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La tension monte en Syrie

Maha Salem avec agences, Mardi, 16 juillet 2013

Une série d'assassinats a mis le feu aux poudres dans les relations entre les différentes composantes de la rébellion syrienne. Islamistes et rebelles syriens modérés s'affrontent désormais ouvertement.

Syrie
(Photo : Reuters)

La guerre civile en Syrie ne cesse de s’aggraver, avec l’ouverture d’un nouveau front dans le nord-ouest du pays, qui oppose non pas les rebelles au régime de Bachar Al-Assad, mais les groupes armés de l’opposition entre eux. Selon une ONG syrienne, des combats ont opposé la semaine dernière des rebelles de l’Armée Syrienne Libre (ASL) à des djihadistes d’Al-Qaëda qui tentaient de mettre la main sur des armes appartenant à cette dernière.

Ces combats interviennent alors que la tension monte entre l’ASL — la rébellion dite modérée — et les deux groupes radicaux affiliés à Al-Qaëda : le Front Al-Nosra et surtout l’Etat Islamique en Iraq et au Levant (EIIL), formés en majorité de djihadistes non syriens. Les enlèvements et les meurtres se sont multipliés dernièrement entre ces deux camps qui combattent tous deux le régime de Bachar Al-Assad.

Le 11 juillet dernier, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH), des combattants de l’EIIL, et probablement aussi du Front Al-Nosra, ont tué le chef d’un bataillon rebelle de l’ASL, Kamal Hamami, connu sous son nom de guerre d’Abou Bassir Al-Jeblaoui. Le meurtre a eu lieu alors que des combattants de l’EIIL tentaient de détruire un barrage de l’ASL.

L’Armée syrienne libre a annoncé que le meurtre d’un de ses chefs par des islamistes liés à Al-Qaëda constituait une déclaration de guerre. De fait, des analystes estiment que ces groupes sont utilisés par le régime pour détruire les rebelles syriens, en les infiltrant dans leurs rangs. « Bachar Al-Assad exploite tous les moyens possibles pour détruire les rebelles, explique Rabah Allam, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire. A présent, le régime essaie une nouvelle tactique : il utilise des combattants étrangers pour inquiéter la communauté internationale et dissimuler les crimes commis par son armée et ses partisans. En même temps, il essaie de diviser les combattants rebelles pour affaiblir leur front ».

Le meurtre d’Abou Bassir Al-Jeblaoui n’est pas le premier du genre. Quelques jours avant, d’après l’OSDH, un chef de brigade avait été décapité par l’EIIL dans la province d’Idleb, au nord-ouest du pays. Dans cette même région, des dizaines de rebelles de l’ASL ont été tués dans une bataille contre des islamistes favorables à Al-Qaëda.

Pourtant, au début de la révolte en Syrie, les insurgés, qui cherchaient désespérément de l’aide face à la puissance de feu de l’armée régulière, ont accueilli à bras ouverts les djihadistes, dotés d’armes sophistiquées et aguerris au combat. Mais leurs relations se sont progressivement envenimées, en raison de la pratique extrême de l’islam par ces djihadistes et des arrestations arbitraires qu’ils pratiquent.

Les groupes islamistes radicaux liés à Al-Qaëda gagnent en influence au sein de l’insurrection syrienne, et l’EIIL cherche depuis plusieurs mois à imposer son autorité sur les zones tenues par l’opposition dans le nord de la Syrie.

Des experts lient également les tensions existant au sein de l’opposition aux pressions exercées par l’Occident sur les rebelles « modérés » pour se démarquer des djihadistes. Les Occidentaux sont réticents à armer les insurgés, de peur de voir les armes tomber aux mains d’extrémistes. Elle n’a jusqu’à présent pas été capable de faire front commun pour évincer les unités radicales.

Les deux camps changent de tête

Des bouleversements politiques touchent les deux camps — pouvoir et opposition. Du côté de cette dernière, le premier ministre de la Coalition rebelle syrienne, Ghassan Hitto, a annoncé qu’il renonçait à ses fonctions. Désigné à cette fonction le 18 mars dernier par la plateforme de l’opposition au régime de Bachar Al-Assad, Ghassan Hitto tente depuis cette date de former un gouvernement accepté par toute l’opposition. Mais il vient d’annoncer officiellement son échec. La Coalition nationale syrienne a accepté sa démission et déclare qu’elle recevrait « les candidatures pour le poste de premier ministre dans un délai de dix jours ».

Quant au président Bachar Al-Assad, il vient d’écarter tous les dirigeants de son parti, le Baas, dont le vice-président Farouk Al-Chareh. « Les membres du commandement national ont été renouvelés », affirme le parti dans un communiqué, qui cite aussi les noms des seize nouveaux membres de la direction, dont Bachar Al-Assad. Le premier ministre, Waël Al-Halaqi, ainsi que le président du Parlement, Jihad Lahham, font leur entrée au commandement du parti.

Farouk Al-Chareh, qui s’était prononcé fin 2012 pour une solution négociée de la crise en Syrie, reste vice-président. Il détient ce poste depuis 2006, après avoir dirigé la diplomatie syrienne pendant vingt-deux ans. Son nom avait été évoqué pour remplacer Bachar Al-Assad en cas de transition négociée.« Ce coup de balai s’explique par les nombreuses critiques venues de la base du parti Baas sur les mauvais résultats de la direction avant et durant le conflit », avance Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre de Damas pour les études stratégiques. Le Baas, au pouvoir en Syrie depuis le 8 mars 1963, n’est plus depuis 2012 le parti qui « dirige la société », mais il reste de fait la formation la plus influente du pays. C’est la première fois que sa direction est renouvelée depuis 2005. A l’époque, la plupart des vétérans avaient quitté le commandement qui comptait 14 membres.

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