Dans sa première déclaration, le futur premier ministre tunisien, Mehdi Jomaâ, a promis de former un gouvernement d’indépendants et s’est aussi engagé à tout faire pour la tenue d’élections transparentes et crédibles au plus vite. En effet, Jomaâ doit conduire le pays à des élections en 2014. Pour satisfaire la classe politique, Jomaâ a promis d’assurer la sécurité des Tunisiens et de promouvoir l’économie afin de sortir de la crise politique déclenchée en juillet dernier. Selon un communiqué publié par le Parti socialiste, après que Jomaâ eut rencontré le chef de cette formation, le futur premier ministre a affirmé le fait de garantir la neutralité de l’administration, de l’appareil sécuritaire et de l’armée. Une demande longtemps revendiquée par l’opposition. Le futur gouvernement aura la charge de faire sortir le pays d’une profonde crise politique et de promouvoir une économie en berne depuis la révolution du 14 janvier 2011. Une tâche difficile à réaliser. « Le choix de Jomaâ a été fait malgré les protestations d’une partie de l’opposition. Certains membres ont même boycotté le vote. Ainsi, la formation d’un gouvernement satisfaisante pour les Tunisiens et la classe politique sera une lourde tâche. Pour l’accomplir, il doit faire des alliances avec des partis politiques. Il doit trouver un soutien parmi l’opposition pour convaincre les Tunisiens qu’il est capable de diriger le pays dans cette période critique », explique Dr Hicham Ahmad, professeur à la faculté d’économie et de sciences politiques à l’Université du Caire.
La classe politique, les islamistes d’Ennahda et l’opposition notamment sont en discussion pour déterminer les conditions de démission du premier ministre islamiste Ali Larayedh et d’entrée en fonction de Jomaâ. La désignation de ce dernier est intervenue à l’issue de deux mois de négociations tendues destinées à faire sortir la Tunisie de sa crise politique et institutionnelle. Alors que Larayedh et son parti Ennahda ont à maintes reprises indiqué être prêts à quitter volontairement le pouvoir, ils ont réclamé qu’en parallèle soient adoptées la Constitution et une loi électorale, et que soit formée une commission électorale. Ces travaux ont pris un retard considérable sur fond d’âpres disputes politiques, d’erreurs de procédure, de boycott d’élus de l’opposition et d’absentéisme des députés. Selon les analystes, Ennahda pense d’une façon stratégique. « Ennahda possède une vision sur le long terme qui sert ses intérêts. L’important pour ce parti est la Constitution, car elle leur donne des privilèges et des droits. Alors, ils ont préféré quitter le pouvoir au lieu d’en être chassés comme les Frères musulmans d’Egypte, ils ont appris la leçon et ne commettront pas les mêmes fautes », explique Dr Ahmad.
Avis partagé par plusieurs analystes comme Ahmad Youssef, spécialiste du dossier tunisien à l’Institution des études arabes, qui pense qu’Ennahada a présenté des concessions pour satisfaire la classe politique et prouver aux Tunisiens qu’ils sont des islamistes modérés. « Ils veulent montrer qu’ils privilégient les intérêts de leur pays plus que leurs intérêts personnels ; ils veulent gagner la confiance des Tunisiens pour revenir au pouvoir. Le parti présentera un candidat à l’élection présidentielle et des candidats aux élections législatives », explique Youssef.
Mais, la classe politique tunisienne est d’un autre avis. Le choix de Jomaâ a été une grande erreur. Parmi les 21 partis représentés aux pourparlers, une partie de l’opposition, en particulier son principal mouvement Nidaa Tounès, qui a boycotté le vote, a rejeté ce choix. Certains opposants estiment que ce vote sans consensus témoigne du fait que les islamistes ne comptent pas abandonner le pouvoir. « Le travail de plusieurs semaines a abouti à un résultat négatif. La Troïka (coalition au pouvoir dominée par les islamistes d’Ennahda) a répété ses erreurs et choisi un ministre du gouvernement sortant. C’est vrai que c’est un technocrate, mais tout le monde sait qu’il est proche d’Ennahda », a déclaré Ridha Belhaj, porte-parole de Nidaa Tounès.
Etre d’accord ou non avec le choix du premier ministre, il est temps que les partis politiques négligent leurs intérêts personnels et assument leurs responsabilités envers l’Etat .
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