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Tous les regards braqués sur l’Afrique

Abir Taleb avec agences, Mardi, 04 septembre 2018

La Chine a accueilli les 3 et 4 septembre le 7e Forum Chine-Afrique, élevé cette année au rang de sommet, signe de l’intensification des relations sino-africaines. Quelques jours auparavant, Angela Merkel et Theresa May étaient, chacune de son côté, en tournée pour courtiser le continent noir.

Deux documents majeurs ont été adoptés à Pékin : la Déclaration de Pékin et le Plan triennal d’Actio
Deux documents majeurs ont été adoptés à Pékin : la Déclaration de Pékin et le Plan triennal d’Action 2019-2021. (Photo: AFP)

C’est une vraie offensive de charme que se livrent en ce moment les grandes puissances autour de l’Afrique. A quelques jours du Forum Chine-Afrique, qui s’est tenu les 3 et 4 septembre à Pékin, deux hautes personnalités européennes ont effectué des tournées en Afrique: il s’agit de la chancelière allemande, Angela Merkel, qui s’est rendu au Sénégal, au Ghana et au Nigeria, et de la première ministre britannique, Theresa May, qui est allée en Afrique du Sud, mais aussi au Nigeria et au Kenya. Chacun de son côté donc courtise le continent noir, chacun à sa manière et chacun pour ses propres objectifs.

Mais il n’y a nul doute que c’est la Chine qui règne en grand maître en Afrique, notamment en matière d’économie. Le pays est déjà le premier partenaire commercial du continent africain, qui lui offre un excédent confortable dans les échanges. Et compte aller encore plus loin.

Cette année, la 7e Conférence ministérielle du Forum de coopération Chine-Afrique (tenue les 3 et 4 septembre dans la capitale chinoise) s’est élevée au rang de sommet. « La Chine et l’Afrique: construire une communauté de destin encore plus solide par la coopération gagnant-gagnant ».

C’est sur ce thème que s’est déroulée cette rencontre en terre chinoise, à l’issue de laquelle deux documents majeurs ont été adoptés: La Déclaration de Pékin, dont le projet est intitulé « Construire une communauté de destin Chine-Afrique encore plus solide » et le Plan triennal d’Action de Pékin 2019-2021. La grand-messe comprenait aussi 27 « side events », dont la 6e Conférence sino-africaine des chefs d’entreprise.

Chine-Afrique: Un partenariat gagnant-gagnant

En accueillant les dirigeants de 54 pays africains, Pékin a donc célébré la coopération économique grandissante entre le géant asiatique et le continent, et s’est targué de ses prouesses africaines. « Les investissements de la Chine en Afrique ne s’accompagnent d’aucune condition politique. La Chine ne s’immisce pas dans les affaires intérieures de l’Afrique et ne lui impose pas sa volonté », a affirmé le président chinois, Xi Jinping, lundi 3 septembre devant un parterre d’acteurs du monde économique et commercial.

Tel est en effet l’une des clés de la réussite chinoise en Afrique. Créé il y a 18 ans, le Forum sur la coopération sino-africaine adhère, depuis, au principe d’égalité en matière de discussion, de construction et de partage, donnant naissance à des caractéristiques d’équité, de pragmatisme et d’efficacité.

S’exprimant à quelques jours du forum, le vice-ministre chinois du Commerce, Qian Keming, a déclaré : « Cette coopération économique et commerciale a amélioré les infrastructures sur le continent africain, créé des emplois pour les jeunes et les femmes et promu les conditions de vie du peuple africain, tout en aidant les entreprises, les normes et les produits chinois à franchir les frontières ».

Le vice-ministre chinois du Commerce a confié que les investissements de son pays sur le continent prennent largement la forme de projets d’infrastructures et constituent des « atouts précieux » qui profiteront à la future croissance économique de l’Afrique. Actuellement, la plus grande partie du financement des infrastructures en Afrique provient de Chine.

Un quart des projets contractuels internationaux de la Chine sont mis en oeuvre en Afrique. Depuis 2015, la Chine, deuxième puissance économique mondiale, a investi annuellement plusieurs milliards de dollars en Afrique dans des infrastructures (routes, chemins de fer, ports) ou des parcs industriels. Des investissements largement salués par les pays africains, qui espèrent ainsi accélérer leur développement économique.

Au premier plan du menu du forum figurait en outre l’initiative chinoise baptisée « La Nouvelle Route de la soie » ou « La Ceinture et la route ». Le sommet a été l’occasion pour le président chinois, Xi Jinping, de célébrer ses « nouvelles routes de la soie ». Lancée en 2013, cette initiative vise à développer la connectivité commerciale de la Chine avec le reste du monde et à sécuriser ses approvisionnements.

Coopération militaire aussi

Chine
(Photo: AP)

Si la présence de Pékin sur le continent s’est renforcée à mesure de la spectaculaire envolée économique de la Chine, elle ne comprend pas que des volets économiques. Signe de l’importance stratégique de l’Afrique pour le géant asiatique : il a choisi Djibouti pour ouvrir en 2017 sa première base militaire à l’étranger.

Selon Pékin, elle est destinée à soutenir les opérations de maintien de la paix de l’Onu, d’évacuation de ses ressortissants et d’escorte navale contre la piraterie. Quelques jours avant la rencontre de Pékin, le ministère chinois de la Défense nationale annonçait, jeudi 30 août, des plans d’échanges et de coopération militaires avec différents pays et organisations.

Il a déclaré que son pays renforcerait la coopération militaire avec l’Afrique, notamment dans les domaines de la formation du personnel, des équipements et du maintien de la paix, et que la Chine aiderait à renforcer l’auto-développement des capacités de sécurité de l’Afrique et s’efforcerait d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations militaires Chine-Afrique.

L’Europe veut préserver sa présence

Un partenariat solide donc, face auquel l’Europe tente tant bien que mal de garder une place privilégiée en Afrique. Pour sa seconde tournée africaine depuis 2016, Angela Merkel— qui a renforcé le volet africain de sa diplomatie, avec pour stratégie de compter sur les pays du continent pour ralentir le flux des migrants vers le vieux continent — a une fois de plus parlé migrations. Sa tournée diplomatique (du 29 au 31 août) intervient au moment où Berlin mise sur le développement du continent pour endiguer les flux migratoires et renforcer la lutte contre la menace djihadiste.

En effet, l’Allemagne ne peut plus ignorer l’Afrique. Angela Merkel, confrontée à une montée de la droite et de l’extrême droite allemande, crispées sur la question migratoire, veut désormais limiter les flux de migrants en provenance du continent. Angela Merkel ne cesse de répéter qu’elle souhaite s’attaquer aux « racines » de l’exode des Africains vers l’Europe.

Soit faire en sorte que ces migrants restent chez eux. Les trois pays visités par la chancelière allemande ont de leur côté montré leur intérêt pour l’initiative allemande « Compact with Africa », qui consiste à créer les conditions d’une croissance rapide du continent en attirant les investisseurs privés. L’objectif du « Compact with Africa » est d’identifier les besoins des pays africains pour créer un cadre propice aux affaires, afin de conjuguer investissements privés et publics.

Dans ce cadre, Berlin a promis 300 millions d’euros d’investissements aux pays africains, sans compter l’action de l’agence de coopération allemande, la Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), qui a engagé en 2017 plus de 1,2 milliard d’euros sur le continent. Cet intérêt manifesté pour le continent africain s’accompagne d’une implication plus forte de la Bundeswehr (l’armée allemande) dans la lutte contre les groupes armés terroristes. Depuis décembre 2015, près d’un millier de soldats allemands sont stationnés au Mali, tant au sein de la Mission des Nations-Unies pour la Stabilité au Mali (MINUSMA) que dans le cadre de la formation des forces armées maliennes.

Côté britannique, la tournée de Theresa May (28 et 29 août) visait à positionner le Royaume-Uni post-Brexit comme premier investisseur occidental sur le continent : elle s’inscrit dans les efforts diplomatiques déployés depuis la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne, en juin 2016, pour tenter de décrocher de nouveaux accords commerciaux ou consolider les accords existants.

« Aujourd’hui, nous avons regardé vers l’avenir, vers un partenariat renouvelé qui va débloquer l’incroyable potentiel de la prochaine génération pour nos deux pays », a ainsi déclaré Mme May lors de son escale à Naïrobi. « Alors que le Royaume-Uni se prépare à quitter l’Union européenne, nous sommes déterminés à assurer une transition souple qui garantit la continuité de nos relations commerciales avec le Kenya, en s’assurant que le Kenya conserve un accès sans barrière tarifaire et sans quota au marché britannique », ajoute-t-elle. Au Cap, Theresa May a également annoncé une nouvelle enveloppe de 4 milliards de livres sterling d’investissements dans les économies africaines, ainsi qu’une réunion pour l’investissement en Afrique l’an prochain à Londres, assurant vouloir devenir le premier investisseur du G7 en Afrique d’ici 2022.

Londres cherche donc des débouchés commerciaux hors Union européenne. Mais si la visite de Theresa May s’est d’abord focalisée sur l’économie, la lutte antiterroriste était aussi au centre des discussions. Le Royaume-Uni et le Kenya ont signé un partenariat sécuritaire, notamment contre le terrorisme. Les Britanniques fourniront entre autres des machines pour détecter les explosifs dans les avions. Theresa May a aussi promis des financements supplémentaires pour la Force africaine en Somalie chargée de combattre les islamistes shebabs.

Avant de recevoir Theresa May, le nouveau président kényan, Uhuru Kenyata (56 ans), était aux Etats-Unis, où il a été reçu par son homologue américain, Donald Trump. C’était le deuxième président d’Afrique subsaharienne reçu à la Maison Blanche depuis l’arrivée au pouvoir de Trump. Si le président américain a reproché à son invité des exactions dans la lutte contre les Shebabs somaliens, le gros du sujet a été économique. Le Kenya recevra une mission de conseils américains, pour discuter du « Doing Business in Africa ». Les Américains, eux non plus, ne veulent pas être en reste.

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