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Au Yémen, la paix n’est pas pour demain

Sabah Sabet avec agence, Mercredi, 06 janvier 2021

Les explosions qui ont eu lieu cette semaine à l’aéroport d’Aden, et qui visaient le nouveau gouvernement d’union yéménite, prouvent l’ampleur de la tâche qui attend ce gouvernement. Rétablir la paix et sécurité reste le plus grand défi.

Le Yémen pourra-t-il retrouver la stabilité ? La paix est-elle possible ? Des questions qui s’imposent à la suite des explosions qui ont ciblé, mercredi 30 décembre, l’aéroport d’Aden, capitale provisoire du Yémen en guerre, visant le nouveau gouvernement d’union, à son arrivée de Riyad après sa formation, pour commencer son travail. 26 morts et plusieurs dizaines de blessés, tel est le bilan des explosions qui ont retenti au moment où l’avion, qui transportait le nouveau gouvernement d’union, a atterri. Des civils, des vigiles et des responsables locaux figurent parmi les victimes, mais tous les membres du gouver­nement « vont bien », a-t-on indiqué à l’AFP. Le porte-parole du gouvernement, Rajeh Badi, a appelé à une « enquête internationale sur cet acte criminel » pour déterminer les respon­sables. Bien que personne n’aie revendiqué cette attaque, les doigts d’accusation sont tous orien­tés vers les groupes rebelles des Houthis. Ces derniers, mais aussi les groupes djihadistes d’Al-Qaëda et de Daech, ont par le passé mené des attaques visant le gouvernement yéménite et ses partisans. Le ministre de l’Information, Muammar Al-Iryani, a accusé sur Twitter les rebelles houthis d’avoir mené cette attaque terro­riste. Quant au premier ministre, Maïn Saïd, il a évoqué un « acte terroriste lâche », sans accuser nommément les Houthis. « C’est une attaque terroriste majeure qui visait à éliminer le gou­vernement », a-t-il déclaré, en signalant que les « techniques » utilisées dans l’attaque étaient les caractéristiques de la stratégie des Houthis, ajou­tant que « c’était un message contre la paix et la stabilité au Yémen ».

Outre le gouvernement yéménite, la commu­nauté internationale a condamné cette attaque, l’émissaire des Nations-Unies au Yémen, Martin Griffiths, a évoqué un « acte de violence inac­ceptable ». Cela est « un rappel tragique de l’importance de remettre d’urgence le Yémen sur la voie de la paix », a-t-il souligné. Pour Michael Aron, ambassadeur britannique au Yémen, il s’agit d’une « tentative méprisable de provoquer un carnage, le chaos et la souffrance alors que les Yéménites avaient choisi d’aller de l’avant ensemble ».

Une alliance qui dérange

Le nouveau gouvernement yéménite d’union, ciblé par cette attaque, rassemble des ministres pro-pouvoir et des séparatistes du Sud. Il a été formé le 18 décembre sous l’égide de l’Arabie saoudite. Ces deux camps, qui se disputaient le pouvoir dans le Sud, restent en principe alliés depuis six ans contre les rebelles houthis soutenus par l’Iran, et qui se sont emparés d’une grande partie du nord du pays, dont la capitale Sanaa. De profondes divisions avaient éclaté ces dernières années entre les partisans du gouvernement et les séparatistes au sein du même camp anti-Houthis. Une coa­lition militaire dirigée par l’Arabie saoudite les appuie depuis 2015 contre les rebelles. Pour resserrer les rangs, Riyad a négocié un accord pour le partage du pouvoir dans le Sud et tentait depuis plus d’un an de former un nouveau gouvernement d’union afin de main­tenir l’unité de la coalition face aux Houthis, sur le point de contrôler Marib, dernier bastion du gouvernement dans le Nord. Pourtant, il paraît que la mission du nouveau gouverne­ment ne sera pas du tout facile avec tant de défis qui l’attendent. « Cette dernière attaque, voulant cibler le nouveau gouvernement à son arrivée à l’aéroport, prouve la grande capa­cité des Houthis à arriver à leurs buts », explique Gamil Elmaamary, expert sécuritaire yéménite, interrogé par Sky News, le jour de l’explosion. L’expert montre que le nouveau gouvernement doit bien savoir qu’il affronte un grand et difficile défi : « Rétablir la stabi­lité et la sécurité est une lourde tâche que le nouveau gouvernement doit relever avec force, c’est une priorité pour le retour du développe­ment et de l’économie ».

Le conflit dans la nation la plus pauvre du monde arabe a commencé lorsque les Houthis ont conquis la capitale, Sanaa, en 2014 forçant le gouvernement de Mansour Hadi à fuir. L’année suivante, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite est intervenue contre les rebelles soutenus par l’Iran dans ce qui s’est soldé par une impasse. Depuis lors, plus de 112 000 personnes – combattants et civils – ont été tuées. La guerre a plongé ce pays dans la pire crise économique et humanitaire au monde, surtout avec une population au bord de la famine et menacée par les épidémies.

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