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Syrie : Les Kurdes dos au mur

Maha Salem avec agences, Mardi, 22 octobre 2019

En échange d’un arrêt temporaire de l’offensive turque lancée le 9 octobre sur le nord syrien, un retrait des forces kurdes d’une région syrienne frontalière de la Turquie a eu lieu. La Turquie prévoit l’établissement d’une zone de sécurité avec son voisin.

Syrie  : Les Kurdes dos au mur
Les combattants kurdes ont quitté la ville syrienne de Ras Al-Aïn.

Selon l’accord négocié et signé par Washington et Ankara, les combattants kurdes ont quitté dimanche 20 octobre la ville syrienne de Ras Al-Aïn. Un retrait qui devrait accélérer leur départ d’une zone frontalière de la Turquie. Le même jour, un convoi transportant des blessés, des dépouilles et des combattants des Forces Démocratiques Syriennes (FDS), dominées par les Unités de protection du peuple (YPG), a quitté Ras Al-Aïn, une ville assiégée par les forces turques. Annoncé jeudi 17 octobre, cet accord prévoit la suspension pour 120 heures de l’offensive lancée le 9 octobre par la Turquie pour permettre un retrait des combattants kurdes de zones frontalières du nord syrien. Outre ce retrait, l’accord prévoit la mise en place d’une zone de sécurité de 32 kilomètres de profondeur pour séparer la Turquie des territoires tenus par la milice kurde des YPG. Les Kurdes ont accepté de se retirer des secteurs conquis par les forces turques entre les villes de Tal Abyad et Ras Al-Aïn, distantes de 120 km. Mais le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a régulièrement évoqué une longueur d’environ 450 km. Le porte-parole présidentiel turc a affirmé que la Turquie n’avait pas l’intention d’occuper cette région frontalière.

Si l’objectif premier de la Turquie en établissant une zone de sécurité en Syrie est d’éloigner les forces kurdes de sa frontière, elle entend aussi y installer une partie de quelque 3,6 millions de réfugiés syriens qu’elle abrite sur son territoire. Le porte-parole des affaires étrangères turc, Ibrahim Kalin, a assuré que seuls les réfugiés qui en feraient le choix seraient installés dans cette zone. « Nous n’allons jamais recourir à des moyens qui forceraient les réfugiés à aller quelque part contre leur volonté ou en violation de leur dignité », explique Kalin.

Loin de ces détails techniques et de l’accord de jeudi, la diplomatie peine à régler la crise dans son ensemble. Selon les analystes, la communauté internationale n’est certainement pas satisfaite de l’offensive turque, mais elle reste les mains croisées. Seuls les Américains ont pu arracher cet accord et ont arrêté l’avancée turque, car ils peuvent imposer des sanctions sur la Turquie et affaiblir son économie. Or, les Kurdes, les principaux concernés, n’étaient pas présents aux négociations entre Turcs et Américains. Ils ont simplement été contraints d’appliquer les termes de l’accord. Pour Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, « les Kurdes ont accepté ce retrait car ils ne peuvent pas lutter contre une vraie armée ». Selon elle, la situation est compliquée. « D’un côté, le régime syrien ne va pas accepter la présence turque sur ses territoires. De l’autre, Ankara peut subir les sanctions américaines et les accepter pour se protéger de ce qu’il considère comme la menace kurde. La priorité d’Ankara est de protéger ses frontières, et sa hantise est les Kurdes », dit l’analyste.

Une trêve temporaire

En effet, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a réitéré que l’offensive reprendrait si les forces kurdes ne se retiraient pas totalement de secteurs frontaliers, et a affirmé que la Turquie assurerait la protection de la zone de sécurité qu’elle souhaite établir. Il a aussi exhorté les Etats-Unis à tenir leurs promesses. « Les Etats-Unis ont l’obligation de faciliter le retrait des YPG », a indiqué Fahrettin Altun, porte-parole de la présidence turque.

De leur côté, les autorités kurdes syriennes ont exprimé leur perplexité. « La Turquie et ses mercenaires n’ont absolument pas respecté, et ont, à plusieurs reprises, violé la trêve. Le fait que Trump dise que les Kurdes se sont réinstallés dans de nouvelles zones a ouvert la voie au nettoyage ethnique », ont affirmé les autorités kurdes en appelant à une protection internationale des personnes déplacées.

Pendant ce temps, le retrait américain s’est poursuivi. Selon l’OSDH, un convoi s’est retiré de la base de Sarrine, près de la ville de Kobané, et s’est dirigé vers la province de Hassaké plus à l’est. « Il s’agit de la plus grande base militaire américaine dans le nord et du 4e départ des forces américaines d’une base en Syrie », a indiqué à l’AFP le directeur de l’OSDH, Rami Abdel-Rahmane. Ces derniers jours, les Américains se sont retirés de 3 autres bases, dont celle de Minbaj et une autre près de Kobané.

Désormais, toutes les bases dans les provinces de Raqqa et d’Alep sont vides de toute présence militaire américaine. Les Etats-Unis conservent encore des positions dans les provinces de Deir Ez-Zor et de Hassaké.

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