C’est un Iraq meurtri, secoué par des attentats quasi quotidiens et dont les institutions sont paralysées en raison de la crise politique et de l’insécurité, qui choisit ce mercredi son nouveau Parlement. Des élections à hauts risques qui ne vont probablement pas apaiser les tensions, tant les différents acteurs politiques sont à couteaux tirés.
Le premier facteur d’instabilité est l’obstination du premier ministre chiite Nouri Al-Maliki, 63 ans, à rester au pouvoir. Candidat à un troisième mandat, il est donné favori en dépit des multiples critiques dont il fait l’objet et de la colère des Iraqiens.
La multiplication des violences depuis un an, qui atteignent des niveaux jamais vus depuis 2008, a porté un coup à sa crédibilité. Accusé de corruption, taxé de dictateur par ses détracteurs, en particulier la minorité sunnite qui s’estime discriminée, Maliki compte tirer profit des divisions au sein de l’opposition et de l’absence de remplaçant potentiel.
Selon une règle non écrite, mais admise de facto par les partis politiques, le poste de premier ministre revient à un chiite, tandis que les Kurdes détiennent la présidence et les sunnites la tête du Parlement. Or, Maliki reste le seul chiite ayant la carrure pour le poste, contrairement à 2010, quand la campagne s’était polarisée entre lui et son rival, Iyad Allawi, un chiite laïque. En effet, les divisions qui sont apparues depuis 2010 dans le camp chiite n’ont pas permis l’émergence d’un nouveau leader, ce qui profite à Maliki.
Une éventuelle réélection de M. Maliki (au pouvoir depuis 2006) n’est pourtant pas une garantie de sortie de crise. Déjà, lors des élections de 2010, Maliki n’avait été reconduit à son poste que huit mois après les élections. Son parti, l’Alliance pour l’Etat de droit, était alors arrivé second, derrière une coalition hétéroclite soutenue par plusieurs partis sunnites. Mais Maliki était parvenu à s’allier à plusieurs groupes chiites et à se maintenir au poste de premier ministre, après des mois de difficiles tractations. Ce scénario pourrait se reproduire, notamment avec la multiplication de petits partis aux allégeances religieuses ou tribales, un « facteur majeur de division », selon l’Onu.
Outre Maliki, il existe plusieurs autres acteurs-clés dans ces élections. En premier lieu, figure le président du Parlement et homme politique sunnite le plus important du pays, Oussama Al-Noujaifi. Du côté des chiites, le grand ayatollah Ali Al-Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Iraq, ne fait pas directement de politique, mais est extrêmement influent. Tout comme l’influent chef radical chiite Moqtada Al-Sadr. A la tête d’un groupe politique majeur en Iraq, il a annoncé son retrait de la vie politique en février dernier, mais reste une figure essentielle en Iraq. En 2010, il avait soutenu Nouri Al-Maliki, avant de le dénoncer comme un « dictateur ».
Acteurs externes
Sur le plan interne, tout est donc une affaire d’appartenance confessionnelle ou tribale en Iraq. Mais il existe aussi une dimension régionale, voire internationale, qu’il ne faut pas négliger. En effet, les élections iraqiennes interviennent au beau milieu d’un conflit régional dont le coeur est la Syrie. Et les répercussions du conflit syrien sur l’Iraq ne sont pas négligeables, d’autant plus qu’en Syrie, le conflit oppose une rébellion majoritairement sunnite au régime dominé par les Alaouites, une branche du chiisme. Ce qui alimente les divisions entre chiites et sunnites déjà profondes en Iraq, un enjeu majeur du scrutin.
Dimanche dernier, l’Iraq a revendiqué pour la première fois une attaque contre des djihadistes. L’attaque contre le convoi djihadiste, qui, selon Bagdad, voulait entrer en Iraq, a eu lieu en territoire syrien. Il s’agit là d’un message fort avant les législatives.
Officiellement neutre dans le conflit syrien, Maliki est récemment sorti de sa réserve en accusant les monarchies du Golfe, principaux alliés de la rébellion syrienne, de « soutenir le terrorisme ».
Par cette prise de position, Bagdad affiche ouvertement son rapprochement de Téhéran, au détriment de l’autre puissance régionale : l’Arabie saoudite. En effet, ce scrutin est également le premier à l’échelle nationale depuis le retrait des troupes américaines en mars 2011. Entre-temps, Washington a perdu en influence, laissant de la place à Téhéran, allié régional de Damas, qui joue désormais un rôle majeur dans la vie politique iraqienne. L’Iran et les Etats-Unis avaient tous deux joué un rôle majeur dans la réélection de Nouri Al-Maliki en 2010, après un premier mandat marqué par une baisse des violences. Mais en se retirant du pays en 2011, les Américains ont laissé une large marge de manoeuvre à l’Iran, faisant de Téhéran le pays le plus influent en Iraq, 26 ans après la fin de la guerre sanglante qui opposa les deux pays.
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