certains sont armés et influents. Et aucun règlement global ne peut se faire sans ces parties ».

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