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RDC : Nouvelle crise politique en perspective

Abir Taleb avec agences, Lundi, 16 mai 2016

La Cour constitutionnelle congolaise a autorisé Joseph Kabila à rester au pouvoir après décembre 2016, date officielle de la fin de son mandat, si l'élection présidentielle n'est pas organisée dans les délais constitutionnels.

En République Démocratique du Congo (RDC), la décision de la Cour constitutionnelle continue de faire réagir, et surtout de faire des mécontents. En effet, la colère continue de gronder à Kinshasa depuis que la Cour constitutionnelle du Congo, saisie par la majorité, a autorisé, mercredi dernier, le président Joseph Kabila à rester à la tête du pays au-delà de son mandat qui s’achève en décembre 2016, et ce, si l’élection présidentielle censée se tenir fin novembre n’a pas lieu. En fait, la cour a dû trancher car la Constitution interdit au chef de l’Etat de se présenter au terme de son second mandat, qui s’achève en décembre, alors que le scrutin de novembre sera probablement reporté en raison de problèmes logistiques et budgétaires. Mais pour l’opposition, ces problèmes constituent un simple prétexte pour permettre à Joseph Kabila de se maintenir à la présidence.

L’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle est pourtant sans appel. « Suivant le principe de la continuité de l’Etat et pour éviter le vide à la tête de l’Etat, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu », dit la cour. Cette dernière avait été saisie par des parlementaires de la majorité pour permettre à Kabila de rester au pouvoir. Cette décision se fonde sur une interprétation de l’article 70 de la Constitution congolaise relatif à la durée du mandat et qui stipule également que « le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu ». S’appuyant sur l’article 75, l’opposition, elle, demandait au contraire que Joseph Kabila s’efface au profit du président du Sénat dans le cas où la présidentielle ne serait pas organisée dans les temps.

Or, si cette décision était attendue, elle risque de crisper un peu plus la situation politique en RDC. L’opposition accuse ainsi le chef de l’Etat de laisser « glisser » le calendrier électoral pour se maintenir au pouvoir. Contrairement à plusieurs dirigeants de pays voisins, Joseph Kabila n’est pas parvenu à réformer la Constitution. Mais pressé par la communauté internationale de sortir de l’impasse, il a appelé les différentes parties au dialogue pour discuter du processus électoral. Cependant, ses détracteurs soupçonnent une manoeuvre destinée à repousser un peu plus la date du scrutin. Et au sein de l’opposition, on refuse ce dialogue dicté par le chef d’Etat.

Etienne Tshisekedi, leader de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), est monté au créneau accusant la Cour constitutionnelle de donner « un nouveau mandat accordé au président Kabila » et estimant que la décision est un « acte inconstitutionnel, une révision masquée de la Constitution ». Le Mouvement de libération du Congo, la deuxième force d’opposition à l’Assemblée nationale a lui aussi lancé une mise en garde : « La cour n’a pas compétence à violer la Constitution. Si jusqu’au 19 décembre (ndrl : date de la fin du mandat de Joseph Kabila) il n’y a pas d’élections, si M. Kabila reste, il sera considéré comme un putschiste, et nous le traiterons comme tel », a annoncé Eve Bazaïba, secrétaire général du mouvement. Trois autres plateformes de l’opposition, la Dynamique de l’opposition, le G7 et le Front citoyen, ont appelé à des marches de protestations dans l’ensemble du pays « contre les dévoyés et fossoyeurs de la démocratie en RDC » car, selon elles, « la Cour vient de démontrer [...] qu’elle est au service de Monsieur Kabila et de ses partisans pour leur permettre de demeurer au pouvoir par défi et au mépris total aussi bien de la Constitution de la République que du peuple congolais, qui exigent l’alternance démocratique en 2016 ».

Autant de déclarations qui ne risquent pas de changer quoi que ce soit : l’opposition et la société civile peuvent manifester comme elles veulent, Kabila ne quittera pas le pouvoir à la fin de son mandat. Et ce, d’autant plus que chaque jour qui passe rend davantage incertaine la tenue de la présidentielle de novembre prochain. Pour preuve, à six mois de la date initialement prévue pour le scrutin, les opérations d’enrôlement des électeurs n’ont pas encore commencé officiellement en raison de problèmes logistiques et financiers.

Autre facteur en faveur de Kabila : la faiblesse de l’opposition. Malgré toutes ces déclarations, l’opposition ne fait pas le poids face au président et est surtout désunie. En fait, le seul qui manifeste une détermination qui soit de nature à stopper les velléités du chef de l’Etat sortant, c’est Moïse Katumbi. Mais l’ancien gouverneur du Katanga, qui avait démissionné en septembre 2015 de ses fonctions et quitté le parti du président Kabila l’accusant de chercher à s’accrocher au pouvoir, est aux prises avec la justice de son pays, alors qu’il vient d’annoncer sa candidature à la prochaine présidentielle. L’ancien gouverneur du Katanga est accusé d’avoir recruté des mercenaires étrangers .

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