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Transition sous tension en Tunisie

Maha Salem , (avec Agences) , Mercredi, 08 juin 2022

Dans une atmosphère tendue, un dialogue national a été lancé cette semaine en Tunisie en prélude à un référendum constitutionnel le 25 juillet.

La future Constitution devrait instaurer un régime présidentiel voulu par Saied, à la
La future Constitution devrait instaurer un régime présidentiel voulu par Saied, à la place du système hybride actuel.

Un an après avoir pris des mesures d’exception, le président tunisien, Kaïs Saied, a fixé la date du 25 juillet pour la tenue d’un référendum sur un projet de nouvelle Constitution, censée marquer l’avènement d’une « nouvelle République ». Cette déclaration a été critiquée par l’opposition qui voit que Saied, élu démocratiquement fin 2019, s’est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021. A cette date, le président tunisien avait limogé le premier ministre et a suspendu le parlement dominé par le parti islamiste Ennahdha, avant de le dissoudre fin mars. Ces décisions ont poussé l’opposition à accuser le président de vouloir renforcer ses pouvoirs et de mener ainsi un coup de force.

De son côté, le président, assurant agir dans l’intérêt de la Tunisie, a annoncé une feuille de route censée sortir le pays de la crise politique. Dévoilée en décembre dernier, la feuille de route prévoyait un référendum sur des amendements constitutionnels le 25 juillet 2022, avant des législatives anticipées le 17 décembre. Une consultation populaire en ligne organisée entre janvier et mars a plébiscité l’instauration d’un régime présidentiel que Saied appelle de ses voeux, à la place du système hybride actuel, source de conflits récurrents entre les branches exécutive et législative.

« Pour l’opposition, les décisions prises par le président tunisien signifient qu’il veut dominer les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire. Cette situation a divisé les Tunisiens en deux camps. Le premier estime que la décennie instable qui a suivi la révolution n’a rien donné, d’autant plus que le pays vit une crise économique aigüe. Pour ceux-là, le système actuel n’a pas réussi à sauver le pays. Ils estiment que le président veut mener des réformes politiques pour résoudre la crise. L’autre camp voit que les décisions présidentielles sont une entrave à la démocratie », explique Dr Ayman Shabanna, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. Il ajoute : « L’opposition doit participer au dialogue national tout en essayant d’imposer ses revendications, le boycott est la plus faible action pour exprimer son avis et revendiquer ses droits ».

Un dialogue pour contenir la crise

En effet, dans une tentative de contenir la crise, le président tunisien a lancé, samedi 4 juin, un dialogue national groupant tous les partis tout en insistant que ce « dialogue national » est organisé pour élaborer la nouvelle Constitution. Mais, l’opposition a refusé d’y participer et a décidé de boycotter tout le processus. Pour justifier ce boycott, la puissante organisation syndicale, l’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT), estime que des acteurs-clés de la société civile et les partis politiques en sont exclus. Pour l’UGTT, le dialogue dans le format proposé par Saied vise à « cautionner des conclusions décidées unilatéralement à l’avance et (à) les faire passer par la force comme des faits accomplis ».

Essayant de les satisfaire, Saied a nommé le juriste Sadok Belaïd à la tête de la commission chargée d’élaborer la nouvelle Constitution à travers ce dialogue national et a promis que le texte de la nouvelle Constitution qu’il préconise serait publié au plus tard le 30 juin, avant d’être soumis à référendum.

Mais le président tunisien a pris cette semaine deux décisions qui ont rendu la situation plus critique que jamais. La première est la privatisation de certaines institutions de l’Etat. En riposte, l’UGTT a annoncé une grève nationale du secteur public le 16 juin pour protester contre l’inflation galopante et empêcher cette privatisation. Cette annonce risque d’exacerber les tensions car le gouvernement a besoin du soutien de cette union au programme de réformes qu’il a soumis au Fonds Monétaire International (FMI) dans l’espoir d’obtenir un nouveau crédit.

Quant à la deuxième décision, le président Saied a révoqué près de 60 magistrats pour corruption, pour dissimulation d’affaires terroristes, harcèlement sexuel, collusion avec des partis politiques et perturbation du fonctionnement de la justice. En première réaction, l’Association des magistrats tunisiens a annoncé une grève nationale d’une semaine à partir de lundi 6 juin, renouvelable, dans tous les tribunaux du pays. Une situation qui prévoit une période critique .

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