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Sahel : La ruée vers l'or profite aussi aux groupes armés et terrorists

Olivier Rogez, RFI, Mercredi, 09 septembre 2020

La hausse des cours mondiaux de l’or fait le bonheur des Etats africains, et en particulier les Etats sahéliens, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, gros producteurs de métal jaune. Mais dans la bande sahélienne, les groupes djihadistes tentent de mettre la main sur les activités d’orpaillage artisanal.

Au Sahel, le boom aurifère aiguise les appé­tits. Que ce soit au Burkina Faso ou au Mali, dans les régions qui échappent au contrôle de l’Etat, des groupes armés – y compris des groupes djihadistes comme Jnim, autrement dit le GSMI (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) – veulent leur part du gâteau. Ils taxent les nombreux orpailleurs qui exploitent les mines artisanales.

« Cela devient une filière de financement, une filière qui reste secondaire par rapport à d’autres sources de financement, mais qui est indiscutablement en croissance », commente Mathieu Pellerin, analyste spécialisé du Sahel chez International Crisis Group et auteur d’un rapport sur ce sujet. Lorsque les mines sont situées dans les zones d’influence djiha­distes, elles paient une taxe, simplement liée au contrôle de la zone par ces groupes.

Faire preuve de discernement

Dans la région de Kidal, certains groupes signataires des accords de paix comme la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) assurent la protection des sites auri­fères artisanaux.

L’Etat malien, comme son voisin burkina­bé, ne peut laisser durablement les groupes armés, djihadistes ou non, contrôler une par­tie de cette activité. Pourtant, la difficulté consiste à ne pas freiner l’orpaillage qui fait vivre 700 000 personnes au Mali et un mil­lion au Burkina Faso. Les Etats doivent donc, selon Mathieu Pellerin, faire preuve de dis­cernement.

« Dans un contexte où les sources d’emploi se tarissent considérablement, du fait de l’in­sécurité, du fait de la réduction des activités économiques, c’est à ce moment-là que l’or­paillage prend son essor », explique-t-il. Puis de poursuivre : « Donc, c’est une opportuni­té, une soupape de sécurité socioéconomique considérable et sans pareil pour les popula­tions sahéliennes. Et d’ailleurs, au nord du Mali, on peut légitimement s’interroger sur la simultanéité de la réduction des violences entre les groupes armés, ainsi que la baisse relative du banditisme, avec la découverte de l’or. Le tout est d’assurer un minimum de régulation dans les zones où c’est possible pour les Etats ».

Eviter que des filières entières ne tombent sous le contrôle des groupes armés

Une régulation, c’est d’abord un meilleur encadrement des activités d’orpailleurs. Ce à quoi s’emploient, depuis quelques années, les chambres des mines des pays sahéliens en créant notamment des couloirs d’orpaillage.

« Cela veut dire délivrer des cartes d’or­paillage, savoir qui opère et qui a le droit de revendre à travers les mécanismes de comp­toirs aurifères, mais aussi des agréments pour autoriser la vente et l’export (de l’or). Ce processus de formalisation, c’est le minima requis pour commencer à savoir qui fait quoi dans ces régions et pour éviter que des filières entières ne tombent sous le contrôle des groupes armés », dit Mathieu Pellerin.

Les Etats doivent aussi veiller aux arbi­trages entre les mines industrielles, souvent exploitées par de grandes compagnies, et les mines artisanales, et ce, afin de ne pas créer un sentiment de dépossession parmi les popu­lations concernées.

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