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RCA: Le dialogue pour sortir de l’impasse

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 01 janvier 2013

La dernière victoire des rebelles et leur avancée vers la capitale contraignent le président centrafricain, Bozizé, à accepter des pourparlers.

le dialogue
Les promesses du président Bozizé ont été accueillies avec prudence par l'opposition. (Photos: Reuters)

« Le président Bozizé accepte un dialogue avec la rébellion qui doit conduire à un gouvernement d’union nationale ». C’est ce qu’a annoncé le président de l’Union Africaine (UA), Thomas Boni Yayi, le dimanche dernier, après un entretien avec le président centrafricain, François Bozizé. La rencontre visait à faire sortir le pays de l’impasse, l’emprise de la rébellion Séleka s’étendant à la majeure partie du territoire centrafricain. Yayi a affirmé avoir en outre reçu du président Bozizé l’assurance qu’« il ne sera pas candidat » à sa propre succession en 2016 et qu’il respectera « les dispositions constitutionnelles ».

L’opposition a vivement critiqué le président Bozizé ces derniers mois, l’accusant de vouloir modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Réagissant à chaud, Martin Ziguélé, principal opposant centrafricain, ancien premier ministre et candidat malheureux contre le président Bozizé à la présidentielle en 2005 et 2011, doutait lundi de ces promesses : « Le coeur du problème ce sont les promesses de M. Bozizé : il fait des promesses auxquelles il ne tient pas ». Il explique par exemple qu’en 2003, après sa prise du pouvoir par force, Bozizé avait déclaré qu’il ne comptait pas s’accaparer du pouvoir.

Quant à la proposition d’un gouvernement d’union nationale, Ziguélé estime que le débat n’est pas là : « L’heure n’est pas à la distribution des postes. Il faut revoir les structures de gouvernance, il faut trouver des solutions structurantes. Il faut un dialogue ». Les promesses ont donc été accueillies avec prudence par la rébellion Séleka. Les rebelles disent vouloir s’assurer de leur « mise en oeuvre », tout en promettant pour l’instant de la retenue sur le terrain. Le Séleka est désormais maître de la majeure partie du pays après une offensive éclair de trois semaines. Samedi dernier, les forces régulières et leurs alliés ont été obligés de se replier sur Damara, dernier noeud stratégique sur la route de la capitale Bangui. Par ailleurs, les pourparlers, qui doivent se tenir sous l’égide des chefs d’Etat de la Communauté Economique des Etats d’Afrique Centrale (CEEAC) à Libreville, devront porter sur l’application des différents accords de paix déjà conclus entre 2007 et 2011, comme le Séleka le souhaitait. Interrogé sur France 24, leur porte-parole, Eric Massi, a déclaré « prendre acte » de ces engagements.

Il explique qu’un entretien doit avoir lieu avec le président de l’UA, afin d’étudier en détail les propositions du président Bozizé et de valider un plan de sortie de crise. « L’Afrique doit sortir grandie de cette crise grâce à une résolution pacifique », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Si le président applique concrètement les engagements pris auprès du président Boni Yayi, il n’y a pas de raison pour que la tension ne retombe pas et que nous ne trouvions pas de solution pacifique ». Bangui aux mains des rebelles La tension était montée d’un cran quelques heures auparavant, lorsque Massi avait évoqué une entrée des rebelles dans Bangui, qu’il avait exclue jusque-là, et avait demandé le départ du président Bozizé. Face à cette progression des rebelles, la France, ex-puissance coloniale, a dépêché à Bangui 80 hommes supplémentaires et 2 hélicoptères Puma, portant ses effectifs à 580 soldats. Ce dispositif doit permettre une évacuation des Français et autres Européens si besoin, selon le ministère français de la Défense. Après sa rencontre avec Boni Yayi, le président Bozizé — qui avait en vain appelé la France à la rescousse le 27 décembre — a demandé à rencontrer le président français, François Hollande, « pour débattre des questions profondes qui intéressent la République centrafricaine ». Mais Paris ne réagit à aucune des tentatives répétées de Bozizé. Et le régime du président centrafricain souffle depuis le début de la crise le chaud et le froid sur le sentiment anti-français d’une population partagée sur l’ancienne puissance coloniale.

L’ambassade de France à Bangui a été caillassée le 26 décembre, 15 jours après le début de l’offensive rebelle Séleka dans le nord. Aujourd’hui, de nombreux Centrafricains, dont des membres des forces de l’ordre ou de l’administration, ont une attitude ouvertement hostile contre les « Blancs ». Ils ne comprennent pas la non-intervention de la France, voire la jugent responsable de la situation. Le régime a souvent reproché à la France de l’empêcher d’exploiter son sous-sol, notamment depuis la suspension de l’exploitation de la mine d’uranium de Bakouma en 2011, estime un journaliste centrafricain. Selon Ziguélé, il n’y a pas de réel sentiment anti-français : « Nous n’avons aucun intérêt, ni à court ni à long terme, à développer un sentiment anti-français, anti-américain ou anti-occidental ». Bozizé a d’ailleurs fait piteusement machine arrière, en s’excusant auprès de Paris, depuis que les rebelles sont en marche sur la capitale. La Centrafrique, pays enclavé de cinq millions d’habitants, parmi les plus pauvres de la planète, est engagée depuis 2007 dans un processus de paix après des années d’instabilité, de multiples rébellions et mutineries militaires, qui ont détruit son tissu économique et l’ont empêchée de tirer profit de ses ressources naturelles.

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