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Troubles en vue au Congo-Brazaville

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 21 mars 2016

La réélection plus que probable de Denis Sassou-Nguesso à la tête du Congo-Brazaville risque de replonger le pays dans une nouvelle spirale de violence.

Une coupure totale des communications pendant 48 heures a été décidée à la veille de l’élection présidentielle qui a eu lieu dimanche dernier en République du Congo. Selon les autorités, la décision de couper toutes les télécommunications (téléphone, Internet, SMS) dans le pays dimanche et lundi derniers a été prise « pour des raisons de sécurité, de sûreté nationales et pour empêcher l’opposition de publier des résultats illégaux ». C’est dire d’avance le climat de tension dans lequel s’est déroulée l’élection. Lors de ce scrutin, le président sortant, Denis Sassou-Nguesso, qui brigue un troisième mandat consécutif fait face à huit candidats. Il a pu se représenter grâce à une réforme controversée de la Constitution adoptée par référendum en octobre dernier.

C’est donc le grand favori. Denis Sassou-Nguesso, 72 ans, a dirigé le Congo de 1979 à 1992, année où il a été battu à la présidentielle par Pascal Lissouba. Il est revenu au pouvoir cinq ans plus tard au terme d’une guerre civile et a remporté les scrutins présidentiels de 2002 et de 2009. Ses partisans soutiennent que c’est grâce à lui que le Congo-Brazzaville, petit Etat pétrolier d’Afrique centrale peuplé de 4,5 millions d’habitants, a pu retrouver la stabilité et développer ses infrastructures. Quant aux adversaires du président sortant, ils jugent pour leur part que la richesse pétrolière du pays n’a profité qu’à une petite élite : la moitié de la population totale du pays (4,5 millions d’habitants) vit dans la pauvreté. Cela dit, ses opposants savent d’avance qu’il sera reconduit.

Tentant de faire front uni, cinq des huit candidats en lice face à Sassou-Nguesso ont conclu un accord de retrait au second tour en faveur du premier arrivé, au cas où le président sortant serait mis en ballottage. Parmi les candidats figure le général en retraite Jean-Marie Mokoko, ancien conseiller à la sécurité de Sassou-Nguesso.

Malgré cela, l’opposition ne se fait pas d’illusion. « Il va utiliser l’appareil d’Etat », dit Joe Washington, président de la Fondation Ebina, un groupe d’opposition à Brazzaville. « Le résultat de l’élection est déjà connu », ajoute-t-il.

Appels à manifester
Lors du référendum d’octobre, la réforme constitutionnelle a été approuvée par plus de 92 % des voix, avec une participation de 72 %, selon la commission électorale, et cela malgré le boycott du scrutin par l’opposition. Des manifestations avaient éclaté à la veille de ce référendum : 18 manifestants avaient alors été tués par les forces de l’ordre. Un scénario qui pourrait bien se répéter. Avant même les premiers résultats, cinq candidats d’opposition ont estimé que les conditions n’étaient pas remplies pour des élections « sincères, crédibles et transparentes ». Affirmant que la fraude « a déjà commencé » avec des votes par anticipation, la création de bureaux de vote fictifs ou encore la distribution de fausses cartes d’électeurs, ces candidats n’ont pas boycotté les élections mais ont appelé le peuple à « exercer sa souveraineté » dans le cas où le président sortant l’emporterait dès le premier tour. Benoît Koukébéné, ancien ministre et désormais opposant en exil, alerte, lui aussi, sur les risques d’explosion au cas où Sassou-Nguesso persisterait à passer en force. A Bacongo, un quartier du sud de Brazzaville où l’opposition est très présente, des habitants ont promis de redescendre dans la rue en cas de réélection du président. Les risques d’instabilité sont donc réels, et une victoire de Sassou-Nguesso est loin d’être une garantie de stabilité sociale. Malgré cela, « les puissances occidentales sont restées relativement discrètes sur les aspirations de Sassou à briguer un troisième mandat, en raison notamment de leurs intérêts économiques au Congo », explique, à Reuters, Christoph Wille, analyste à Control Risks.

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