Hurghada, le caire, bouznika, berlin, motreux, genève, tunis … La Libye est-elle prête pour la paix ? En tout cas, les initiatives se multiplient pour pacifier ce pays où le chaos règne depuis 2011. Des efforts qui devraient au moins ouvrir une brèche vers une solution à la crise. Le Caire a abrité, du dimanche 11 au mardi 13 octobre, une nouvelle série de négociations entre les deux administrations rivales libyennes représentées respectivement par les membres de la Chambre des représentants libyenne, basée dans la ville de Tobrouk (nord-est), et ceux du Haut Conseil d’Etat. Lors des dialogues placés sous l’égide de l’Onu, le directeur des services de renseignements égyptiens, Abbas Kamel, a réitéré l’engagement de son pays envers les efforts onusiens pour une solution pacifique au dossier libyen, a rapporté l’agence de presse officielle égyptienne MENA. « Il est temps de satisfaire les aspirations du peuple libyen à la stabilité en promouvant la voie politique, afin que la Libye puisse avoir une Constitution qui définit les autorités et les responsabilités jusqu’aux élections présidentielle et parlementaires », a-t-il déclaré lors de la réunion.
Après les récentes rencontres d’Hurghada et du Caire en Egypte, de Bouznika au Maroc et la visioconférence de Berlin, le prochain rendez-vous est prévu à Genève ce 19 octobre, où se tiendront les rencontres des commissions militaires mixtes 5+5. Elles seront suivies d’autres rencontres décisives, également sous l’égide de l’Onu, où les belligérants libyens doivent discuter de la nouvelle distribution des pouvoirs en Libye. Début novembre, la Tunisie abritera le Forum de dialogue politique libyen, dont l’objectif, selon l’Onu, est de « trouver un consensus sur un cadre de gouvernance unifié et des programmes » menant à l’organisation d’élections nationales afin de restaurer la souveraineté libyenne et la légitimité démocratique des institutions du pays.
C’est également sous la médiation de l’Onu que s’est tenu, la semaine dernière, le deuxième round des pourparlers interlibyens de Bouznika, près de Casablanca au Maroc, et qui se sont achevés mercredi 7 octobre sur une note d’espoir, avec une déclaration finale annonçant des accords globaux sur les critères et les mécanismes pour occuper les postes de souveraineté, prévus par l’article 15 de l’Accord politique libyen de Skhirat. Aussi, Aguila Saleh, le président du parlement de Tobrouk, dans l’est du pays, a annoncé officiellement que la capitale provisoire de la Libye sera Syrte pour ne pas choisir entre Tripoli et Benghazi, où résident les deux principaux acteurs de ce conflit : Fayez Al-Sarraj, le premier ministre du Gouvernement d’union nationale (GNA, ouest), et le maréchal Khalifa Haftar, chef de l’Armée Nationale Libyenne (ANL, est). Autre compromis : des négociations sécuritaires vont bientôt commencer afin d’aboutir à la dissolution des différentes milices de Misrata, située à 200 kilomètres à l’est de Tripoli, et au rapatriement des mercenaires recrutés par les deux camps. En ce qui concerne la gestion des ressources minières libyennes, « les deux parties se sont mises d’accord pour mettre en place un comité indépendant chargé de gérer la manne pétrolière et de faire une répartition juste entre les trois régions : la Tripolitaine (au nord-ouest), la Cyrénaïque (au nord-est) et le Fezzan (Ghadamès au sud-ouest) », selon l’ex-eurodéputé Michel Scarbonchi.
Impulsions multiformes
Les compromis trouvés au Maroc doivent être soumis au parlement de Tobrouk et au Haut Conseil d’Etat. Ils doivent aussi être entérinés à Genève, où il est également question de confirmer la création d’un nouveau conseil présidentiel, un gouvernement d’union nationale avec un nouveau premier ministre consensuel et la constitution d’une armée véritablement nationale. Cela pourrait aussi être le début d’un processus démocratique avec, à la clé, l’adoption d’une nouvelle Constitution permettant de créer le poste de chef de l’Etat qui n’existe pas en Libye. Sans oublier l’adoption d’un code électoral et d’une commission électorale, afin d’organiser d’ici à 18 mois des élections présidentielle et législatives. Début septembre déjà, des « concertations » interlibyennes à Montreux, en Suisse, ont ouvert potentiellement la voie à une nouvelle dynamique en aboutissant à un accord sur des élections dans 18 mois. « Bien que les conclusions de cette rencontre ne soient pas contraignantes, elles constituent un pas important avant celle de Genève », explique Mohamed Mansour, chercheur au Centre égyptien des études stratégiques (ESCC), vu l’importance des recommandations qui en sont sorties, notamment sur la tenue d’élections et la restructuration du Conseil présidentiel.
Sur le volet militaire, des négociations fin septembre entre représentants militaires des deux camps tenues à Hurghada ont aussi commencé à préparer le terrain pour un cessez-le-feu durable.
Une impulsion qui augmente l’espoir d’une résolution politique de la crise libyenne. « Aujourd’hui, ce qui est clair, c’est que toutes les parties régionales et internationales oeuvrent à relancer le processus politique à travers un dialogue entre les parties libyennes, et ce, en écartant la Turquie et ne lui octroyant aucun rôle dans ce processus », estime Mohamed Mansour. « Ce qui est nouveau, ajoute-t-il, c’est que plusieurs processus ont lieu parallèlement, se basant sur l’accord de Skhirat, la Déclaration du Caire, les réunions de Genève et les conclusions de la Conférence de Berlin ».
En effet, alors que les protagonistes étaient réunis à Bouznika, une visioconférence internationale sur la Libye s’est tenue la semaine dernière, initiée par Berlin, avec les mêmes pays qui ont participé à la Conférence de Berlin de janvier dernier, comme les Etats-Unis, la France, l’Italie, l’Allemagne, la Turquie, ou encore la Russie, ainsi que les 6 pays voisins de la Libye. Le but étant de faire le suivi de Berlin et d’avancer vers une solution. Pour Heiko Mass, chef de la diplomatie allemande, il existe des « signes encourageants d’un passage d’une logique militaire à une logique politique entre les belligérants ». Le responsable allemand s’est dit cependant « prudemment optimiste », à l’issue de cette conférence, sur les chances de parvenir à une résolution du conflit en Libye. Le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, a estimé de son côté que « l’avenir de la Libye est en jeu ». Il a appelé les Libyens à multiplier les efforts pour pérenniser le cessez-le-feu et s’impliquer davantage dans le dialogue politique. « Les récents développements représentent une rare opportunité pour accomplir de réels progrès dans la recherche de la paix et de la stabilité en Libye », espère le secrétaire général de l’Onu.
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