Al-Ahram Hebdo : Depuis les indépendances, il y a plus d’un demi-siècle, l’Afrique détient le triste record des coups d’Etat. Pourquoi ?

Helmy Chaarawi : Les raisons de cette instabilité chronique remontent à plus loin, c’est-à-dire à la colonisation elle-même. Les anciens pays colonisateurs ont laissé leurs colonies sans aucun système ou structure sociale ou politique. Et c’est l’absence de ces structures qui est à l’origine de l’effondrement de ces Etats. De plus, depuis les indépendances, les choses n’ont pas évolué. Il n’existe toujours pas, dans les pays africains les plus pauvres, de développement et de cohésion sociale. Ceci est source d’instabilité et on y ajoute bien sûr l’existence de régimes dictatoriaux qui ne satisfont pas les populations.

— Vous pointez du doigt les anciens pays colonisateurs alors que ceux-ci jettent la responsabilité sur la corruption considérée comme une véritable gangrène en Afrique …

— Les anciens pays colonisateurs, notamment la France, sont responsables en grande partie de l’état actuel des pays africains, et la France devrait être jugée non seulement pour la colonisation mais aussi pour la politique qu’elle a suivie après les indépendances. Vous rendez-vous compte que l’on a un continent, le plus pauvre du monde et qui détient les plus grandes richesses de la planète ? C’est un paradoxe inacceptable !

Pour ce qui est de la corruption, il faut d’abord s’interroger sur les origines et sur les acteurs de cette corruption.

— Qu’en est-il des effets de la mondialisation ?

— Il faut, en effet, savoir que l’Afrique subit avec une acuité particulière les déstabilisations politiques et sociales dues à la mondialisation. En effet, déjà fragiles, les jeunes Etats indépendants ont hérité d’une souveraineté chancelante que la domination des multinationales et la dislocation des sociétés sous l’effet des politiques d’ajustement structurel ont achevé de réduire à néant.

D’ailleurs, il n’est pas impossible que cette déstabilisation soit voulue, voire orchestrée par ceux à qui profite ce chaos. Il faut aussi se demander qui est à l’origine de l’apparition de groupes dits terroristes ou salafistes dans le Sahel.

— Vous dressez là un sombre tableau … D’où peut alors venir la solution ?

— Des pays africains eux-mêmes. La solution réside dans les mains des Etats africains les plus forts, comme l’Egypte, l’Algérie et le Maroc, voire le Nigeria. Ces Etats ont et peuvent avoir davantage de poids régional. Ces pays doivent fournir des efforts d’abord pour développer leurs propres structures internes, leurs forces politiques et sociales. A partir de cela, ils peuvent jouer un rôle plus positif et surtout être plus influents chez leurs voisins subsahariens. Et ils y ont tout à gagner, à l’exemple de l’Algérie, car il est de son intérêt de sécuriser son sud.