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Soudan : Des efforts mais encore des obstacles

Maha Salem avec agences, Mardi, 30 juillet 2019

L'enquête sur la dispersion du sit-in des manifestants le 3 juin dernier à Khartoum a rendu publics ses résultats, concluant à l'implication des paramilitaires. Une annonce qui intervient alors que le Conseil militaire et les leaders de la contestation poursuivent leurs discussions pour finaliser l'accord de paix.

Près de trois mois après la dispersion du sit-in de manifestants, le 3 juin dernier, les résultats de l’enquête ont été rendus publics, samedi 27 juillet. Cette enquête a conclu à l’implication des paramilitaires. Ce sit-in, ins­tallé devant le QG de l’armée depuis le 6 avril, a été l’épicentre du mouvement de protestation déclenché en décembre 2018 au Soudan, initia­lement contre le triplement du prix du pain, avant de se transformer en contestation contre le régime de Omar Al-Béchir déchu et arrêté par l’armée le 11 avril. Le 3 juin, des hommes armés en tenue militaire ont lancé un raid contre ce campement de la contestation qui réclamait un pouvoir civil, frappant et tirant sur les manifestants. 127 manifestants ont été tués et des centaines blessés, selon un comité de médecins proche de la contestation.

Manifestants et ONG ont accusé les Forces de soutien rapide (RSF). Mais le numéro deux du Conseil militaire au pouvoir, Mohammed Hamdan Daglo, également commandant des RSF, a nié toute responsabilité de ses forces considérées comme un avatar des milices arabes Janjawid qui avaient terrorisé le Darfour (ouest) en conflit. Une commission d’enquête sur la dispersion du sit-in a été ensuite annon­cée par le Conseil militaire de transition. Lors d’une conférence de presse, samedi 27 juillet, Farah Al-Rahmane Saïd, à la tête de cette com­mission, a affirmé que le Conseil militaire avait ordonné aux RSF d’évacuer un secteur appelé Colombia, situé non loin du sit-in. Saïd a identifié le général et le colonel respective­ment par leurs initiales, A.S.A et A.A.M. « Il est clair pour la commission que le général a ordonné au colonel d’envoyer des forces anti-émeutes des RSF contre le sit-in », a affirmé Farah Al-Rahmane Saïd. Le Conseil militaire avait affirmé avoir seulement demandé aux forces de sécurité d’intervenir à Colombia pour chasser des éléments criminels. Selon M. Saïd, des forces ont désobéi aux ordres et pénétré la zone du sit-in.

Gestes de bonne volonté

Un résultat qui devrait satisfaire l’opposi­tion soudanaise et accélérer l’application de l’accord conclu entre les deux camps rivaux le 17 juillet. Pourtant, en première réaction, l’Association des professionnels soudanais (SPA), l’un des principaux membres du mou­vement de contestation, l’a rejeté. « Nous voulions une enquête indépendante. Nous refusons les résultats de l’enquête officielle », a affirmé Ismaïl Al-Taj de SPA. « Cette enquête était l’une des principales revendica­tions de l’opposition. C’était le seul moyen de la calmer et de la pousser à poursuivre les négociations pour rétablir la paix. Face à la communauté internationale, le Conseil mili­taire a tenu ses obligations. Il lance donc la balle dans le camp de l’opposition. Cette der­nière doit à son tour présenter des conces­sions pour mettre fin à cette crise », estime Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’éco­nomie et de sciences politiques de l’Université du Caire, tout en ajoutant qu’un autre incident a servi le Conseil militaire et lui a donné un certain avantage : il a annoncé, mercredi 24 juillet, avoir arrêté un général, plusieurs membres du puissant Service national de ren­seignement et de sécurité (NISS) ainsi que des dirigeants politiques pour avoir fomenté un coup d’Etat déjoué le 11 juillet. « Le général Hachim Abdel-Mottalib, chef d’état-major des armées, plusieurs agents du NISS, des diri­geants de mouvements islamistes et du parti du Congrès national de l’ex-président Omar Al-Béchir », ont indiqué les militaires dans un communiqué, en précisant que « le 11 juillet, une tentative de coup d’Etat a été déjouée au Soudan ». Ainsi, 12 officiers, dont 5 à la retraite, avaient été arrêtés. Ces détenus seront interrogés et présentés devant la justice pour avoir aidé le retour au pouvoir de l’ancien régime du parti du Congrès national.

« Il s’agit là d’une autre carte utilisée par le Conseil militaire pour que l’opposition souda­naise poursuive les négociations et applique l’accord », explique Dr Mona Soliman. Le 17 juillet, après des négociations difficiles, le Conseil militaire et les chefs de la contestation ont conclu un accord crucial sur le partage du pouvoir, prévoyant la formation d’un conseil souverain qui mènera pendant un peu plus de trois ans la transition.

Samedi 27 juillet, les deux camps ont dis­cuté de paix à Juba avec les représentants de groupes rebelles soudanais actifs dans les Etats du Kordofan-Sud et du Nil bleu. Des groupes rebelles faisant partie de la contesta­tion avaient exprimé des réserves sur l’accord du 17 juillet, estimant que des questions-clés, comme la nécessité de rétablir la paix dans les zones de conflit (Darfour, Kordofan-Sud et Nil Bleu) et de venir en aide aux populations vulnérables, n’avaient pas été traitées. Ces groupes rebelles et les dirigeants de la contes­tation ont finalement trouvé un accord, mer­credi 24 juillet à Addis-Abeba. Intitulé « Déclaration d’Addis-Abeba », cet accord ouvre la voie à l’instauration d’urgence d’une paix dans l’ensemble du pays avec tous les groupes armés.

Dès qu’un accord de paix sera finalisé pour ces zones de conflit, les groupes rebelles sou­haitent avoir des représentants au sein du futur gouvernement de transition. Ils réclament aussi l’extradition par le Soudan des personnes accu­sées de crimes par la Cour Pénale Internationale (CPI), notamment Omar Al-Béchir. Ce qui est refusé par le Conseil militaire.

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