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Coup d’Etat en Guinée

Abir Taleb avec agences, Mardi, 07 septembre 2021

En Guinée, les forces spéciales ont revendiqué la prise de pouvoir et l’arrestation du président Alpha Condé. Les institutions et la Constitution ont été dissoutes et un couvre-feu décrété. La communauté internationale condamne.

Situation tendue et confuse à la capitale guinéenne Conakry. Des officiers des forces spéciales guinéennes ont affirmé, dimanche 5 septembre, avoir capturé le président Alpha Condé, pris le contrôle de Conakry, « dissous » les institutions et instauré un couvre-feu « jusqu’à nouvel ordre ». « Nous avons décidé, après avoir pris le président, qui est actuellement avec nous (…), de dissoudre la Constitution en vigueur, de dissoudre les institutions », dont le gouvernement, a déclaré, dans une vidéo, le chef des forces spéciales, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, chef du Groupement des forces spéciales (GPS), au nom d’un « Comité national du rassemblement et du développement » (CNRD), au côté de putschistes en uniforme et en armes. Il a également annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes de ce pays d’Afrique de l’Ouest plongé depuis des mois dans une grave crise économique et politique. Dénonçant la « gabegie », le lieutenant-colonel Doumbouya, enveloppé dans un drapeau guinéen, a promis d’« engager une concertation nationale pour ouvrir une transition inclusive et apaisée », dans une déclaration à la télévision nationale qui a brièvement interrompu ses programmes. « On tient tout Conakry et on est avec toutes les forces de défense et de sécurité pour enfin mettre fin au mal guinéen », a déclaré à la chaîne de télévision France 24 le lieutenant-colonel Doumbouya, personnalité très peu connue jusqu’alors. « Nous allons réécrire une Constitution ensemble, cette fois-ci, toute la Guinée », a assuré le chef des putschistes, déplorant qu’il y ait eu « beaucoup de morts pour rien, beaucoup de blessés, beaucoup de larmes », faisant référence à la répression sanglante des manifestations de l’opposition et de la mobilisation contre l’adoption par référendum en 2020 d’une nouvelle Constitution, dont M. Condé a tiré argument pour briguer et obtenir un troisième mandat.

Parallèlement, une vidéo diffusée par WhatsApp a montré le président en état d’arrestation. Dans une autre vidéo, Doumbouya assure, depuis le palais présidentiel, que « la situation socioéconomique du pays et l’instrumentalisation de la justice et le piétinement des droits des citoyens » ont « amené l’armée républicaine (…) à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple de Guinée ».

A Conakry, de nombreux habitants, notamment dans les banlieues réputées favorables à l’opposition, sont descendus dans la rue pour acclamer les militaires des forces spéciales. « Nous sommes fiers des forces spéciales, honte à la police, honte à la milice de l’ancien président Alpha Condé, mort aux tortionnaires et aux assassins de notre jeunesse », s’exclamait un manifestant cité par l’AFP.

Pourtant, la situation reste confuse. Cité par l’AFP, un diplomate occidental a affirmé, dimanche, que « rien n’est très clair sinon que l’on a bien affaire à une tentative de coup d’Etat ». L’une des inconnues concerne la réaction des autres corps, dans un pays où l’armée a toujours joué un rôle central dans la politique. Le camp Alpha-Yaya-Diallo, le plus grand camp de Conakry, situé non loin du palais, apparaissait calme dimanche. La fidélité des unités de province, assez mal armées, n’était pas connue.

De son côté, la communauté internationale a exprimé ses condamnations. Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a « fermement » condamné « toute prise de pouvoir » en Guinée « par la force du fusil », appelant « à la libération immédiate du président Alpha Condé ». Le président en exercice de l’Union Africaine (UA), Félix Tshisekedi, et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, « condamnent toute prise de pouvoir par la force et demandent la libération immédiate du président Alpha Condé » et appellent à une réunion d’urgence de l’organisation. Le président en exercice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), le Ghanéen Nana Akufo-Addo, de son côté, « exige le respect de l’intégrité physique » du chef de l’Etat guinéen, sa libération immédiate et « le retour à l’ordre constitutionnel sous peine de sanctions ». La France a dit se joindre à la condamnation de la Cédéao, à l’instar du chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell qui « invite tous les acteurs à agir dans le respect de l’Etat de droit, de l’intérêt de la paix et pour le bien-être de la population guinéenne ». Tout comme les Etats-Unis, qui ont « condamné les événements qui se sont déroulés à Conakry », le département d’Etat déclarant dans un communiqué que la violence et les mesures extraconstitutionnelles ne feraient qu’éroder les perspectives de paix, de stabilité et de prospérité de la Guinée.

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