International > Afrique >

Eugène Allou : La nouvelle Constitution va permettre de consolider la paix

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 31 octobre 2016

A l’occasion du référendum sur la nouvelle Constitution en Côte d’Ivoire, l’ambassadeur ivoirien en Egypte, S.E. M. Eugène Allou, analyse la situation politique dans son pays.

Eugène Allou

Al-Ahram Hebdo : Le président ivoirien a appelé le peuple à voter massivement pour le oui lors du référendum de dimanche en assurant que la nouvelle Constitution est « la garantie, c’est une assurance-vie pour la paix ». Pouvez-vous nous donner plus d’explications, surtout que ce référendum a donné lieu à un débat houleux en Côte d’Ivoire ?
Eugène Allou : En effet, certaines clauses de la nouvelle Constitution ont fait l’objet de beaucoup de débats dans le pays. En 2003, alors que la guerre civile était à son paroxysme, des représentants de tous les Ivoiriens s’étaient réunis en France pour analyser les causes de la crise et chercher les moyens d’en sortir. Ils avaient alors exposé ce que veulent les uns et les autres. C’est alors qu’il a été décidé qu’une nouvelle Constitution soit mise en place, car celle de 2000 renfermait des points qui ne sont pas consensuels. Donc, il fallait déterminer un certain nombre d’éléments consensuels. Et lors des accords de Linas-Marcoussis (France) qui ont mis fin à la guerre civile, on s’était mis d’accord sur une série de mesures qui ont permis d’établir la paix et la cohabitation. D’autres mesures avaient été prises et qui sont portées sur l’éligibilité, la nationalité et l’identité du président. Tout cela a fait l’objet d’un consensus à Marcoussis. Il y a eu un long travail de 2003 à 2010. Et le président a tenu à intégrer toutes ces mesures dans la nouvelle Constitution. Donc, désormais, il n’y aura plus de divergences, car le nouveau texte a pris en compte les préoccupations de tous les partis politiques, de gauche à droite, de l’opposition et du gouvernement. La nouvelle Constitution va donc permettre de consolider la paix.

— Oui, mais certaines clauses du nouveau texte ont été critiquées, notamment la nomination par le président d’un vice-président et d’un certain nombre de membres du Sénat. L’opposition y voit un moyen de donner plus de pouvoirs au président ivoirien …
— En ce qui concerne la nouvelle disposition liée à la vice-présidence, je peux dire qu’on applique l’expérience des autres, comme celle de la France ou des Etats-Unis par exemple, des pays où le poste de vice-président existe. Cela évite les perturbations en cas de vacance de la présidence. C’est mieux que de vivre plusieurs mois d’incertitude, et vous savez qu’en Afrique, il existe toujours des problèmes lors des élections et pendant les périodes de transition.

Pour ce qui est du Sénat, son rôle est très important, les lois y sont discutées une deuxième fois avant leur promulgation par l’Assemblée générale. Et le fait qu’une partie de ses membres soit nommée est un moyen de donner la chance à certaines minorités d’y être représentées. De plus, le président sait faire les bons choix. Cette Constitution est un pas en avant par rapport à la précédente, et va mener à la cohésion et à la stabilité de la Côte d’Ivoire.

— Comment expliquez-vous donc le refus de l’opposition de la nouvelle Constitution et son appel au boycott ?
— Nous comprenons que chaque citoyen a le droit de s’exprimer et de dire qu’il n’est pas d’accord. L’opposition a le droit d’avoir un avis contraire à celui du gouvernement. Sa vocation est de s’opposer, c’est normal. Il y a des gens qui ont peur et qui ne voient pas d’utilité dans ce projet, mais finalement, la décision est entre les mains des citoyens, les gens vont aller pour voter, et si la majorité dit oui, la nouvelle Constitution va être adoptée et il faut donc l’appliquer. Mais boycotter, c’est un grand dommage, et ce n’est pas du tout une solution. Comment évaluer le poids de l’opposition, prendre en compte l’avis de la minorité, changer ou appliquer avec intelligence tel ou tel élément ? La vraie démocratie c’est celle qui tient compte de la minorité, celle qui trouve les moyens de la laisser s’exprimer. Mais si l’objection de l’opposition ne se fait pas par des moyens pacifiques, le gouvernement a le droit de défendre l’intérêt du peuple et la stabilité du pays.

— Ne craignez-vous pas que le pays ne s’expose à une nouvelle crise à l’instar de la guerre civile du début des années 2000 ?
— Après des années de troubles, les Ivoiriens aspirent à la paix sociale et refusent toutes sortes de conflits. De plus, la Côte d’Ivoire est un pays de dialogue permanent. Depuis que le président est au pouvoir, il a nommé un ministre d’Etat chargé du dialogue avec l’opposition. Et je pense que le dialogue avec l’opposition va se poursuivre. Mais on doit toujours respecter la loi et la décision de la majorité.

— Parallèlement au volet politique, comment le président Al-Alasane Ouattara gère-t-il avec les conditions économiques difficiles du pays de l’après-crise ?
— La Côte d’Ivoire est un pays qui a une expérience en matière de progrès social, nous connaissons les techniques de développement, surtout que le président est un ancien haut cadre du Fonds Monétaire International (FMI). Mais avant l’économie, il fallait d’abord parvenir à un apaisement, une réconciliation. Il fallait que les Ivoiriens puissent se pardonner. Aujourd’hui, la paix a été réalisée à 98 %. Quant à l’économie, nous avons un taux de croissance en 2015 de 10.3 %.

— Pour ce qui est des relations bilatérales entre l’Egypte et la Côte d’Ivoire, quels sont les domaines de coopération ?
— Les relations égypto-ivoiriennes sont très profondes, et il y a une coopération dans tous les domaines. Dans le domaine économique, plusieurs rencontres égypto-ivoiriennes ont eu lieu durant le mois d’octobre, et nous invitons les hommes d’affaires égyptiens à investir dans notre pays, notamment dans le domaine du cacao, un produit dans lequel nous sommes leader. Les hommes d’affaires égyptiens peuvent nous aider dans la transformation du cacao en d’autres produits. Il peut aussi y avoir des échanges commerciaux dans beaucoup d’autres domaines. Le problème à l’heure actuelle est que l’information est insuffisante de part et d’autre. Les Egyptiens doivent participer à des foires pour présenter leurs produits, les Ivoiriens doivent aussi venir en Egypte.

Outre que le domaine économique, l’Egypte octroie des bourses à des étudiants ivoiriens et forme des militaires, des policiers, des médecins et des ingénieurs. De même, l’Egypte partage son expérience avec la Côte d’Ivoire en matière de lutte antiterroriste. Car, comme vous savez, le terrorisme n’exclut personne. Notre pays a même été la cible d’une attaque terroriste visant une plage en mars 2016.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique