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Accord historique au Soudan

Maha Salem avec agences, Mardi, 20 août 2019

Un accord de paix a été signé entre les camps rivaux au Soudan, ouvrant la voie à un transfert du pouvoir aux civils. La population espère désormais plus de liberté et de meilleures conditions de vie.

Accord historique au Soudan
Le général Abdel-Fattah Al-Burhan et le chef de l'opposition, Ahmad Al-Rabiah, célèbrent la signature de l'accord de paix. (Photo : Reuters)

Suite aux pressions exercées par les pays de la coalition arabe, les forces séparatistes du Conseil de transition du sud (STC) ont évacué certains bâtiments publics qu’ils avaient occupés à Aden la semaine dernière.

Après 8 mois de manifestations massives, le Conseil militaire et l’opposition ont signé samedi 17 août un accord historique. Il prévoit l’organisation de la période de transition allant vers un pouvoir civil, une revendication essentielle exigée par l’opposition au cours des négociations de paix. Cet accord prévoit une transition de 39 mois, qui doit être menée par le « Conseil souverain » composé de 11 membres dont 6 civils et 5 militaires. Selon des sources de l’opposition, seuls 5 des 11 membres ont été choisis pour le moment, et la composition complète devrait être annoncée dans quelques jours. L’accord prévoit des élections générales en 2022, mais plusieurs tâches doivent être accomplies avant la tenue de ces élections. La première est la formation du Conseil souverain remplaçant le Conseil militaire, qui avait pris les rênes du pays après la destitution de Omar Al-Béchir. Ce conseil sera d’abord dirigé pendant 21 mois par un général, puis par un civil pendant les 18 mois restants. Abdallah Hamdok, un ex-économiste de l’Onu, a été choisi par la contestation comme premier ministre. Il devrait être officiellement désigné par ce conseil; ensuite, il sera chargé de la lourde tâche de former son gouvernement avant le 28 août, avec 20 membres au maximum. Ces derniers seront choisis parmi les candidats présentés par l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC, fer de lance de la contestation) à l’exception des ministres de l’Intérieur et de la Défense, qui seront désignés par les militaires. La première réunion entre le Conseil souverain et le gouvernement est programmée le 1er septembre.

Une assemblée de 300 membres au maximum, dont 40% de femmes, doit également être constituée dans les trois mois suivant la signature de l’accord. Au total, 67% des sièges doivent aller à l’ALC, et le reste à d’autres partis, à condition qu’ils ne soient liés en rien à l’ancien président Béchir. Un comité sera chargé de rédiger la nouvelle Constitution. « Plusieurs obstacles doivent être surmontés. Le nouveau conseil choisira les membres de ce comité. Une tâche difficile à accomplir en raison des divergences qui existent déjà entre les deux camps soudanais. Aucune date exacte n’a été fixée pour l’annonce de cette Constitution », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire.

Par ailleurs, l’accord prévoit que les militaires ainsi que les Forces de soutien rapide (RSF), puissante organisation paramilitaire, soient placés sous le commandement du chef de l’armée. L’agence de renseignement, sous son nouveau nom de « Services de renseignements généraux », sera placée sous la houlette du gouvernement et du Conseil souverain. Les RSF, accusées d’exactions au Darfour, tout comme les services de renseignements (le NISS), ont joué un rôle essentiel dans la mainmise pendant 30 ans d’Omar Al-Béchir sur le Soudan. De même, l’accord proclame une série de droits et libertés pour les citoyens, qui devront à l’avenir être protégés de toute arrestation arbitraire. La liberté de religion et la liberté d’expression doivent être garanties. En plus, les nouvelles autorités soudanaises se donnent pour tâche prioritaire de rétablir la paix dans un pays déchiré par de nombreux conflits ayant fait des centaines de milliers de morts, du Darfour (ouest) au Kordofan-Sud en passant par le Nil Bleu (sud). L’autre dossier important qui attend les nouveaux gouvernants est le redressement d’une économie en perdition depuis plusieurs années.

Les craintes de l’ALC

Certains membres de ALC, fer de lance de la contestation, craignent toutefois que l’euphorie ne soit de courte durée, et que les tensions ne persistent. Alors que l’accord de transition conclu début juillet a été salué comme le meilleur que le Soudan puisse espérer, certains contestataires estiment qu’il a nui à leur révolution. Ils pointent notamment l’omniprésence dans le processus de transition du général Mohammed Hamdan Daglo, à la tête d’une force paramilitaire et n° 2 du Conseil militaire jusque-là au pouvoir. Celui-ci a d’ailleurs cosigné l’accord samedi. Les redoutés paramilitaires des RSF qu’il dirige sont accusés d’avoir brutalement réprimé plusieurs manifestations. Beaucoup craignent que le général Daglo, dit « Hemeidti », ne tente de s’accaparer ensuite le pouvoir et de tuer dans l’oeuf le processus démocratique.

Cependant, cet accord a été applaudi par la communauté internationale. « Cet accord répond aux demandes du peuple soudanais, qui a appelé sans relâche au changement et à un avenir meilleur », a affirmé le secrétaire d’Etat britannique pour l’Afrique, Andrew Stephenson. Partageant le même avis, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, a promis que Washington soutiendrait l’établissement d’un gouvernement qui protège les droits de tous les Soudanais et mène vers des élections libres et équitables. La population soudanaise espère accéder à plus de liberté et à de meilleures conditions de vie.

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