Les rebelles centrafricains de la coalition de la Séléka ont pris Bangui dimanche matin, après une offensive éclair. Des combats ont eu lieu entre les rebelles et des militaires sud-africains déployés en République centrafricaine en vertu d’un accord entre Pretoria et le président Bozizé. 13 militaires de la force sud-africaine ont été tués et 27 blessés. Le président François Bozizé, au pouvoir depuis 10 ans, a pu fuir et chercher refuge au Cameroun. «
Il se trouve actuellement au Cameroun dans l’attente de son départ vers un autre pays d’accueil », a annoncé la présidence camerounaise dans un communiqué lu à la radio nationale ce lundi. Sa famille a été prise en charge en République Démocratique du Congo (RDC), a indiqué le porte-parole du gouvernement et ministre des Médias congolais, Lambert Mende. Poursuivant leur victoire, les rebelles ont décidé d’autoproclamer son chef, Michel Djotodia, président. «
On est en attente d’une déclaration solennelle qui officialise l’accès à la présidence de Michel Djotodia », a annoncé lundi, depuis Paris, l’un des porte-parole de la rébellion, Eric Massi. Agé d’une soixantaine d’années, Djotodia est un ancien fonctionnaire et diplomate, il a notamment été consul de Centrafrique au Soudan du Sud, qui avait basculé dans la rébellion, en devenant l’un des principaux animateurs depuis 2005. Lors d’un entretien à la radio
RFI, le chef de la Séléka a déclaré qu’il comptait organiser des élections libres d’ici 3 ans, en soulignant : «
Je n’ai pas dit que dans 3 ans, je remettrai le pouvoir. J’ai dit que d’ici 3 ans, nous allons organiser des élections libres et transparentes avec le concours de tout le monde ». Djotodia devra s’adresser cette semaine à la nation pour dévoiler sa politique et ses intentions.
En effet, les rebelles ont lancé une offensive vendredi, forçant le barrage tenu par la Force multinationale des Etats d’Afrique centrale. Ce barrage, situé à Damara, était considéré par les Etats d’Afrique centrale comme la « ligne rouge » à ne pas franchir par les rebelles. Samedi en fin d’après-midi, les rebelles sont entrés dans la capitale après avoir repris les armes depuis la veille. La semaine dernière, la Séléka avait posé un ultimatum au président Bozizé, afin de le contraindre à respecter les accords de Libreville. Parmi les points d’achoppement de ces accords figurent la libération de prisonniers politiques, la présence des troupes sud-africaines et ougandaises dans le pays et l’intégration des combattants de la Séléka dans l’armée. Or, le délai accordé par la Séléka a pris fin mercredi dernier sans aucune prise de décision de la part du président.
Ce n’est pas la première fois que les rebelles lancent une offensive et tentent d’accéder à la capitale. Le 10 décembre dernier, ils avaient lancé l’assaut dans le nord du pays et avaient enchaîné victoire sur victoire face aux Forces armées centrafricaines (Faca). Les pressions internationales avaient contraint le groupe rebelle à stopper sa progression à 75 km au nord de Bangui.
Non-respect des accords
Les accords de paix signés à Libreville le 11 janvier dernier avaient débouché sur la formation d’un gouvernement d’union nationale composé du camp Bozizé, de l’opposition et de la rébellion. Cependant, le non-respect des accords par le clan Bozizé a poussé les rebelles à déclencher de nouvelles hostilités au sein même de la capitale pour renverser Bozizé. « On appelle les populations à rester chez elles, les Faca à ne pas combattre et le président Bozizé à partir », a annoncé samedi depuis Paris Massi. Parallèlement, il a demandé à toutes les forces sur le terrain à ne commettre aucune « exaction, aucun pillage ou aucun règlement de comptes contre les populations ».
En outre et face à l’avancée de la Séléka, le premier ministre Nicolas Tiangaye, figure de l’opposition au président François Bozizé, a lancé samedi un ultime appel à négocier « pour éviter un bain de sang » dans la capitale centrafricaine. « Le premier ministre demande à nos frères de la Séléka de se mettre en rapport avec le gouvernement d’union nationale pour trouver une solution pacifique et éviter un bain de sang », a déclaré le porte-parole du gouvernement, Crépin Mboli Goumba. Et d’ajouter : « On peut gagner ou perdre une guerre, mais il est extrêmement important de gagner la paix ». Les rebelles de la Séléka avaient toutefois déclaré peu auparavant ne plus vouloir négocier avec Bozizé, ancien général arrivé au pouvoir par force en 2003. « Négocier avec le général Bozizé, non. Combien de fois avons-nous négocié avec lui ? Cela ne donne jamais rien », a déclaré le colonel Djouma Narkoyo, l’un des chefs militaires de la Séléka joint au téléphone par l’AFP depuis Libreville. Mettre en place un gouvernement de transition est la solution proposée par les rebelles pour sortir de la crise.
Condamnant la prise de pouvoir par la force de la rébellion, l’Union Africaine (UA) a suspendu lundi la participation de la Centrafrique à l’organisation. L’UA a également imposé des sanctions à 7 responsables de la coalition rebelle de la Séléka, dont Michel Djotodia. « Le Conseil (de paix et de sécurité) décide de suspendre immédiatement la participation de la RCA (République centrafricaine) à toutes les activités de l’UA, ainsi que d’imposer des sanctions, à savoir des restrictions de voyage et le gel des avoirs des dirigeants de la Séléka », a annoncé le commissaire à la paix et la sécurité de l’UA, Ramtane Lamamra.
De leur côté, la France et les Etats-Unis ont appelé les rebelles à respecter les accords de paix qui avaient été conclus à Libreville le 11 janvier entre le camp Bozizé, l’opposition et la Séléka, et à soutenir le gouvernement d’union nationale qui en est issu.
Ces messages ont été entendus par Michel Djotodia. « Nous resterons toujours dans l’esprit de Libreville », a-t-il promis, confiant qu’il gardera à son poste l’actuel premier ministre du gouvernement d’union nationale, Nicolas Tiangaye, figure de l’opposition à Bozizé.
Washington a également appelé « de manière urgente » la Séléka à « rétablir la loi et l’ordre » dans la capitale Bangui, livrée au pillage, où la situation est anarchique.
Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a condamné la prise de pouvoir par les rebelles et s’est déclaré inquiet des violations de droits de l’homme, selon son porte-parole, Martin Nesirky.
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