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Iraq : Un choix consensuel, mais une lourde responsabilité

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 13 avril 2020

L’ancien chef des renseignements iraqiens, Mustafa Al-Kazimi, a été nommé cette semaine au poste de premier ministre. Si le consensus dont il jouit, et qui faisait défaut à ses prédécesseurs, lui permet de former un gouvernement, il lui restera la lourde tâche de sortir l’Iraq d’une double crise économique et politique.

Enfin un choix consensuel. Pour la troi­sième fois en 6 mois, le président ira­qien, Barham Saleh, a nommé, jeudi 9 avril, un nouveau premier ministre afin de sortir le pays de sa crise politique. C’est le chef actuel des renseignements, Moustafa Al-Kazimi, qui a pris la charge de former un gouvernement dans un délai de 30 jours. Son prédécesseur, l’ex-gouverneur de Najaf, Adnane Zorfi, nommé le 17 mars dernier, a été poussé vers la sortie par un rare consen­sus politique contre lui. Zorfi a annoncé qu’il ne pourrait pas former de gouvernement, en expliquant, dans une lettre publiée par les médias locaux, que son retrait visait à « pré­server l’unité de l’Iraq et ses intérêts supé­rieurs ». Zorfi n’avait eu le temps que d’une conférence de presse pour détailler un pro­gramme censé sortir de la crise un pays où le coronavirus a déjà contaminé plus de 1200 personnes et réduit de moitié le prix du baril de pétrole et le budget de l’Etat avec lui. Avant lui, Mohammed Allawi avait lui aussi échoué à l’issue des 30 jours constitutionnels à obtenir le quorum pour un vote de confiance au parlement. Ces deux hommes, qui avaient tenté de former un gouvernement, avaient été nommés après que l’ancien premier ministre Adel Abdel-Mahdi eut annoncé sa démission en décembre dernier, alors que le pays vivait depuis le 1er octobre une révolte populaire inédite qui l’a plongé dans une crise sociale et politique sans précédent.

Cette troisième nomination est toutefois différente. A l’inverse, Moustafa Al-Kazimi a été accepté en amont de sa nomination par la quasi-totalité des formations politiques. Dernièrement, les principaux groupes poli­tiques avaient fait pression pour que M. Kazimi remplace M. Zorfi au poste de pre­mier ministre désigné. Le chef des renseigne­ments a longtemps été vu comme l’homme des Américains en Iraq avant de réchauffer ses relations avec le grand ennemi de Washington, Téhéran, principale puissance agissante en Iraq. Depuis plusieurs jours, les réunions au sommet se sont multipliées. La semaine dernière, le général iranien Esmaïl Qaani, émissaire en charge des affaires ira­qiennes depuis l’assassinat du général Qassem Soleimani début janvier, avait même fait le déplacement à Bagdad pour réunir les chefs de partis et discuter d’un remplacement d’Adnane Zorfi. De même, mercredi 8 avril, la Coalition des forces iraqiennes, un impor­tant groupe politique sunnite dirigé par le président du parlement, Mohammed Al-Halboussi, avait annoncé dans un commu­niqué son soutien à la nomination de M. Kazimi au poste de premier ministre. Netchirvan Barzani, premier ministre du gou­vernement de la région semi-autonome du Kurdistan iraqien, a également déclaré dans un communiqué que son gouvernement sou­tenait la nomination de M. Kazimi.

« C’est une personnalité de consensus, son poste de chef de renseignements lui a donné une bonne expérience et lui a permis d’avoir de bonnes relations avec les différentes par­ties à l’intérieur et à l’extérieur de l’Iraq, surtout avec les Etats-Unis », explique Tarek Fahmy, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire, en joutant que la pré­sence de la plupart des plus grands politi­ciens du pays à la cérémonie officielle de désignation au palais présidentiel jeudi 9 avril est une preuve du consensus, ce qui n’était pas le cas pour ses deux prédéces­seurs.

Mission difficile

Agé de 53 ans, ce dernier dirige les ser­vices de renseignements iraqiens depuis juin 2016. Son nom avait déjà été proposé en 2018, mais le choix avait alors été finalement pour Adel Abdel-Mahdi. Selon la Constitution, le premier ministre désigné dispose de 30 jours pour mettre sur pied un cabinet et le présenter au parlement pour approbation. Chacun des ministres doit être approuvé à la majorité absolue. Le futur gou­vernement devra ensuite avant toute chose faire adopter le budget 2020, toujours pas voté, dans un contexte de plongeon histo­rique des cours du brut, l’unique source de devises du pays, deuxième producteur de l’Opep. Il devra également tenter de rassurer une population inquiète d’un effondrement total d’un système de santé déjà à genoux dans un pays où le Covid-19 a tué des dizaines de personnes et où médicaments, hôpitaux et médecins manquent cruellement de longue date. « C’est une mission difficile, Kazimi affrontera plusieurs défis politiques et économiques, mais en négociateur che­vronné, il peut réussir à former un gouverne­ment et sa bonne vision en ce qui concerne les relations internationales va l’aider à mener la lourde tâche de présider un gouver­nement dans un pays en pleine crise », conclut Tarek Fahmy .

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