
Ce scrutin est le sixième depuis l'avènement du multipartisme au Ghana en 1992.
photo:Ap
Quatorze millions de Ghanéens ont été appelés vendredi 7 décembre aux urnes pour élire députés et président. Les opérations de vote se sont terminées samedi malgré de sérieux problèmes techniques concernant les listes biométriques et les machines destinées à authentifier l’identité des électeurs. Malgré cela, le vote s’est déroulé généralement sans incident et de façon pacifique, selon la mission d’observateurs nationaux déployée pour ces élections.
Selon des résultats provisoires annoncés dimanche par la radio privée Joy News, le président par intérim, John Dramani Mahama, mène d’une courte tête dans la course au fauteuil
présidentiel devant son principal rival Nana Akufo-Addo. La radio se base sur les résultats provisoires émanant de 261 circonscriptions sur les 275 que compte le pays. Mahama a obtenu 50,03 % des voix devant Akufo-Addo qui en obtient 48,05 %. « Mahama est vraisemblablement le président élu du Ghana », ajoute la radio, qui indique par ailleurs un taux de participation de 81 %, alors que la commission électorale n’a, elle, pas encore fait d’annonce. Deux partis principaux ont alterné au pouvoir depuis l’avènement du multipartisme en 1992, faisant du Ghana un modèle de stabilité dans une région où les élections sont souvent synonymes de crises violentes. Ce sont le Congrès national démocratique (NDC), fondé par l’ancien président Jerry Rawlings, et le Nouveau Parti Patriotique (NPP), de l’ancien président John Kufuor.
L’ancien vice-président, John Dramani Mahama — propulsé à la tête de l’Etat en juillet après la mort de son prédécesseur John Atta Mills des suites d’une maladie foudroyante — est le représentant du NDC, tandis que son principal adversaire, Nana Akufo-Addo, avocat et fils d’un ancien président, est le représentant du NPP. Le NDC est revenu au pouvoir il y a quatre ans, mais le NPP compte le lui reprendre. Chacun de ces partis possède ses bastions historiques. Pour le NDC, c’est la région d’origine de l’ancien président Jerry Rawlings, la Volta, mais aussi le nord du pays. Et pour le NPP, c’est la région Ashanti, celle d’un autre ancien président, John Kufuor. Mais ici les considérations ethniques n’entrent pas seules en jeu, et dans quatre régions du Sud notamment, le vote peut basculer d’un côté comme de l’autre. C’est là que se joue l’élection. Les 8 autres partis ont beaucoup de mal à percer. A la dernière présidentielle, leurs candidats n’avaient pas fait plus de 3 % des voix à eux tous, et ils avaient obtenu 7 sièges seulement à l’Assemblée, sur 230. La compétition est très serrée, et, malgré l’annonce des résultats provisoires par la radio privée, en l’absence de sondages il est difficile de dire aujourd’hui qui va gagner. Il y a cette année 10 % d’électeurs de plus : des jeunes dont il est difficile de savoir vers qui penchera le vote.
Reconnaître la défaite
Ce scrutin est le sixième depuis l’avènement du multipartisme en 1992. La dernière présidentielle en 2008 avait fait craindre un moment que le pays ne bascule dans la violence, mais John Kufuor notamment avait calmé le jeu. Président sortant à l’époque, il était intervenu pour reconnaître la défaite de son parti, le NPP, et de son candidat Nana Akufo Addo, que 40 000 voix séparaient du vainqueur et qui dénonçait des irrégularités. Il n’y a, cette fois-ci, pas eu d’incident majeur pendant la campagne. Le Ghana sait qu’il joue sa réputation de modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest. Cette réputation est chère au coeur des Ghanéens, et on se souvient de leur fierté il y a trois ans, quand le président Barack Obama, fraîchement élu, avait choisi leur pays pour livrer son discours sur l’Afrique. Les Ghanéens n’ont pas oublié les années post-indépendance, marquées par des coups d’Etat en série. Ils ont connu dix ans de couvrefeu sous Jerry Rawlings, avant que ce militaire ne mette le pays sur les rails de la démocratie. Aujourd’hui, beaucoup apprécient la stabilité que connaît le pays. Ce pays pratique une démocratie « vivante », avec une société civile très active, des instances de réflexion et une justice indépendante. Ici, les juges sont bien payés, bien formés et respectés. La presse est libre, y compris quand elle est engagée. Sur le plan économique, le pays jouit d’une croissance soutenue établie à 5 % en moyenne depuis le début des années 2000, qui a bondi à 14 % même l’an dernier, grâce au lancement de l’exploitation du pétrole qui vient s’ajouter aux autres ressources, notamment l’or, pour lequel le Ghana est le deuxième producteur en Afrique, et le cacao, pour lequel il est deuxième producteur mondial. Le Ghana est entré l’an dernier dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire : il y a ici une vraie classe moyenne. Beaucoup resteencore à faire en matière de développement et d’infrastructures, notamment dans les régions agricoles du Nord, car c’est finalement le Sud qui, pour l’instant, bénéficie du boom économique. Et même à Accra, la capitale, il y a encore des quartiers pauvres où les habitants n’ont ni eau potable ni toilettes à la maison. Les Ghanéens se plaignent aussi de l’augmentation du coût de la vie et du chômage. Malgré une démocratie bien installée, tout n’est pas parfait et la corruption reste au coeur des débats politiques. La nouvelle production de pétrole suscite des espoirs, mais elle inquiète aussi puisqu’on sait à quel point l’or noir peut se transformer en malédiction. Mais malgré tout, le Ghana reste un pôle de stabilité dans la région.
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