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Tensions politiques persistantes en Tunisie

Abir Taleb avec agences, Mercredi, 29 juillet 2020

Le ministre de l’Intérieur sortant, Hichem Mechichi, a été désigné par le président tunisien, Kaïs Saïed, au poste de premier ministre. Il aura la lourde tâche de former un nouveau gouvernement dans un contexte politique très tendu, alors que le parlement doit examiner ce jeudi une motion de censure contre son propre président.

C’est aux toutes dernières heures du délai constitutionnel que le président tunisien, Kaïs Saïed, a désigné, samedi 25 juillet au soir, le nom du successeur d’Elyes Fakhfakh, qui, fragilisé par une affaire de conflit d’inté­rêt, a démissionné il y a deux semaines sous la pression du parti d’inspiration islamiste Ennahdha, qui avait déposé une motion de défiance contre lui. Le nouveau premier ministre n’est autre que l’actuel ministre de l’Intérieur, Hichem Mechichi. Ce dernier doit former son équipe d’ici à un mois, selon la Constitution. Il devra ensuite obtenir la confiance du parlement à la majorité absolue d’ici à septembre. Faute de quoi, l’Assemblée sera dissoute et de nouvelles élections législa­tives anticipées auront lieu.

Une nomination surprise. Juriste de forma­tion et ancien chef de cabinet des ministères du Transport, des Affaires sociales et de la Santé, Hichem Mechichi, 46 ans, n’a en effet pas été proposé par les partis politiques au pouvoir. Ministre de l’Intérieur dans le gou­vernement sortant d’Elyes Fakhfakh, il était aussi le premier conseiller du président Saïed, chargé des affaires juridiques.

Dans une déclaration publiée par la présidence de la République, M. Mechichi a estimé que son nouveau poste représente une « grande responsabilité et un grand défi surtout dans les circonstances actuelles de notre pays » promettant de « travailler pour former un gouvernement qui répondra à toutes les attentes des Tunisiens ».

Or, le nouveau premier ministre a la diffi­cile tâche de rassembler une majorité au sein d’un parlement profondément fragmenté. Elue en octobre, l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) est composée d’une myriade de partis, dont certains sont à couteaux tirés. C’est le cas notamment du Parti Destourien Libre (PDL) de l’anti-isla­miste Abir Moussi (16 députés sur 217) et du parti Ennahdha, la première force au parle­ment (54 députés).

La nomination de Mechichi intervient ainsi dans un contexte politique extrêmement tendu, non seulement à cause de la démission de son prédécesseur, mais aussi à cause de la crise qui sévit au sein du parlement. Durant les deux dernières semaines, des plénières n’ont pas été tenues en raison des échanges violents entre notamment ces deux blocs, et un sit-in du PDL réclamant le départ du président du parlement Rached Ghannouchi, également chef d’Enna­hdha. D’où la mise en garde du président tuni­sien contre un état de « chaos » au sein du parlement et un « blocage des travaux d’une institution constitutionnelle ». « Malheureusement l’ARP ne fonctionne pas de façon normale ! », a-t-il dit la semaine dernière, lors d’une réunion au palais de Carthage avec M. Ghannouchi. Cette situation de blocage au parlement « ne pourra pas continuer (...) Je ne vais pas rester les bras croisés devant la chute des institutions de l’Etat », a-t-il ajouté.

En effet, le parlement doit tenir ce jeudi 30 juillet une plénière consacrée à la motion de retrait de confiance à son chef, Rached Ghannouchi, présentée par 73 députés. Accordant une déclaration aux médias, vendredi 24 juillet, suite à une séance du parlement, ce dernier a affirmé que « la motion a fait l’objet d’un consensus entre les membres du bureau sans procéder à un vote pour la faire passer en séance plénière jeudi prochain ». « Il était pos­sible de recaler la motion quant à la forme, mais j’ai accepté le défi en signe de respect à la volonté de 73 députés ». « Car leur nombre n’est pas négligeable », a justifié Ghannouchi, précisant que « la décision a fait l’objet d’un consensus entre 13 députés loin de la logique de prédominance ». Ghannouchi a affirmé qu’il avait présenté lui-même la proposition de faire passer la motion en séance plénière et qu’il n’était pas contrarié par cette question qui sera, selon lui, une occasion pour réévaluer la confiance en sa présidence du parlement. La séance plénière de jeudi sera une occasion pour conforter la confiance en lui et non la lui retirer, a-t-il assuré. Et de se défendre : « Je n’ai pas débarqué sur un char, mais j’ai été choisi par mon parti et j’ai été élu au parlement par des électeurs tunisiens et à la tête du parlement par des députés ».

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