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CCG : La crise avec le Qatar reste entière

Maha Salem, Mardi, 11 décembre 2018

C'est dans un contexte de crise avec le Qatar — et en son absence — que le Conseil de Coopération du Golfe (CCG) a organisé son sommet annuel. Une rencontre qui s'est achevée sans annonces exceptionnelles.

CCG : La crise avec le Qatar reste entière
Les six pétromonarchies arabes du Golfe ont achevé leur sommet par un appel à préserver l'unité de leur conseil. (Photo : Reuters)

Réunis à Riyad, les six pétromo­narchies arabes du Golfe ont clô­turé les travaux de leur 39e sommet annuel par un appel à préserver la puissance, l’unité et la force du Conseil de Coopération du Golfe (CCG). Et comme prévu, le sommet n’a pas fait allusion à la crise interne qui oppose certains de ses membres au Qatar. Malgré l’invitation protocolaire qui lui avait été transmise, l’émir du Qatar, cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, n’est pas venu à Riyad.

Il était représenté par le numéro deux de sa diplo­matie, le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Sultan Al-Merrikhi. Un porte-parole des Affaires étrangères du Qatar, Ahmad bin Saïd Al-Remihi, a dénoncé que le sommet n’ait pas évoqué le blocus imposé au Qatar et les moyens de le régler, appelant les pays du Golfe à s’attaquer aux vrais problèmes du CCG. Une « participation uniquement protocolaire », selon Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l'Uni­versité Caire, puisque « Doha n’intervient pas vraiment dans les décisions prises par le CCG ».

La crise entre le Qatar est ses voisins reste donc entière. Ce pays est accusé de soutenir le terrorisme et des groupes islamistes radi­caux ainsi que de se rappro­cher de l’Iran, ce que Doha dément. Or, le CCG, une union politique et écono­mique qui comprend l’Ara­bie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar et Oman, constitue un contrepoids régional à Téhéran.

L’émir du Koweït, cheikh Sabah Al Ahmad Al Sabah, qui a tenté une médiation entre le Qatar et ses voisins, a appelé à contenir cette crise, la plus grave de l’his­toire du CCG. Le communi­qué final a invité à mettre fin aux campagnes de presse ayant semé la discorde (entre les peuples de la région) pour préparer le ter­rain à une réconciliation. Le sommet a aussi salué la médiation du Koweït et affirmé son soutien à ces efforts et à leur poursuite.

A quelques jours du som­met, le Qatar avait annoncé qu’il quitterait le mois pro­chain l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP), afin de se concen­trer sur sa production de gaz, dont il est un des princi­paux exportateurs au monde.

Ce qui avait lancé des rumeurs sur la possibilité que ce pays quitte aussi le CCG. Mais, pour l’heure, rien n’a été annoncé. « S’il entreprend une telle démarche, le Qatar sera le seul perdant. Ce pays a déjà noué des alliances avec la Turquie et l’Iran, deux pays militairement présents au Qatar. Ce qui représente un vrai danger, car ces deux pays ont des velléités expan­sionnistes dans la région. Le maintien du Qatar au sein du CCG peut créer un cer­tain contrepoids contre les velléités de ces deux pays », explique Dr Mona Soliman.

Quant à la crise avec le Qatar, aucune issue n’est pour l’heure prévisible, estime l’analyste, « car aucun camp ne veut faire de concessions pour régler la crise et le Qatar ne veut pas répondre aux exigences de ses voisins ». Selon elle, cette crise ne sera réglée que dans trois cas de figure, « ou bien qu’il y ait un change­ment radical au Qatar avec une nouvelle orientation politique, ou bien que ses alliances avec la Turquie et l’Iran s’effondrent, ou bien que Washington fasse réelle­ment pression sur Doha ».

Le CCG, un contrepoids face à l'Iran

Né en mai 1981, ce groupement régional a été créé sur un réflexe d’autodéfense face à l’Iran. Il a en effet été créé en pleine guerre entre l’Iraq et l’Iran et deux ans après le triomphe de la Révolution islamique à Téhéran. Selon le secrétaire général du CCG, Abdellatif Al-Zayani, le 39e sommet a passé en revue les liens avec l’Iran après le rétablissement de sanctions américaines. Mais il existe des différends au sein du CCG entre les tenants d’une ligne dure à l’égard de Téhéran, représentée par Riyad, Abu-Dhabi et Manama, et les adeptes de liens « normaux » avec l’Iran, comme Mascate et Koweït, sans compter Doha qui souhaite aller plus loin dans les relations avec Téhéran. En 1984, les pays du CCG ont formé une force terrestre militaire commune, baptisée le « Bouclier de la péninsule ».

Des troupes du « Bouclier de la Péninsule » se sont déployées en mars 2011 à Bahreïn pour protéger les installations vitales de ce pays alors en proie à un mouvement de contestation dirigé par des chiites. Dans les années 1990, les Etats du CCG ont signé individuellement des accords de défense notamment avec les Etats-Unis.

Sur le plan économique, le CCG a approuvé une union douanière, un marché commun, une monnaie unique et une Banque Centrale unique, mais la plupart de ces décisions n’ont jamais été suivies d’effet. Il a aussi instauré la liberté de circulation des citoyens et des capitaux. Les économies des pays membres sont fortement dépendantes du pétrole et les Etats en tirent environ 90 % de leurs revenus. Les six pays pompent actuellement plus de 17 millions de barils par jour, soit environ 18 % de la production mondiale.

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