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Mali : Une victoire pour l’opposition

Maha Salem avec agences, Lundi, 21 août 2017

Le président malien a décidé à la dernière minute de suspendre la révision de la Constitution. Une décision qui a calmé la rue.

Sous forte pression de l’opposition, le prési­dent malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a décidé de suspendre le référendum sur son projet de révision de la Constitution. Une décision tant attendue par l’opposition et la classe politique pour calmer les Maliens après des mois de tensions et de protestations. « Dans l’intérêt supérieur de la nation et de la préservation d’un climat social apaisé, j’ai décidé, en toute responsabilité, de surseoir à l’organisation d’un référendum sur la révision constitutionnelle », a déclaré le chef de l’Etat malien, IBK, en ajoutant que son devoir était d’expliquer tous les bénéfices que la révision constitutionnelle apporterait au rétablissement de la paix, à la consolidation des institutions et à l’amélioration de la gouvernance. « Je constate toutefois que dans le climat actuel ces explications peinent à être entendues et accep­tées. Nous devons prendre le temps de nous retrouver pour échanger sans détour », a esti­mé le président, tout en regrettant que de pro­fonds clivages menacent d’ébranler durable­ment la cohésion nationale. Afin d’atteindre cette décision présidentielle, les Maliens ont manifesté par des milliers à plusieurs reprises pour protester contre la tenue de ce référen­dum. Déjà, ces manifestations massives et déterminantes ont obligé le gouvernement de décider en 21 juin dernier de reporter à une date ultérieure le référendum initialement prévu le 9 juillet 2017.

Pour la première fois depuis 1992, une révi­sion de la Constitution devait avoir lieu. En effet, cette révision constitutionnelle était pré­vue par l’accord de paix d’Alger, signé mi-2015 par le gouvernement et les rebelles nordistes de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Sur le papier, elle doit notamment permettre une plus grande décen­tralisation et renforcer le poids des collectivi­tés territoriales. Après diverses révisions avor­tées sous Alpha Oumar Konaré puis Amadou Toumani Touré, elle est aussi présentée par le pouvoir exécutif comme le moyen de moder­niser enfin des institutions républicaines figées dans le marbre depuis 1992. Mais plu­sieurs points dans le projet posent problème et sont rejetés par l’opposition. Tout d’abord, le premier changement est la création d’une Cour des comptes et d’un Sénat, dont un tiers des membres serait nommé par le président de la République et les deux autres tiers élus. Le texte prévoit également la nomination du pré­sident de la Cour constitutionnelle par le chef de l’Etat (jusque-là choisi par ses pairs), ou l’interdiction pour les députés de changer de parti en cours de mandat. Les opposants lui reprochent de conférer trop de pouvoirs au président. « L’hyperprésidentialisation et la personnalisation du pouvoir à outrance, voilà ce qu’on veut codifier à travers ce projet », tempête Tiébilé Dramé, président du Parti pour la renaissance nationale (Parena), qui réclamait un retrait pur et simple du texte et non pas des corrections. Le 5 juillet dernier, la Cour constitutionnelle avait demandé au gou­vernement d’apporter des corrections au projet de révision constitutionnelle, acceptant la requête de l’opposition sur l’article évoquant la durée du mandat des sénateurs désignés par le président, qui n’était nullement mentionnée dans le texte. En plus dans la même requête, les opposants se sont notamment appuyés sur l’article 118 de la Constitution qui indique qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Ils évo­quaient ainsi la présence de « plusieurs groupes armés semant la terreur sur leur pas­sage et dictant leur loi aux populations sur plus des deux tiers du territoire national » et la situation sécuritaire à Kidal, dans le nord du pays. Sur ce point, la cour a jugé l’argument impertinent.

En première réaction, l’opposition est des­cendue dans la rue pour célébrer ce qu’elle considère comme une victoire contre un projet qu’elle combattait. « Nous sommes ici pour célébrer une victoire, le retrait du projet réfé­rendaire. Nous remercions les milliers de mili­tants qui sont présents au meeting. Nous reste­rons vigilants pour la suite », a déclaré Amadou Thiam, vice-président de la plateforme « Touche pas à ma Constitution », qui a ras­semblé quelques milliers de personnes dans les rues de la capitale malienne. Depuis plusieurs mois, la grogne sociale est perceptible, et des grèves à répétition touchent le secteur public .

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