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L'ambassadeur Serge V. Kirpichenko: Il est de l’intérêt de tous d’éviter une intervention militaire étrangère

Magda Barsoum, Mardi, 01 octobre 2013

L'ambassadeur de Russie au Caire, Serge V. Kirpichenko, croit encore en la possibilité de parvenir à une solution politique en Syrie. Entretien.

Al-Ahram Hebdo : L’accord russo-américain sur le déman­tèlement des armes chimiques syriennes et la résolution du Conseil de sécurité qui s’ensuivit sont considérés comme une sortie de crise. Pensez-vous que le spectre de la frappe militaire ait disparu ou se soit simplement éloigné ?

Serge V. Kirpichenko : L’accord entre les Etats-Unis et la Russie et surtout la résolution du Conseil de sécurité de l’Onu ont effectivement éloigné le risque d’une guerre contre la Syrie. Mais, malheureusement, je ne pense pas que ce risque ait totale­ment disparu. En effet, il existe des parties arabes et non arabes qui comptent sur une intervention armée étrangère. Mais j’espère que le nou­veau climat né de la nouvelle résolu­tion de l’Onu empêchera le déclen­chement d’une guerre régionale contre la Syrie.

— Qu’en est-il du recours au chapitre VII de la Charte des Nations-Unies ? N’est-ce pas en quelque sorte une victoire diplo­matique américaine puisqu’il per­met le recours à la force ?

— La résolution du Conseil de sécurité n’est pas basée sur le cha­pitre VII. C’est une résolution sur l’arsenal chimique syrien et les moyens de le démanteler.

Et, si une partie veut recourir au chapitre VII, il faudra retourner au Conseil de sécurité de l’Onu et on aura besoin d’une nouvelle résolu­tion. Nous, en Russie, nous considé­rons qu’il est de l’intérêt de tous, en Syrie et dans le monde entier, d’évi­ter une telle éventualité. Car cela nous ramène à la possibilité de mener une guerre, d’aggraver et de prolonger la crise syrienne.

Or, nous considérons qu’il est pré­férable de parvenir à une solution politique et d’organiser Genève-2.

— Mais certains craignent que Bachar Al-Assad ne profite de cette situation sans pour autant contribuer à trouver une solution définitive. Qu’en pensez-vous ?

— Nous sommes d’accord avec les Américains ainsi que de nom­breuses autres parties que le règle­ment politique de la crise syrienne est indispensable si nous voulons sauver ce pays. La nouvelle résolu­tion de l’Onu a donné un espoir dans cette direction. Et il est temps que l’opposition syrienne, ainsi que les parties qui la soutiennent refassent leurs comptes et optent finalement pour une solution politique. Dans le cas contraire, la Syrie va plonger dans les méandres du conflit mili­taire de manière encore plus grave.

— Mais l’Armée Syrienne Libre (ASL) campe sur sa position, com­ment peut-on alors mener à bien les démarches diplomatiques internationales alors que la guerre civile se poursuit ?

— Nous croyons en la possibilité de mettre fin au conflit syrien sans une intervention militaire étrangère. Il est nécessaire que les différentes parties ayant des liens étroits avec l’ASL et les autres factions de l’op­position exercent des pressions sur ces factions de manière positive pour qu’elles assouplissent leurs positions. Et puis, les factions les plus extrémistes qui refusent toute solution politique depuis le début de la crise n’ont-elles pas compris que leur position ne les mènerait nulle part ? Certaines d’entre elles comp­tent sur un « changement de l’équi­libre des forces militaires présentes en Syrie ». C’est une logique stérile qui n’apporte rien de positif au peuple syrien.

— Les relations entre la Russie et les Etats-Unis ont été très ten­dues ces derniers mois et certains ont même parlé d’un retour de la guerre froide. Cette tension est-elle aujourd’hui désamorcée ?

— Il n’y a ni guerre froide, ni tension entre Moscou et Washington. Et la résolution du Conseil de sécu­rité est le fruit des efforts conjoints entre les chefs de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, et américain, John Kerry. C’est la preuve fla­grante que les deux parties sont capables d’oeuvrer conjointement de manière constructive au sujet des questions régionales et internatio­nales.

— Nombreux sont ceux qui s’in­terrogent sur les raisons de l’ap­pui russe à la Syrie ...

— Cet « appui », si l’on peut le qualifier ainsi, a pour origine notre peur extrême de l’effondrement de la Syrie. Nous craignons que ce pays ne tombe aux mains des extré­mistes et des terroristes de l’exté­rieur et de l’intérieur. Certains conti­nuent à prétendre que ce conflit sanglant est le prix de la démocratie. C’est faire peu de cas des mentalités des Syriens, c’est une honte pour ces « pro-démocratie ». Il suffit de voir les agissements de l’opposition armée en Syrie pour savoir quel avenir elle veut pour le pays.

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