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Sahel : Efforts conjoints pour la lutte antiterroriste

Sabah Sabet avec agences, Mercredi, 05 juillet 2017

Sous les auspices de la France, les dirigeants des pays du G5 Sahel ont acté dimanche à Bamako la constitution d'une force antidjihadiste conjointe et débloqué des fonds pour commencer son déploiement en septembre-octobre.

La montée de la menace que représentent les groupes djihadistes sur le continent africain, surtout dans la région du Sahel, a été à l’origine d’une mobilisation des dirigeants africains ainsi que de la France, dont les intérêts en Afrique sont menacés, contre les groupes djihadistes. Dimanche dernier, et lors d’un sommet tenu à Bamako, les chefs des pays du Sahel G5 Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Idriss Déby Itno (Tchad), Mohamed Ould Abdelaziz (Mauritanie), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso) et Mahamadou Issoufou (Niger) avec le président français Emmanuel Macron, sont convenus d’un budget de 423 millions d’euros pour une force conjointe régionale déployée en septembre contre les djihadistes. Une somme qui ne sera pas facilement rassemblée. « De quoi amorcer le financement d’une force qui devrait coûter 423 millions d’euros », a indiqué le président malien lors d’une conférence de presse avec son homologue français au terme du sommet. Selon Keita, les pays du G5 se sont engagés à une contribution de 10 millions d’euros chacun, qui s’ajouteront aux 50 millions promis par l’Union européenne. « Il y a urgence, parce que ceux qui sont en face n’attendent pas », a expliqué le président malien, en référence aux djihadistes, et d’ajouter : « Pas besoin de réunir tous les financements pour commencer ».

Pour sa part, la France, l’un des pays les plus occupés et engagés dans cette affaire, a promis d’importantes aides. Lors du sommet, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé une aide matérielle et logistique française équivalente à 8 millions d’euros d’ici à la fin de l’année, avec notamment 70 véhicules tactiques et du matériel de transmission et de protection. Le président français a souhaité une mise en place du commandement fin août, ajoutant : « L’important c’est que cette force conjointe soit pleinement opérationnelle à l’automne, avec les premiers financements débloqués (...) et qu’elle ait ses premiers résultats ».

Face à la dégradation de la situation dans le centre du Mali, limitrophe du Burkina Faso et du Niger, gagnés à leur tour par les violences djihadistes, le G5 avait réactivé, lors d’un sommet en février, à Bamako, le projet de cette force. Déployée dans un premier temps aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger, avec un effectif initial de 5 000 hommes, basée à Sévaré (centre du Mali), elle s’ajoutera à l’opération française Barkhane qui traque les djihadistes dans le Sahel et à la Mission de l’Onu au Mali (Minusma). La France, elle-même en pleine recherche d’économies pour cause de déficit budgétaire aggravé, espère le soutien d’autres pays de l’Union européenne, en faisant valoir que son engagement militaire au Sahel protège l’Europe toute entière. Pour compléter les fonds nécessaires, une conférence des donateurs est prévue prochainement, avec, selon Paris, un apport programmé de l’Allemagne, qui participe déjà en force à la Minusma et à la mission européenne de formation de l’armée malienne.

Quelle aide internationale ?
La France compte en fait sur l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique, et espère aussi un « soutien concret » des Etats-Unis, présents militairement avec notamment des drones basés au Niger, a indiqué l’Elysée. Le 21 juin, le Conseil de sécurité de l’Onu a adopté une résolution qui « salue » le déploiement de cette force mais sans lui délivrer ni mandat ni fonds. Selon des observateurs, la France veut sortir de son isolement sécuritaire en Afrique, elle est toute seule au front. « Emmanuel Macron a compris qu’il n’était pas possible de continuer comme cela, son véritable objectif, outre de rapprocher les pays de la région, est de faire financer les opérations militaires de la France et des pays de la région par l’Allemagne, l’Union européenne et, si possible, par l’ensemble des Nations-Unies », a expliqué sur France info Antoine Glaser, journaliste, écrivain et spécialiste de l’Afrique.

En fait, lors du sommet du G20 qui aura lieu les 7 et 8 juillet à Hambourg c’est une occasion pour Macron pour convaincre ces pays de participer. Entre-temps, le président français a enjoint donc le G5 Sahel de démontrer l’efficacité de cette force pour convaincre les donateurs. « Ce sera à vous et à vos armées de convaincre que le G5 peut être efficace, dans le respect des conventions humanitaires, pour convaincre nos partenaires », a-t-il prévenu. Il a aussi pressé les dirigeants du G5 de mener des réformes institutionnelles et des efforts de gouvernance, appelés par leurs populations. La question financière est d’autant plus sensible que le président tchadien, dont le pays est déjà engagé dans la Minusma et dans la force multinationale contre le groupe islamiste nigérian Boko Haram, a menacé de se retirer de ce projet pour des raisons budgétaires.

Défi des djihadistes
Les groupes djihadistes ont répondu à ce sommet par un nouveau geste de défi aux dirigeants du G5 : la principale alliance djihadiste du Sahel, liée à Al-Qaëda, a diffusé samedi dernier une vidéo montrant six étrangers enlevés au Mali et au Burkina Faso entre 2011 et 2017, (une Française, une Colombienne, un Sud-Africain, un Roumain, une Suissesse et un Australien). « Ces gens ne sont rien, ce sont des terroristes, des voyous et des assassins », a réagi M. Macron, tout en se réjouissant d’avoir « pour la première fois depuis des mois une trace de vie pour Sophie Pétronin », l’otage française, enlevée en décembre.

Le Mali est sous état d’urgence quasiment sans interruption depuis l’attentat djihadiste contre l’hôtel Radisson Blue de Bamako le 20 novembre 2015, qui a fait 20 morts, outre ses deux auteurs. Le 18 juin dernier, un lieu de villégiature proche de Bamako, fondé par un Français, a été attaqué, faisant 5 morts, en plus de 4 assaillants tués. Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaëda. Ils ont été en grande partie chassés par une intervention militaire internationale lancée en 2013 à l’initiative de la France. Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes, françaises et de l’Onu, régulièrement visées par des attaques, malgré la signature en mai-juin 2015 d’un accord de paix censé isoler définitivement les djihadistes. Depuis 2015, ces attaques se sont étendues au centre et au sud et le phénomène gagne les pays voisins. Selon le spécialiste, la chasse aux djihadistes n’a pas de sens sans un ensemble d’actions de développement dans cette région complètement abandonnée, en particulier par les Occidentaux et les ONG. « Les Etats n’arrivent pas à assurer le contrôle économique ou social : il y a un terreau général qui favorise le djihadisme. Ce n’est pas simplement l’aspect sécuritaire qui va pouvoir régler le problème » a-t-il conclu.

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