Alors que la crise post-électorale se poursuit toujours deux mois après la présidentielle en Guinée-Bissau, où deux présidents se disputent le poste suprême, une délégation de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est arrivée lundi 9 mars pour tenter de débloquer la situation. La délégation, qui comprend des décideurs politiques communautaires, des experts électoraux et des juristes, est partie rencontrer des responsables de la Cour suprême de justice et la Commission Nationale des Elections (CNE). Elle doit poursuivre ses discussions jusqu’au 13 mars, dans l’espoir de trouver une issue à l’impasse actuelle.
C’est le Conseil de sécurité de l’Onu qui a appelé, jeudi 5 mars, la Cédéao à envoyer cette délégation. Une mission qui s’annonce difficile. Car la Guinée-Bissau semble s’enfoncer dans la crise. Avant même son arrivée, l’organisation ouest-africaine avait affirmé suivre avec « une grande préoccupation » la situation dans ce pays, marquée par « les investitures successives de deux chefs d’Etat en dehors des cadres légaux et constitutionnels ». Les experts juristes entendent « travailler » avec la CNE qui a proclamé vainqueur le candidat issu de l’opposition Umaro Sissoco Embalo, et avec la Cour suprême, qui n’a toujours pas tranché les recours introduits par son adversaire issu du parti majoritaire au parlement, le PAIGC, Domingos Simoes Pereira. Leur but : « aider à une résolution rapide du contentieux électoral », explique la Cédéao. Auparavant, l’organisation ouest-africaine avait estimé illégales les investitures de deux chefs d’Etat rivaux en Guinée-Bissau et appelé l’armée à rester neutre dans la querelle. En effet, annoncé vainqueur par la Commission électorale, mais non-confirmé par la Cour suprême, l’ancien général Umaro Cissoko Embalo avait prêté serment le 27 février « en force » dans un hôtel de la capitale, puis il a nommé Nuno Gomes Nabiam premier ministre après avoir limogé son prédécesseur Aristides Gomes (PAIGC), reconnu par la communauté internationale. Et cela malgré la contestation des résultats par Domingos Simoes Pereira, qui prétend lui aussi être vainqueur.
Face à cette situation, le parlement a eu recours, conformément à la loi, à la désignation, le 28 février, d’un troisième chef d’Etat par ses députés, en la personne du président de l’Assemblée nationale, Cipriano Cassama. Investi comme « intérimaire », Cassama n’est toutefois resté en fonction que quelques heures, expliquant être « menacé ». « Compte tenu des menaces de mort envers ma personne et mes gardes du corps, je ne suis pas en sécurité. J’ai pris cette décision pour éviter la confrontation entre les forces de l’autre côté et les forces qui me gardent et aussi pour éviter une guerre ; je ne sais si je peux l’appeler civile, un bain de sang », a-t-il affirmé samedi 7 mars, indiquant aussi vouloir éviter une « confrontation, dans l’intérêt de la nation et de la population » et dénonçant l’occupation de l’Assemblée nationale populaire par l’armée. Cette dernière a pris les bâtiments stratégiques de la capitale, sans prendre position pour un candidat.
Ces tensions ont entraîné différentes réactions à l’échelle internationale : la France a appelé à « la retenue et au respect du cadre juridique et de l’ordre institutionnel ». Le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, a eu une réaction semblable, indiquant suivre avec préoccupation la crise institutionnelle en Guinée-Bissau. « Le secrétaire général encourage toutes les parties prenantes à attendre la décision de la Cour suprême de justice, à faire preuve de la plus grande retenue et à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher tout acte susceptible de compromettre la paix et la stabilité en Guinée-Bissau », a annoncé le porte-parole de l’Onu. Mais en réponse aux dénonciations venues de l’Occident, Embalo s’est contenté de cette phrase ambiguë : « Nous sommes en Afrique ! ».
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