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Tunisie : Les défis du nouveau président Essebsi

Maha Salem avec agences, Mardi, 23 décembre 2014

Après sa victoire, une lourde tâche attend Béji Caïd Essebsi, le nouveau président de Tunisie : mener son pays dans la bonne direction sur le plan économique et social,
mais aussi rétablir la sécurité.

Tunisie
(Photo : Reuters)

Comme prévu, le vétéran de la politique Béji Caïd Essebsi a remporté la pre­mière présidentielle libre de l’histoire de la Tunisie. Le chef du parti anti-islamiste Nidaa Tounès a largement distancé le chef de l’Etat sortant, Mouncef Marzouki, avec 55,68 % des suffrages au second tour de dimanche dernier, selon les résul­tats annoncés lundi dernier. Mais le calendrier de la passation de pouvoir n’a pas été annoncé.

Dans sa première déclaration, le nouveau président a annoncé qu’il serait le président « de toutes les Tunisiennes et de tous les Tunisiens ». Agé de 88 ans, une lourde tâche pèse sur ses épaules: il est chargé de relancer son pays après quatre ans d’une transition politique tendue et chaotique. Tout d’abord, sa formation doit décider du prochain gouverne­ment et s’atteler rapidement à constituer une coalition stable, faute de majorité absolue au Parlement. Elle devra compo­ser avec les islamistes d’Enna­hda, qui restent la deuxième force politique du pays. Outre la sécurité, le chef de l’Etat et le nouveau gouvernement devront inclure la situation économique parmi leurs pre­mières priorités. Ainsi, ces nouveaux dirigeants auront cinq ans pour faire leur preuve.

Il s’agit de nombreux défis du pays, en particulier sur le plan économique. Quatre ans après une révolution largement motivée par la pauvreté, le chô­mage et la misère planent tou­jours sur le pays et la crois­sance est très fragile. La presse tunisienne a déjà lancé des avertissements au lendemain de l’élection présidentielle. « En témoignent tous ces obs­tacles socioéconomiques qui ont viré au rouge avec surtout un appareil productif complètement grippé, un investissement en panne, un taux de chômage alarmant, un pouvoir d’achat à son plus bas niveau et une situation sociale tota­lement désordonnée », souligne La Presse.

L’autre grand défi est de garantir la sécurité face à l’essor d’une mou­vance djihadiste armée responsable de la mort de dizaines de soldats, notamment à la frontière algérienne, et de deux figures politiques anti-islamistes en 2013. Des militants du groupe Etat islamique ont d’ailleurs menacé la Tunisie quelques jours avant la présidentielle.

Car outre les djihadistes, les parti­sans du parti Ennahda refusent les résultats et continuent à manifester violemment. Pendant la campagne, Marzouki s’est efforcé de dépeindre Essebsi comme le représentant de la dictature tunisienne déchue. Ce der­nier a, en retour, dénoncé les com­promis du chef de l’Etat avec les islamistes, voire même les djiha­distes.

De son côté, Mouncef Marzouki a appelé ses partisans, notamment ceux qui ont protesté dans le sud du pays, à accepter le résultat de l’élection au nom de l’unité nationale. Deux postes de police ont ainsi été incendiés à El Hamma, selon le ministère de l’Inté­rieur, et Nidaa Tounès a indiqué que des protestataires avaient tenté d’in­cendier son local à Tataouine. Par ailleurs, Marzouki a affirmé qu’il allait porter devant l’instance électo­rale de nombreuses violations enre­gistrées pendant le scrutin, mais qu’il n’irait pas devant la justice au nom de la stabilité du pays et pour ne pas entraver la formation rapide d’un gouvernement.

Mais les conflits et les divergences restent vifs entre les deux rivaux et leurs partisans. « Dans ce climat de tensions et de violences, un accord de réconciliation doit être conclu le plus vite possible, pour pouvoir mettre le pays à pied et laisser à part leurs différends. Leurs objectifs doivent être le développement et le relance­ment de leur pays qui est sur le point de s’effondrer. La victoire d'Essebsi doit apporter à la Tunisie la stabilité, puisque les Tunisiens ont choisi le retour à l’ordre et l’organisation, ils voient que Essebsi est un homme fort et peut rétablir l’autorité de l’Etat », explique Ayman Shabana, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire. Ancien ministre du père de l’indépendance Habib Bourguiba et président du Parlement au début des années 1990 de Zine El Abidine Ben Ali, Essebsi est revenu sur le devant de la scène politique à la faveur de la révolution de 2011. Il a occupé pen­dant plusieurs mois le poste de premier ministre, organisant les premières élections libres qui ont porté Ennahda au pou­voir. Il a ensuite bâti son parti sur le rejet des islamistes et le rétablissement du prestige de l’Etat.

Et afin d’éviter un retour vers la dictature, l’essentiel du pouvoir exécutif revient au gouvernement, le chef de l’Etat ayant vu ses préroga­tives limitées dans la Constitution adoptée début 2014. Avec les élections légis­latives du 26 octobre dernier, les Tunisiens ont réaffirmé leur espérance dans une Tunisie démocratique et moderne. Ils ont refusé la domination d’un parti, comme ils ont rejeté tout radicalisme. Le fait qu’aucun parti poli­tique ne soit majoritaire dans le pays constitue au final une chance pour la Tunisie. Les partis ont désormais l’obliga­tion de se rassembler et construire la transformation économique, sociale et cultu­relle de la Tunisie sur des idées fédératrices.

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