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Libye : la transition prolongée

Abir Taleb avec agences, Mardi, 11 février 2014

La prolongation du mandat du Congrès général national fait craindre une nouvelle flambée de violences en Libye, un pays divisé qui peine à mettre fin à une période de transition chaotique.

Libye
(Photo : Reuters)

Rien ne va plus en Libye. Les autorités du pays ne sont capables ni de contenir les violences, ni de mener à bien la transition politique. Au cours de ces derniers jours, les actes de violences ont gagné en intensité : assassinats de l’ex-procureur général libyen dans sa ville natale de Derna, dans l’est libyen, d’un officier de l’armée à Benghazi, attaques contre le siège de l’état-major de l’armée à Tripoli, et contre des chaînes de télévision privées à Benghazi. Et au milieu de tout cela, des tensions politiques accrues en raison de la décision du Congrès Général National (CGN, Parlement) de prolonger jusqu’en décembre 2014 son mandat qui devait initialement prendre fin le 7 février. Et ce, malgré l’opposition d’une grande partie de la population qui critique son incapacité à rétablir l’ordre et à mettre fin à l’anarchie.

Suite à cette décision, des milliers de Libyens ont manifesté vendredi à Tripoli comme à Benghazi, ainsi que dans d’autres villes du pays, réclamant la dissolution du Congrès et l’organisation d’élections générales.

Le Congrès a aussi adopté une « feuille de route » prévoyant deux scénarios : des élections générales en fin d’année, si la Commission constitutionnelle (Constituante) arrive à adopter un projet de loi fondamentale dans un délai de quatre mois après son élection, prévue le 20 février. Si la Constituante se déclare incapable de finir ses travaux 60 jours après son entrée en fonction, alors le « plan B » stipule que le CGN appellera aussitôt à des élections présidentielle et législatives en vue d’une nouvelle période de transition de 18 mois.

Elu en juillet 2012 lors des premières élections libres de Libye après huit mois d’une révolte armée qui a chassé Mouammar Kadhafi, le CGN avait pour mission de préparer l’élection d’une Constituante et d’organiser des élections générales, dans un délai de 18 mois. Selon ce calendrier, prévu par une déclaration constitutionnelle, sorte de mini-Constitution provisoire qui régit la transition post-Kadhafi, le mandat du CGN devait s’achever le 7 février.

Or, population et partis politiques sont divisés : certains considèrent le Congrès comme responsable de tous les maux du pays et exigent sa dissolution, d’autres affirment « défendre la légitimité » et craindre le vide. L’Alliance des forces nationales (libérale), principale force politique du pays, s’est déclarée contre la prolongation du mandat du Congrès, défendue par les islamistes. De leur côté, milices et groupes armés ont choisi chacun leur camp, sur fond d’une lutte d’influence.

Ainsi, la cellule des opérations des révolutionnaires en Libye, une milice pro-islamiste officieusement sous la tutelle de l’armée, a apporté son appui « à la légitimité » du Congrès, tout comme les puissants groupes armés de Misrata (ouest) qui ont tenu à souligner que toucher au Congrès signifiait franchir une « ligne rouge ». Leurs rivaux de Zenten, parmi les groupes armés les plus influents, assurent en revanche qu’ils protégeront tout mouvement populaire contre le CGN, et ont à leur tour fait valoir que le « peuple et la volonté du peuple » étaient aussi une « ligne rouge ».

Inquiétude régionale

Ces troubles interviennent au moment où le sort du premier ministre Ali Zeidan reste incertain, même après l’échec d’une motion de censure contre son gouvernement.

Et, parallèlement au mécontentement interne, les autorités libyennes font face à d’importantes pressions extérieures afin de combattre le terrorisme. Début mars, une réunion internationale aura lieu à Rome « pour aider davantage la Libye », a déclaré lundi le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, sur les ondes de RTL. « Car c’est vrai qu’il y a des regroupements de terroristes dans le sud », a ajouté le ministre. Cependant, M. Fabius a affirmé qu’une intervention militaire occidentale contre le terrorisme dans le sud de la Libye, réclamée notamment par le Niger, n’était pas à l’ordre du jour.

« J’ai eu récemment le premier ministre (libyen) pour lui demander ce qu’on peut faire pour l’aider, quand je dis nous, c’est pas simplement les Français, c’est les Britanniques, les Algériens, les Tunisiens, les Egyptiens, les Américains et beaucoup d’autres, les Allemands », a poursuivi Laurent Fabius. « Il faut combattre le terrorisme partout, ça ne veut pas dire qu’il faut avoir des gens au sol, ça veut dire qu’il faut aider les gouvernements, c’est le cas du gouvernement (libyen) qui veut se débarrasser du terrorisme », a-t-il ajouté. Le ministre français n’a pas précisé ce que pourrait être cette aide internationale.

Le flux incessant de l’armement, des munitions, des combattants sur le territoire de la Libye et en sens inverse fait perdre patience aux pays limitrophes. La semaine dernière, le Niger avait réclamé une intervention des puissances occidentales dans le sud de la Libye, soulignant que ces dernières devaient « faire le service après-vente » après le renversement du colonel Kadhafi et alors que le sud de la Libye est devenu « le principal sanctuaire terroriste » dans la région. D’après l’avis du chef du ministre de l’Intérieur du Niger, Massoudou Hassoumi, la responsabilité pour la liquidation des camps extrémistes d’entraînement en Libye retombe sur les pays qui ont mené l’opération armée du renversement du régime de Kadhafi en 2011.

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