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La menace d’Aqmi s’accentue en Afrique

Sabah Sabet avec agences, Jeudi, 21 janvier 2016

Le Burkina Faso a été frappé par Al-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi) dans un attentat meurtrier visant des Occidentaux. Une attaque qui rappelle celle du Mali voisin, il y a deux mois.

La menace d’Aqmi s’accentue en Afrique
Les lieux des attaques sont fréquentés par des Occidentaux. (Photo : AFP)

Le Mali n’est plus dorénavant le seul pays cible d’Al-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi). Au Burkina Faso, pays voisin, au moins 29 personnes, dont de nombreux étrangers, ont été tuées et une trentaine d’autres ont été blessées, lors d’une attaque cette semaine contre un hôtel et un restaurant de Ouagadougou, la capitale.

L’attaque a débuté par l’irruption de plusieurs assaillants, vendredi dernier au café-restaurant Cappuccino. Ils ont d’abord mitraillé la terrasse du café et incendié des voitures avant d’entrer dans le lobby de l’hôtel Splendid, établissement de luxe situé de l’autre côté de la rue, où de violents échanges de tirs ont retenti. Dans la nuit, les forces spéciales burkinabés, appuyées par les forces françaises et américaines, ont donné l’assaut contre les assaillants. « Les opérations à l’hôtel Splendid et au restaurant Cappuccino sont terminées. 126 otages ont été libérés, parmi lesquels 33 blessés. Trois djihadistes ont été tués, il s’agit d’un Arabe et de deux Africains noirs », a indiqué Simon Compaoré, ministre de l’Intérieur burkinabé. 14 étrangers figurent parmi les 29 victimes de l’attaque, notant que les deux établissements sont fréquentés par des Occidentaux, des employés des Nations-Unies et des soldats français présents dans le pays dans le cadre de l’opération Barkhane qui vise à lutter contre les groupes armés djihadistes au Sahel. Le décompte du ministre de la Sécurité intérieure, 4 Canadiens, 3 Ukrainiens, 2 Français, 2 Suisses, 2 Portugais et un Néerlandais ont été tués, ainsi que 8 Burkinabés ont été tués. Sept victimes sont encore non-identifiées, « on dénombre 3 Blancs et 4 Noirs », a précisé le procureur Maïza Sereme. L’action a été revendiquée dans la nuit de vendredi par le groupe Aqmi qui l’a attribuée au groupe Al-Mourabitoune du chef djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar, selon SITE, une organisation américaine qui surveille les sites Internet islamistes. « Des frères du bataillon Al-Mourabitoune ont fait irruption dans un restaurant des plus grands hôtels de la capitale du Burkina Faso, et sont maintenant retranchés, et les combats continuent avec les ennemis de la religion », écrit Aqmi. Le groupe extrémiste a indiqué qu’il vise les Occidentaux qui pillent les fortunes des pays africains, et qu’il se venge aussi de ce qui se passe contre les musulmans au Mali et en Centrafrique. Samedi, un responsable du groupe djihadiste malien Ansar Al-Dine a de plus revendiqué l’enlèvement du couple d’Australiens disparus dans le nord du Burkina Faso. Selon lui, les deux étrangers sont aux mains de djihadistes appartenant à « l’Emirat du Sahara », un groupe lié à Aqmi.

Pas la première

L’attaque de Ouagadougou n’est pas la première qui vise des Occidentaux en Afrique de l’Ouest. Au Mali, des assaillants ont investi le 20 novembre l’hôtel Radisson Blue de Bamako où ils ont tué 20 personnes dont 14 étrangers, une opération revendiquée par deux groupes djihadistes, Al-Mourabitoune, puis par le Front de Libération du Macina (FLM, mouvement djihadiste malien). Le Mali, pays voisin du Burkina Faso, combat avec le soutien militaire de la France, des groupes extrémistes qui prétendaient créer l’Etat du califat islamique. L’opération Serval menée par la France en janvier 2013 a pu expulser ces groupes du nord, mais n’a jamais mis fin à leur existence dans le pays. Des membres de ces groupes s’infiltrent encore depuis le Mali pour mener des attaques contre les pays voisins de la coalition Barkhane qui lutte contre le terrorisme. Un gros contingent burkinabé participe également à la mission de l’Onu au Mali, la Minusma. Cela faisait par définition du Burkina une cible depuis un moment. « Il y avait des signes avant-coureurs (...) C’était une question de temps avant que cela arrive. En 2015, il y a eu deux attaques au nord, une à l’ouest du Burkina. Cela montrait que les groupes armés terroristes présents dans le nord du Mali avaient commencé à descendre vers le centre et le sud. Finalement, c’est un peu une continuité géographique logique », indique Cynthia Ohayon, experte à l’International Crisis Group (ICG) à Dakar, interrogée par l’AFP. En outre, le Burkina Faso a connu des moments troublés depuis le renversement, en octobre 2014, du président Blaise Compaoré à l’occasion d’un soulèvement populaire, mais, à la différence du Mali voisin, le pays, dont la population est à 60 % musulmane, avait jusqu’à présent été largement épargné par les violences.

Cette attaque de Ouagadougou représente un défi pour le président burkinabé, Roch Marc Kaboré, élu en novembre 2015. « Le président n’a pas encore eu le temps de se mettre au travail. Les élections se sont bien passées. Cela fait du pays un symbole de progrès, d’avancée. C’est aussi ce genre de symbole que ces gens-là veulent détruire », pense Cynthia Ohayon. Les deux attaques meurtrières du Mali et du Burkina Faso ont eu lieu en dépit de l’opération militaire française Barkhane mise en place pour lutter contre le djihadisme au Sahel, ce qui suscite des soupçons sur le pouvoir de ces groupes à s’entendre dans la région. L’analyste du Crisis Group ajoute que « ce n’est pas quelques milliers de militaires qui vont forcément régler le problème, en tout cas pas en quelques mois ni même en quelques années ».

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