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Liban : Hariri, quel retour ?

Maha Salem avec agences, Mercredi, 14 octobre 2020

L’ancien premier ministre libanais, Saad Al-Hariri, va sans doute revenir aux commandes à la tête du gouvernement. Il aura, s’il est nommé, la lourde tâche de sortir le pays du Cèdre de la pire crise de son histoire.

C’est ce jeudi 15 octobre que commenceront, une nouvelle fois, les consultations parlementaires en vue de désigner un nouveau premier ministre au Liban, après une première tentative avortée le mois dernier de former un gouvernement d’indépendants, réclamé par la rue et la communauté internationale. Et c’est sans doute l’ancien premier ministre Saad Hariri qui reviendra aux commandes. Ce dernier, qui a occupé le poste de 2009 à 2011 puis de 2016 à 2019, et a été poussé à la démission en octobre 2019 suite à la contestation de la rue, s’est déclaré jeudi 8 octobre prêt à diriger un nouveau gouvernement, alors que le pays traverse la pire crise économique depuis des décennies et qu’il ne s’est pas remis de la gigantesque explosion qui a dévasté le port de Beyrouth, le 4 août dernier. « Je suis clairement candidat à la formation d’un nouveau gouvernement, je ne fermerai pas la porte au seul espoir qu’il reste pour le Liban de se redresser », a déclaré Hariri. Depuis cette annonce, le chef du courant du Futur a multiplié les rencontres avec les leaders politiques, dont le président libanais, Michel Aoun, le chef du parlement, Nabih Berry, et d’anciens premiers ministres comme Najib Mikati, Fouad Siniora et Tammam Salam. Se posant dans le sillage du président français, Emmanuel Macron, très investi dans le dossier libanais et initiateur d’un plan de sortie de crise, Hariri a déclaré : « Si les partis veulent réellement stopper l’effondrement et reconstruire Beyrouth, ils devront suivre l’initiative française ». Un message clair envoyé aux deux grands partis chiites, le Hezbollah et Amal, qui ont jusqu’ici bloqué le processus.

« Le choix de Hariri est le meilleur dans les conditions actuelles, que ce soit pour les Libanais ou pour la communauté internationale. Mais le vrai enjeu pour lui, cette fois-ci, est de contraindre les différentes parties à appliquer son plan pour sauver le pays », explique Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire. Selon elle, l’un des avantages de Hariri est « qu’il jouit de la confiance de la com­munauté internationale, ce qui peut faciliter l’octroi d’aides financières au Liban, alors que les créanciers craignaient que ces aides tombent entre les mains du Hezbollah ou de partis corrompus qui ne cherchent que leurs intérêts et profitent du vide politique ».

Tâche difficile

Cependant, c’est bien sous le gouvernement Hariri qu’ont été déclenchées, il y a un an, d’importantes manifestations récla­mant un profond renouvellement de la classe politique nationale, accusée d’être incompétente et corrompue. D’où la difficulté de la tâche de Hariri, appelé à satisfaire à la fois les Libanais et la communauté internationale. Ce que n’avait pas réussi à faire son successeur, Hassane Diab, qui, au contraire, a vite été confronté à une sérieuse crise socioéconomique aggravée par les effets de la pandémie de Covid-19, et qui a finalement dû démissionner après l’explosion de Beyrouth. Son successeur, Mustapha Adib, a également renoncé le mois dernier, quelques semaines seule­ment après sa désignation, confronté aux blocages des deux principaux partis chiites, le Hezbollah et Amal, dans ses tenta­tives de formation d’un nouveau gouvernement. En effet, Mustapha Adib devait former un cabinet chargé de mettre en place des réformes indispensables au déblocage d’une aide inter­nationale dans un délai de deux semaines, annoncé par le prési­dent français Macron lors de sa visite début septembre au Liban. Ce délai manqué, dans un pays multiconfessionnel habitué à d’interminables marchandages entre les partis au pouvoir accu­sés de corruption par la rue, avait suscité l’ire du président fran­çais qui a fustigé une trahison collective lors d’un discours tenu le lendemain de la démission d’Adib. Macron avait accordé un délai supplémentaire de quatre à six semaines pour former ce gouvernement, évoquant une dernière chance.

Dans le Liban multiconfessionnel à l’équilibre politique déli­cat, la formation d’un gouvernement peut prendre plusieurs mois de négociations. Conscient de cette situation, la deuxième confé­rence internationale de soutien au Liban après la gigantesque explosion au port de Beyrouth a été reportée à novembre et non en octobre. « Se tiendra, conformément aux engagements que nous avions pris, au courant du mois de novembre, une réunion de soutien humanitaire au Liban », a déclaré Jean-Yves Le Drian, chef de la diplomatie française, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale de l’Onu. Le prési­dent français avait évoqué la tenue de cette conférence de sou­tien en octobre lors de sa deuxième visite à Beyrouth, le 1er septembre. Cette conférence permettra de passer à la deuxième étape, celle de la reconstruction du port et des quartiers de Beyrouth touchés, après celle de l’urgence. Une première confé­rence internationale le 9 août, sous coprésidence française et de l’Onu, avait permis de rassembler 250 millions d’euros d’enga­gements d’aide pour faire face aux conséquences de l’explosion survenue le 4 août. Une nouvelle réunion du Groupe International de Soutien (GIS) au Liban se tiendra dans quelques jours.

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