La tension entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda n’est pas près de baisser malgré les efforts entrepris dans ce sens, alors que la résurgence, depuis fin 2021, de la rébellion du M23 dans l’est de la RDC a ravivé la tension entre les deux voisins. Kinshasa affirme que cette rébellion est activement soutenue par le Rwanda, ce que conteste Kigali. Et les présidents des deux pays multiplient les invectives. Jeudi 1er décembre, en réponse aux propos critiques du président rwandais, Paul Kagame, lancés contre son homologue congolais, Félix Tshisekedi, d’exploiter les violences dans l’est de la RDC pour retarder les élections, Kinshasa a estimé que Kagame n’avait pas de leçon à donner en termes de démocratie. « Je pense que le président Kagame n’a pas de qualité pour faire un quelconque commentaire sur ce qui concerne les élections », a déclaré le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, devant la presse, en rappelant notamment que par le biais d’un référendum constitutionnel organisé en 2015, M. Kagame s’était « assuré de rester au pouvoir jusqu’en 2034 ». Dans un discours à la nation, M. Kagame a dit que le problème pourrait être réglé si la RDC, où une présidentielle doit avoir lieu fin 2023, « n’avait pas essayé de créer les conditions d’une situation d’urgence pour que les élections n’aient pas lieu ». Des accusations visant, selon Kinshasa, à « déstabiliser politiquement Tshisekedi, pour qu’il ne soit pas réélu », afin d’avoir au pouvoir à Kinshasa quelqu’un qui permettra à Kagame de « continuer sa politique de pillage » de l’est de la RDC, riche en minerais de toutes sortes. De l’autre côté, la RDC accuse le Rwanda de soutenir le Mouvement du 23-Mars (M23), un groupe armé issu d’une ancienne rébellion tutsi congolaise, qui a repris les armes fin 2021 malgré des accords de paix signés en 2013.
Des accusations et contre-accusations qui témoignent du niveau de crispation entre les deux pays, depuis l’arrivée des Hutus rwandais dans l’est congolais, terrain de combats entre les Forces Armées de la RDC (FARDC) et de nombreux groupes armés, dont en tête le M23. Ce dernier s’est emparé ces derniers mois de larges pans d’un territoire du Nord-Kivu.
Médiations régionales
Tentant d’apaiser ces tensions, un sommet a eu lieu le 23 novembre à Luanda et a décidé un cessez-le-feu à partir du vendredi 25 novembre, suivi deux jours plus tard du retrait du M23 des zones conquises depuis plusieurs mois dans la province du Nord-Kivu. Or, aucun retrait n’a été observé, et des combats à l’arme lourde ont repris jeudi 1er décembre. Kinshasa a accusé les rebelles d’avoir massacré 50 civils mardi 29 novembre dans un village du Nord-Kivu. Le M23, lui, reproche à Kinshasa de ne pas avoir respecté ses engagements sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants.
Kinshasa, à son tour, accuse Kigali d’apporter à cette rébellion un soutien que des experts de l’Onu et des responsables américains ont également pointé, mais le Rwanda nie avec constance, en accusant en retour Kinshasa, qui nie également, de collusion avec les FDLR, des rebelles hutus rwandais implantés en RDC depuis le génocide des Tutsis en 1994 au Rwanda.
Cette tentative d’apaisement n’est pas la seule. Plusieurs initiatives diplomatiques ont été lancées, notamment par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC). Celle-ci a décidé le déploiement d’une force régionale, dont des éléments kényans sont déjà positionnés à Goma, et a lancé, le 28 novembre à Nairobi, une nouvelle session de pourparlers de paix, sans le M23 que Kinshasa qualifie de mouvement « terroriste ». Une autre médiation est menée au nom de l’Union africaine par le président angolais, Joao Lourenço, chargé de tenter de réconcilier Kinshasa et Kigali. Or, le chemin de réconciliation nécessite plus d’efforts régionaux, et peut-être internationaux, afin d’éviter une crise de plus en plus grave.
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