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Mugabe réélu mais contesté

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 05 août 2013

Au pouvoir depuis 33 ans, Robert Mugabe a été proclamé vainqueur de la présidentielle zimbabwéenne du 31 juillet. Une victoire vivement critiquée par l’opposition comme par la communauté internationale.

Robert Mugabe
Le parti de Morgan Tsvangirai a annoncé qu'il boycotterait le nouveau gouvernement. (Photo : AP)

Robert mugabe, au pouvoir sans interruption depuis l’indépendance du Zimbabwe en 1980, a été proclamé le 3 août par la commission électorale (Zec) vainqueur des élections présidentielles du 31 juillet au Zimbabwe. Selon Zec, le président sortant est crédité de plus de 61 % des suffrages, contre près de 34 % à son adversaire, le premier ministre Morgan Tsvangirai. Un résultat qui a broyé tout espoir d’alternance démocratique, après un scrutin contesté par l’opposition comme par la communauté internationale. Le candidat du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition), Morgan Tsvangirai, a rejeté totalement les résultats de la consultation en qualifiant le scrutin de « farce électorale ». Il s’est engagé à en contester les résultats devant les tribunaux et par tous les moyens légaux. « Je pensais que cette élection allait résoudre la crise politique. Il n’en est rien. Elle a replongé le pays là d’où il venait », a dit Morgan Tsvangirai samedi, lors d’une conférence de presse à Harare en assurant qu’il boycottera le gouvernement qui sera issu des urnes. « Le MDC ne participera à aucun gouvernement issu d’une élection frauduleuse », a-t-il ajouté. En outre, Mkhululi Nyathi, l’un des neuf membres de la commission électorale zimbabwéenne (Zec), a démissionné en exprimant des doutes quant à l’intégrité des résultats partiels. « Alors que j’ai espéré tout au long du processus que l’intégrité du scrutin serait sauvegardée jusqu’au bout, cela n’a finalement pas été le cas », écrit le commissaire dans sa lettre de démission.

Validée par les observateurs africains, l’issue des élections n’en est pas moins largement remise en cause par des contrôleurs locaux indépendants, en l’absence d’observateurs internationaux qui n’ont pas été admis dans le pays. Par contre, la communauté internationale a reçu ce résultat avec inquiétude. L’Union européenne s’est déclarée samedi « préoccupée » par les accusations d’irrégularités et le manque de transparence de l’élection présidentielle. « L’Union européenne est préoccupée par les irrégularités présumées et les informations faisant état d’une participation incomplète, ainsi que par les faiblesses identifiées dans le processus électoral et le manque de transparence », déclare dans un communiqué la porte-parole de la diplomatie européenne, Catherine Ashton. Le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, est allé plus loin, rejetant la validité du scrutin.

« A la lumière des substantielles irrégularités électorales rapportées par les observateurs nationaux et régionaux, les Etats-Unis ne pensent pas que les résultats annoncés aujourd’hui représentent l’expression crédible de la volonté du peuple du Zimbabwe », a déclaré le chef de la diplomatie américaine dans un communiqué. La Grande-Bretagne a émis aussi de sérieux doutes sur les résultats des élections. « Les irrégularités avant les élections et le jour même du scrutin, dont ont fait état les missions d’observateurs, et en contradiction avec les recommandations de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe), mettent sérieusement en question la crédibilité de l’élection », a déclaré, dans un communiqué publié samedi, le ministre des Affaires étrangères, William Hague.

Le ministre britannique, dont le pays est l’ancienne puissance coloniale, a jugé « important » que des enquêtes soient désormais menées sur les allégations de fraudes par les missions d’observation ad hoc.

Par ailleurs, le rejet des résultats par le MDC risque de relancer la controverse sur la régularité du scrutin tant dans le pays qu’à l’étranger, d’accroître les tensions et d’approfondir la crise politique. En 2008, le Zimbabwe avait connu des journées de terreur et frôlé la guerre civile quand les partisans de Mugabe, distancé au premier tour de la présidentielle, s’étaient déchaînés. Tsvangirai avait jeté l’éponge après la mort d’environ 200 sympathisants, laissant Mugabe gagner le scrutin.

Dans un pays plongé dans l’incertitude créée par la corruption et les lois sur l’indigénisation pour restituer le contrôle de l’économie à des Zimbabwéens noirs, quand ce n’est pas à des proches du président, l’ampleur de la victoire de M. Mugabe pourrait donner des ailes aux durs de son parti, mais risque de ne pas rassurer les investisseurs étrangers qui étaient de retour depuis 2009.

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