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Ebauche de règlement au Yémen

Maha Salem avec agences, Lundi, 26 novembre 2018

En visite au Yémen, l'émissaire de l'Onu, Martin Griffiths, a rencontré les deux camps en conflit. Objectif : préparer le terrain pour une relance du processus de négociations. La paix n'est pas pour autant gagnée.

Ebauche de règlement au Yémen
Selon l'Onu, 14 millions de personnes vivent en situation de pré-famine au Yémen. (Photo: Reuters)

Grâce à de fortes pressions exercées par la communauté internationale, le pouvoir et les rebelles yéménites se sont dit favorables aux efforts de paix de l’Onu, ouvrant la voie à de nouvelles négociations pour un règlement politique du conflit. Aucune date n’a été annoncée pour le début de ce round de négociations, mais elles doivent se tenir avant la fin de l’année à Stockholm. Une avancée en soi vu le blocage de la crise yéménite, notamment après l’échec de la dernière tentative de l’Onu de réunir les protagonistes en septembre dernier.

Or, la vague d’optimisme se heurte à la réalité : pourquoi donc ce nouveau round réussira-t-il là où tous les précédents ont échoué? « Cette fois-ci, les deux camps ont changé leur position, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la guerre a épuisé militairement et économiquement les ressources des deux camps. Ensuite, ils sont persuadés qu’il y a un certain équilibre de force entre eux et qu’aucun d’eux ne pourra l’emporter militairement. C’est le cas à Hodeida, par exemple, où la bataille n’est toujours pas tranchée et que chaque camp déclare contrôler. En plus, les Houthis ont enregistré d’importantes pertes à Saada et à Hodeida et leurs pertes augmentent à cause de l’embargo imposé par la coalition arabe sur ces deux villes. Autre raison, l’Iran, allié des Houthis, a présenté une certaine flexibilité dans le dossier yéménite pour satisfaire la communauté internationale, surtout après les sanctions américaines », explique Dr Mona Soliman, professeure à la faculté d’économie et de sciences politiques de l’Université du Caire.

Par ailleurs, les craintes d’une détérioration encore plus grande de la situation humanitaire, déjà grave, fait que la communauté internationale, qui veut protéger ses intérêts, exerce une forte pression pour éviter le pire. C’est notamment pour cette raison que la Grande-Bretagne a présenté un projet de résolution au Conseil de sécurité de l’Onu, demandant une trêve et le passage, sans obstacles, de l’aide humanitaire à la ville de Hodeida, qui illustre à elle seule la complexité de ce conflit. Ce projet augmenterait la pression sur la coalition emmenée par l’Arabie saoudite ainsi que sur les rebelles houthis soutenus par l’Iran pour qu’ils commencent les négociations et trouvent un accord sur le Yémen.

Le texte appelle « toutes les parties prenantes dans le conflit à cesser les hostilités dans le gouvernorat de Hodeida, à cesser toutes les attaques dans les zones densément habitées par des civils à travers le Yémen et à cesser toutes les attaques de missiles et de drones contre les pays de la région et les zones maritimes ». Il demande aussi aux belligérants de permettre l’accès sans entrave de la nourriture, de l’eau, du carburant, des médicaments du commerce ou humanitaires et d’autres importations cruciales à travers le pays, y compris en levant, dans les deux semaines suivant l’adoption de cette résolution, tout obstacle bureaucratique qui pourrait restreindre ces flux.

Raids sur Hodeida

Pourtant, malgré tous ces appels et malgré l’annonce de discussions prochaines, la coalition progouvernementale sous commandement saoudien au Yémen a lancé, dimanche 25 novembre, des raids aériens sur les lignes d’approvisionnement des rebelles aux alentours de la ville stratégique de Hodeida, tenue par les Houthis. Ces raids font suite à la visite sur place de l’émissaire de l’Onu, Martin Griffiths, qui a souhaité une trêve permanente à Hodeida avant les négociations de paix en Suède. Mais la coalition a annoncé que ces raids aériens avaient pris pour cible des convois de renforts rebelles à l’entrée nord de la ville de Hodeida, ainsi que dans des zones situées à quelques kilomètres au sud de la cité.

En première réaction à ces raids, Mohammed Abdessalam, porte-parole des rebelles, a annoncé : « Cette escalade (à Hodeida) détruit les efforts de l’émissaire de l’Onu ». Avis partagé par Mohammed Ali Al-Houthi, chef du Conseil révolutionnaire suprême des rebelles. Mais, selon Dr Mona Soliman, les forces gouvernemantales veulent exposer leur puissance pour être en position de force une fois à la table de négociations à Suède.

Malgré cela, l’émissaire de l’Onu a semblé enregistrer des progrès en affirmant, vendredi 23 novembre à Hodeida (ouest), avoir obtenu un accord des rebelles en vue de négociations sur un rôle majeur de l’Onu au port et au-delà. Ce port est vital pour l’acheminement de la quasi-totalité des importations et des aides au Yémen, pays au bord de la famine. Selon l’Onu, 14 millions de personnes vivent en situation de pré-famine.

« L’attention du monde est sur Hodeida. Et l’Onu est prêt à travailler avec les parties en vue d’un rôle de supervision pour gérer le port, qui protégerait cette installation d’une destruction potentielle et préserverait cette voie humanitaire principale », a affirmé l’émissaire onusien après sa rencontre avec le chef des rebelles houthis, Abdel-Malik Al-Houthi.

Le Yémen est aujourd’hui quasiment divisé en deux, les loyalistes contrôlant le sud et une bonne partie du centre tandis que les rebelles tiennent Sanaa ainsi que le nord et une grande partie de l’ouest. « Mais les deux camps n’ont pas réussi à diriger le pays. Les institutions de l’Etat sont paralysées et une crise économique, politique et sociale secoue le pays. La solution politique s’impose donc », conclut Dr Mona Soliman.

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