Après l’accord russo-américain sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, les regards sont aujourd’hui braqués vers Damas, qui n’a plus que quelques jours pour présenter une liste de ses armes chimiques. Celles-ci doivent ensuite être démantelées et détruites d’ici à la fin du premier semestre 2014.
Parmi les autres échéances, l’accord prévoit un achèvement des inspections initiales et une destruction des équipements de production et de remplissage dès novembre. La Syrie doit fournir un accès immédiat et sans restrictions aux inspecteurs qui devront être déployés le plus vite possible avec la participation d’experts des membres permanents du Conseil de sécurité. Les Etats-Unis estiment à 45 le nombre de sites liés au programme d’armes chimiques en Syrie et sont d’accord avec la Russie pour évaluer le stock à 1 000 tonnes, a précisé un responsable américain.
Cet accord entre les Etats-Unis et la Russie est intervenu après trois jours d’intenses négociations tenues à Genève entre les chefs de la diplomatie américaine et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov. Il prévoit aussi la possibilité de mesures contraignantes, ainsi que le recours au chapitre VII de la Charte des Nations-Unies, ce qui laisse la porte ouverte au recours à la force, en cas de manquement du régime syrien à ses engagements. Mais ce point reste encore entouré d’ambiguïtés.
Sergueï Lavrov a, en effet, laissé entendre que la Russie pourrait dans l’avenir soutenir un recours à la force en cas de non-respect de l’accord par la Syrie. Lavrov a prévenu que Moscou vérifierait minutieusement tous les rapports accusant le gouvernement syrien. « Cela ne veut évidemment pas dire qu’on croira à tous les cas de violation rapportés devant le Conseil de sécurité de l’Onu sans les vérifier, a souligné le ministre tout en défendant son allié. Il y a tant de mensonges et de falsifications dans ce dossier qu’il faut être extrêmement prudent ».
Le bras de fer entre la Russie et les Etats-Unis à propos de la Syrie est cependant loin d’être réglé. Pour le moment, l’accord apparaît comme un ajournement de la confrontation, d’autant plus qu’il ne s’attaque qu’à la question de l’utilisation des armes chimiques, sans pour autant s’attaquer aux autres aspects de la crise syrienne. C’est pour cette raison que l’opposition syrienne, qui a rejeté l’accord, a exprimé sa frustration devant la direction prise par la communauté internationale sur le dossier syrien. Elle a appelé la communauté internationale à imposer au régime syrien une interdiction d’utiliser les missiles balistiques et l’aviation contre les civils.
Le chef de l’Armée Syrienne Libre (ASL), le général Sélim Idriss, a ainsi déclaré : « Nous ne pouvons pas accepter cette initiative russo-américaine. Nous, l’Armée syrienne libre, ne sommes pas concernés par cet accord. Nous n’avons pas d’armes chimiques et moi et mes frères, nous allons continuer à nous battre jusqu’à la chute du régime ».
Sélim Idriss a demandé de traduire, avant le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, le président syrien Bachar Al-Assad devant la Cour pénale internationale. « Le régime, en acceptant de rendre ses armes chimiques, a reconnu le crime et on saisit l’outil du crime en laissant tranquille le criminel ».
Selon les analystes, l’accord profite, en effet, à Bachar Al-Assad. « C’est une sorte de répit donné à Assad et le temps va dans son intérêt », estime ainsi Moatez Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram au Caire.
Pour le politologue Sameh Rached, le seul aspect positif de cet accord est qu’il « limite les capacités militaires de Bachar Al-Assad, notamment l’utilisation d’armes chimiques, sans pour autant affaiblir le régime syrien, alors que l’opposition, elle-même divisée, est nettement affaiblie ». Rached estime également que l’accord a mis fin au spectre d’une frappe militaire américaine.
L’avenir de la Syrie reste flou. L’échéance d’avril 2014 marquera probablement un tournant. « Cet accord a reporté un quelconque règlement au printemps 2014, après la tenue des élections présidentielles syriennes. La communauté internationale compte sur une sortie d’Assad par le biais de ces élections », explique Rached. Selon lui, « l’après-Assad est d’ores et déjà pensé par la communauté internationale : division de la Syrie en plusieurs entités, mise en place d’un régime pro-iranien ou pro-occidental ... telles sont les questions que se posent aujourd’hui les grandes puissances, qui ne croient plus en une opposition faible, divisée et manipulée par les voisins de la Syrie ».
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