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La Syrie tributaire des calculs internationaux

Sabah Sabet avec agences, Mardi, 30 juillet 2019

Avec un bras de fer entre Washington et Ankara au sujet d’une éventuelle opération turque en territoire syrien et une offensive que le régime et son allié russe mènent depuis trois mois à Idleb contre les djihadistes, les civils continuent de subir le lourd tribut de la guerre.

La Syrie tributaire des calculs internationaux
Selon l'Onu, des villes et des villages entiers ont été apparemment vidés de leurs habitants qui ont fui les bombardements. (Photo : AFP)

La zone de sécurité au nord de la Syrie alimente les tensions entre Ankara et Washington. La Turquie, avec le soutien de l’Armée Syrienne Libre (ASL), se prépare à lancer une opération au nord de la Syrie, le long de la frontière syro-turque, une zone occupée par les miliciens kurdes-syriens des Unités de protection du peuple (YPG). Les autorités turques avaient déclaré qu’elles lanceraient une offensive si aucun accord sur une zone de sécurité en Syrie n’est conclu avec les Etats-Unis. Une délégation américaine, conduite par l’émissaire spécial pour la Syrie, James Jeffrey, a soumis, la semaine dernière, des propositions qui n’ont pas convaincu les autorités turques, selon le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. « Nous leur avons bien souligné que nous ne tolérerions aucun retard, et que nous aurions recours à la force si nécessaire », a déclaré le ministre turc de la Défense lors d’une réunion avec des hauts gradés de l’armée, signalant une possible offensive à l’est de l’Euphrate en Syrie.

En fait, une telle opération serait la troisième lancée par la Turquie en trois ans dans le nord de la Syrie. Après que Donald Trump avait annoncé, fin 2018, que les troupes américaines se retireraient du nord de la Syrie, Ankara et Washington ont convenu de créer une zone de sécurité le long de la frontière syro-turque et d’évacuer les miliciens kurdes-syriens des YPG. Mais les désaccords entre les deux parties ont entravé la mise en place de cette zone. Ankara considère les YPG comme une organisation terroriste et comme le prolongement en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection depuis 1984 contre le pouvoir turc dans le sud-est de la Turquie. Or, les YPG ont été le principal allié de Washington sur le terrain en Syrie dans les affrontements avec les djihadistes de Daech.

Ce n’est pas la première fois qu’Ankara et Washington s’opposent sur la question des milices kurdes syriennes. En janvier 2018, la Turquie avait lancé, dans le nord-ouest de la Syrie, une offensive contre les YPG. Opération qui a suscité l’ire de Washington. Les deux alliés se sont finalement accordés, début juin, au terme de tractations diplomatiques, sur une « feuille de route » pour coopérer.

Selon certains observateurs, bien que la mauvaise atmosphère couvre les relations, ni Washington ni Ankara n'ont envie de plus de tensions dans leurs relations, chacun veut seulement montrer sa force et chacun a ses intentions. Selon les observateurs, Washington veut punir Ankara pour son orientation vers les armes russes, et Erdogan veut se tenir à l’écart des problèmes économique et politique de son pays en ouvrant un front de tension à l’extérieur.

à Idleb, 400 000 déplacés en trois mois

Alors que Washington et Ankara étalent leurs différends, Damas, de son côté, a dénoncé les pourparlers entre les Etats-Unis et la Turquie sur la création de la zone de sécurité. « La Syrie réitère son rejet catégorique de toute entente américano-turque, qui représente une agression flagrante de la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie », a indiqué une source aux Affaires étrangères citée par l’agence officielle Sana, en condamnant « la poursuite de l’ingérence américaine destructrice ». Et pendant ce temps, les autorités syriennes poursuivent leur offensive contre la province d’Idleb. Depuis trois mois en Syrie, en effet, l’aviation du régime et l’allié russe bombardent sans cesse la province d’Idleb, n’épargnant ni hôpitaux ni écoles. Car pour reprendre cette région dominée par les djihadistes, le pouvoir a engagé une « guerre d’usure », estiment des experts. L’opposition au régime de Bachar Al-Assad a dénoncé une « extermination », et l’Onu a condamné « l’indifférence » de la communauté internationale face à des bombardements qui ont tué des centaines de civils et fait plus de 400 000 déplacés en trois mois. Les frappes aériennes et les tirs d’artillerie ont coûté la vie à environ 740 civils en trois mois, selon l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). Des dizaines d’écoles et d’hôpitaux ont été détruits, d’après l’Onu. « Des villes et des villages entiers ont été apparemment vidés de leurs habitants qui ont fui », souligne un rapport de l’Onu.

Un prix fort lorsque l’on sait que la province d’Idleb, qui accueille quelque 3 millions d’habitants, est toujours dominée par les djihadistes de Hayat Tahrir Al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d’Al-Qaëda) et que d’autres factions rebelles et djihadistes y sont présentes.

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