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Nigeria : Dissensions au sein de Boko Haram

Sabah Sabet avec agences, Jeudi, 02 mars 2017

Le leader du groupe terroriste nigérian, Boko Haram, a annoncé avoir tué un de ses cadres éminents. Malgré ce signe révélateur de divisions au sein du groupe, la lutte contre Boko Haram trébuche toujours.

Tasiu, commandant de la secte terroriste nigériane de Boko Haram qui avait revendiqué l’enlèvement des lycéennes de Chibok en 2014, a récemment été assassiné. Contre toute attente, les forces de sécurité nigériane n’y sont pour rien. Dans un enregistrement sonore d’une réunion de la secte, récemment obtenu par l’AFP, Abubakar Shekau, leader de Boko Haram, révèle à ses commandants : « Ecoutez-moi : j’ai tué Tasiu. Ecoutez-moi bien ».

Tasiu, également connu sous le nom d’Abu Zinnira, a été accusé de complot contre son leader. Ce membre éminent de la secte apparaissait comme porte-parole sur des vidéos, toujours en tenue militaire, turban sur la tête et le visage caché. Selon Yan St-Pierre, consultant en contre-terrorisme pour MOSECON (Modern Security Consulting Group), Tasiu était considéré comme une figure forte, capable de faire consensus entre plusieurs cercles du groupe. Dans l’enregistrement audio, Shekau accuse Abu Zinnira d’avoir voulu le renverser avec l’aide d’un autre commandant, Baba Ammar. Il les accuse également d’avoir mené des combats sans son consentement et d’avoir lancer des rumeurs quant à sa capacité à mener l’insurrection.

« Dites-moi quelle est la punition pour ceux qui complotent contre leur chef ? », interroge Shekau pendant la réunion. Et d’ajouter : « De par notre code d’allégeance, nous n’hésiterons pas à sanctionner tout élément qui commet ce crime ». Cette réunion, organisée le 18 décembre dernier, visait à mettre fin aux incertitudes qui circulaient sur Shekau, qui a pris la tête du groupe islamiste en 2009, après la mort de son fondateur Mohamed Yusuf.

A ce propos, St-Pierre, expert des mouvements djihadistes, explique à l’AFP : « Le but de Shekau est d’envoyer un message clair au plus grand nombre de ses combattants et de les informer de cette purge contre quiconque pourrait défier son pouvoir ». Le meurtre d’un cadre éminent de la secte par les mains même de son chef est révélateur de l’existence de divisions et de luttes fratricides au sein du groupe djihadiste nigérian. « Ces révélations ne font que confirmer les rapports qui circulent depuis plusieurs mois concernant des disputes particulièrement intenses entre Shekau et ses commandants sur des questions de stratégie, de tactique et de logistique », affirme Nnamdi Obasi, chercheur à International Crisis Group, dans un entretien avec l’AFP. « Eliminer des adversaires, qu’ils soient réels ou fantasmés, peut toutefois avoir un effet double », ajoute le chercheur, basé à Abuja. « Cela peut consolider le pouvoir de Shekau, qui sera alors entouré d’un noyau dur et fidèle, ou à l’inverse, créer davantage de divisons et donc affaiblir cette faction du groupe ».

Abubakar Shekau est le visage le plus célèbre de cette insurrection. Il apparaît dans plusieurs vidéos pour revendiquer certaines des attaques qui ont déjà fait au moins 20 000 morts et 2,6 millions de déplacés. Seulement, en août dernier, l’organisation de l’Etat Islamique (EI), à laquelle Boko Haram a prêté allégeance en 2015, a désigné un autre « wali » (chef) en la personne d’Abou-Mosab Al-Barnaoui, fils du fondateur Mohamed Yusuf, pour diriger l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest.

672 millions de dollars d’aides aux victimes

Ces divisions interviennent alors que l’armée nigériane a affirmé en décembre avoir « nettoyé la forêt de Sambisa », bastion de la faction Shekau, poussant les combattants plus au Nord, vers Marte. Une déclaration démentie par Shekau. La faction d’Al-Barnaoui est, quant à elle, active sur les contours du lac Tchad et à la frontière avec le Niger. L’EI mène des attaques régulières contre les forces de sécurité et vendredi dernier, 7 soldats nigérians ont été tués lors d’une attaque du groupe d’un poste militaire dans le nord-est du pays.

Devant le grand nombre de victimes et de déplacés, la communauté internationale envisage d’épauler les forces africaines dans leur lutte contre le groupe. Vendredi dernier, 14 pays se sont réunis à Oslo et se sont accordés sur un don de 672 millions de dollars d’aide sur trois ans, en soutien aux victimes du Boko Haram au Nigeria et dans les pays riverains du lac Tchad. Cependant, cette somme reste nettement inférieure au capital nécessaire pour les 10,7 millions de personnes en attente d’une aide d’urgence. En effet, l’Onu estime à quelque 1,5 milliard de dollars, les besoins pour la région du lac Tchad pour 2017. Les Etats-Unis, qui ont changé de président en janvier et comptent réduire leur aide internationale, n’ont pas proposé de participer à Oslo.

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