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A Varsovie, beaucoup de bruit pour rien

Abir Taleb avec agences, Mardi, 19 février 2019

La Conférence de Varsovie sur la paix et la sécurité au Moyen-Orient s'est transformée en un plaidoyer contre l'Iran, sans pour autant s'achever sur un plan d'action concret contre ce pays, encore moins sur des avancées sur le processus de paix israélo-palestinien.

A Varsovie, beaucoup de bruit pour rien
Aucune annonce concrète n'a été faite, si ce n'est le lancement d'un processus dit de Varsovie. (Photo : Reuters)

« Paix et sécurité au Moyen-Orient » : tel était l’intitulé de la Conférence internationale organisée à Varsovie, les 13 et 14 février, à l’initiative des Etats-Unis. Un intitulé vague derrière lequel se cachaient— ou plutôt s’affichaient— deux objectifs: constituer un front contre l’Iran et promouvoir son plan de paix— au contenu inconnu— pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Or, ni l’un ni l’autre de ces objec­tifs n’ont réellement été atteints et aucune annonce concrète n’a été faite, si ce n’est le lancement d’un processus dit de Varsovie, un système de groupes de travail pour continuer à parler de la paix au Moyen-Orient. Sans plus.

D’abord, pour ce qui est du processus de paix palestino-israélien, rien n’a été dévoilé sur le fameux « deal du siècle », relégué au second plan. Ce n’est qu’à huis clos que Jared Kushner, gendre et conseiller de Donald Trump, a exposé la très attendue proposition de paix américaine pour le Proche-Orient, dont l’annonce a été reportée à plusieurs reprises. Mais aucune déclaration officielle n’a été faite à ce sujet, et le plan ne sera dévoilé qu’après les élections israéliennes prévues le 9 avril prochain. Mais l’Autorité palestinienne— qui refuse toute médiation américaine après que Donald Trump eut reconnu Jérusalem comme la capitale d’Israël en 2017— avait, de toute façon, refusé de participer à l’événement. Elle a dénié tout bien-fondé à la conférence, qui vise, selon elle, à « normaliser » l’occupation israélienne des Territoires palestiniens. « Un processus de paix ne peut pas servir à faire en sorte qu’une des parties soit amnistiée de ses crimes de guerre ou qu’une autre renonce à ses droits fondamentaux au regard de la charte des Nations-Unies », a déclaré Nabil Chaath, un conseiller du président Mahmoud Abbas.

Ensuite, pour ce qui est de l’Iran, sujet pré­dominant, la conférence a certes mis l’accent sur le « danger » que représente ce pays, mais elle s’est simplement transformée en une sorte de plaidoyer américain anti-iranien. Les Américains ont pourtant voulu donner l’image d’un front uni contre Téhéran. Mais aussi celle d’être la « force du bien » au Moyen-Orient, une idée présentée à plusieurs reprises tant par le secrétaire d’Etat que par le vice-président américains. Ainsi, le vice-président américain, Mike Pence, a-t-il déclaré que les pays réunis tels que l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Israël ou encore la France et l’Allemagne partagent tous une même volonté de défendre les droits de l’homme. « Nous sommes ici aujourd’hui à cause de ce qui nous unit: notre engagement partagé pour le progrès de la sécurité, de la prospérité et des droits de l’homme au Moyen-Orient », a-t-il martelé.

Qui plus est, Washington tente de faire un lien entre le processus de paix israélo-palesti­nien et le front anti-Iran. « Il n’est pas pos­sible d’atteindre la paix et la stabilité au Moyen-Orient sans affronter l’Iran », a ouvertement déclaréle secrétaire d’Etat amé­ricain, Mike Pompeo, jeudi 14 février à Varsovie aux côtés du premier ministre israé­lien, Benyamin Netanyahu. L’argument a été martelé tout au long de la conférence: l’Iran est « notre » menace commune au Moyen-Orient. M. Pence a qualifié ce pays « de plus grand danger » dans la région, lui reprochant de préparer « un nouvel Holocauste » en rai­son de ses ambitions régionales. Le but était d’amener la soixantaine de participants pré­sents à Varsovie à se ranger derrière les Etats-Unis. « Ses accusations haineuses contre l’Iran, y compris ses allégations ignorantes d’antisémitisme (...) sont à la fois ridicules et dangereuses », a répondu dimanche 17 février le ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif. Auparavant, le jour même de la conférence, le président Hassan Rohani l’avait qualifiée de « vide et sans résultat », tandis que son allié, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, a déclaré deux jours plus tard sur la chaîne de télévision locale Al-Manar que ce n’était ni une menace pour l’Iran ni pour le Hezbollah, et que cette mobi­lisation contre Téhéran ne sera pas couronnée de succès.

Un show israélien

Allant encore plus loin, Mike Pence a loué les victoires de Donald Trump aux Etats-Unis, en ajoutant que le rêve du président américain était de voir le Moyen-Orient ressembler à Israël, vivant selon lui en paix avec la diver­sité de ses habitants. Israël est-il donc le grand gagnant de la Conférence de Varsovie? A en croire ces déclarations et les sourires affichés de son premier ministre Benyamin Netanyahu, oui. En pré-campagne électorale suite à la convocation d’élections anticipées après être mis à mal au parlement, M. Netanyahu n’a pas manqué d’exploiter au maximum la rencontre de Varsovie, la qualifiant de « tournant histo­rique ». Fier de s’afficher avec des respon­sables arabes avec lesquels son pays n’entre­tient pas de relations diplomatiques officielles, le premier ministre israélien a même dit espé­rer que le « front anti-Iran » ouvrira la voie à une normalisation des relations entre Israël et les pays du Moyen-Orient. Autant de mes­sages destinés davantage à son électorat. Tout comme sa politique menée depuis peu et qui consiste à rompre avec l’ambiguïté militaire observée par l’Etat hébreu. En effet, Israël ne cache désormais plus qu’il frappe des cibles liées à l’Iran en Syrie. Un show dont nul ne mésentend les visées.

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