Vendredi, 29 mars 2024
Al-Ahram Hebdo > Monde Arabe >

Une victoire par les armes semble inévitable

Maha Salem, Mardi, 02 octobre 2012

Les combats se poursuivent dans les principales villes du pays. La communauté internationale reste incapable de trouver une solution diplomatique à la crise.

Syrie
Les Syriens veulent un soutien international plus fort que l'argent. (Photo: Reuters)

Comme tous les vendredis depuis mars 2011, des manifestations éclatent malgré les violences. Des bombardements et des combats meurtriers entre forces gouvernementales et rebelles ont lieu quotidiennement à travers la Syrie. La situation demeure toujours bloquée.

Essayant de se former une image globale sur cette crise, le représentant à Damas de l’émissaire international Lakhdar Brahimi, Mokhtar Lamani, a fait une série de rencontres sur le terrain. Il a rencontré le colonel Qassem Saadeddine, porte-parole de l’Armée Syrienne Libre (ASL), ainsi que d’autres représentants de ce groupe. Cette faction rebelle est toujours considérée comme le bras fort de la révolution. Elle est formée de déserteurs et de civils armés.

Lamani a aussi rencontré à Homs le gouverneur de la ville, ainsi que des représentants du Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge syrien. A son retour, il présentera un rapport à l’Onu. Le président syrien Bachar Al-Assad a signifié à plusieurs reprises qu’il ne comptait pas arrêter sa guerre contre les rebelles, tandis que des chefs de la rébellion annoncent que le régime ne tombera que par la force.

Le 24 septembre, Brahimi a souligné devant le Conseil de sécurité de l’Onu qu’aucune issue n’était en vue en Syrie. Trois jours plus tard, Brahimi ainsi que les patrons de l’Onu et de la Ligue arabe, Ban Ki-moon et Nabil Al-Arabi, ont déploré à New York la férocité des violations des droits de l’homme commises par le gouvernement, alors que l’opposition demandait aux donateurs de contribuer davantage aux opérations humanitaires.

Soutiens à l’opposition

L’opposition syrienne a une fois de plus réclamé une aide de la communauté internationale. Répondant à sa demande, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a piloté une réunion du groupe des « Amis du peuple syrien » aux côtés d’une vingtaine de pays, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu.

Le but de cette réunion, selon des diplomates américains, était d’aider la rébellion à se protéger et à se défendre. Au cours de cette réunion, les Etats-Unis ont annoncé une aide humanitaire supplémentaire de 30 millions de dollars pour le peuple syrien et 15 millions de dollars de plus pour soutenir l’opposition syrienne civile et non armée.

Se refusant à toute aide militaire directe et toute intervention armée en Syrie, les Etats-Unis s’en tiennent à une aide indirecte à la rébellion (équipements de communications, formation ...). Avec ces rallonges, l’aide humanitaire américaine en Syrie (et pour les réfugiés dans les pays frontaliers) atteint désormais 132 millions de dollars, et le soutien à la rébellion 45 millions de dollars.

Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés, plus de 500 000 Syriens ont fui leur pays, dont 75 % sont des femmes et des enfants. L’Onu a, quant à elle, estimé à plus de 700 000 le nombre de Syriens réfugiés dans les pays voisins fin 2012 et a révisé à la hausse son appel aux donations, déclarant avoir besoin de 488 millions de dollars.

Le Britannique William Hague, ministre des Affaires étrangères, a débloqué 8 millions de livres (12,9 millions de dollars), en plus des 30,5 millions déjà donnés à un fonds humanitaire. Le Français Laurent Fabius a insisté sur l’aide aux zones libérées en Syrie, manière la plus concrète, selon lui, d’aider un peuple qui se sent abandonné. Il a évoqué une prochaine réunion en octobre à Doha pour hâter la formation d’un gouvernement provisoire.

Mais aucune issue n’est en vue en raison des divisions entre partisans d’un départ du président Bachar Al-Assad, Etats-Unis en tête, et soutiens au régime (Russie, Chine, Iran). Clinton a profité de la réunion pour lancer une nouvelle charge contre l’Iran, allié indéfectible de Bachar Al-Assad et que Washington accuse de lui fournir des armes. « L’Iran est la meilleure planche de salut du régime syrien et Téhéran fera tout pour protéger son acolyte à Damas », a-t-elle lancé.

Washington est toutefois persuadé que le régime se fissure et perd du terrain militairement. Ainsi, une partie de la communauté internationale exhorte depuis des mois l’opposition syrienne à s’unifier. Le dirigeant de la principale coalition des opposants syriens, le Conseil national syrien, Abdel-Basset Sayda, a récemment rencontré le ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle. « L’opposition doit monter une plateforme unitaire, pas seulement contre Assad, mais aussi pour un avenir pluraliste et démocratique en Syrie », a plaidé le chef de la diplomatie allemande.

Moscou reste pondéré

La Russie insiste sur le fait de faire appliquer l’accord de Genève sur une transition en Syrie, a réaffirmé devant l’Assemblée générale de l’Onu le ministre russe des Affaires étrangères, Serguev Lavrov, qui a accusé les Occidentaux d’aggraver la crise en Syrie. Cet accord sur les principes d’une transition en Syrie a été adopté le 30 juin à Genève par le Groupe d’action sur la Syrie. Il ne contient aucun appel au président syrien Bachar Al-Assad à renoncer au pouvoir, alors que les Occidentaux et certains pays arabes, ainsi que l’opposition syrienne, exigent son départ.

Lavrov a appelé tous les membres du Groupe d’action à confirmer leur engagement sur ce texte qui fournit, selon lui, le moyen le plus rapide de faire cesser le conflit. Il a rappelé que la Russie avait proposé au Conseil de sécurité d’adopter une résolution entérinant l’accord de Genève mais que « cette proposition avait été bloquée » par les Occidentaux. « Ceux qui s’opposent à l’application de l’accord de Genève prennent une énorme responsabilité », a-t-il averti sans les nommer. « Ils insistent sur un cessez-le-feu qui serait imposé seulement au gouvernement syrien et encouragent l’opposition à intensifier les hostilités. Ce faisant, ils poussent la Syrie encore plus profondément dans la guerre civile. Le nombre de crimes de guerre augmente, tant du côté des forces gouvernementales que de l’opposition », a-t-il conclu. Il a aussi appelé les pays du Golfe à cesser immédiatement leurs livraisons d’armes aux rebelles syriens.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a appelé sans ménagement la Russie, la Chine et l’Iran à mettre un terme à leur soutien au régime syrien du président Bachar Al-Assad, les prévenant que « l’histoire ne leur pardonnera pas » une telle attitude. « Nous nous adressons à la Russie, à la Chine, et avec eux à l’Iran. S’il vous plaît, repensez votre attitude actuelle. L’histoire ne pardonnera pas ceux qui se sont mis du côté de ces régimes cruels », a affirmé M. Erdogan dont le pays fait partie de l’Otan.

La Russie, alliée traditionnelle de Damas, a bloqué jusqu’à présent avec l’aide de la Chine toute résolution ouvrant la porte à des mesures contraignantes pour le régime syrien au Conseil de sécurité de l’Onu, où les deux pays disposent d’un droit de veto en qualité de membre permanent. L’Iran est pour sa part le principal allié régional de Damas et est accusé par plusieurs pays occidentaux et arabes de fournir une aide militaire au régime de Bachar Al-Assad.

Prenant partie contre le régime syrien, la magistrate Carla Del Ponte et Vivit Muntarbhorn, ex-rapporteur spécial de l’Onu sur l’exploitation sexuelle des enfants, ont rejoint la commission d’enquête de l’Onu sur la Syrie, dont le mandat a été prolongé jusqu’en mars 2013. Cette commission travaille dans les pays voisins de la Syrie — Damas lui refusant un accès sur son territoire — pour rassembler témoignages et preuves sur des crimes contre l’humanité commis dans le conflit.

Mise en place il y a un an, la commission d’enquête indépendante dirigée par le Brésilien Paulo Pinheiro a réalisé plus de 1 100 entretiens avec des victimes, des réfugiés et des déserteurs. Le conflit en Syrie a fait en dix-huit mois environ 30 000 morts, selon une ONG.

La chimère des armes chimiques

D’après le secrétaire américain à la Défense, Leon Panetta, la Syrie a déplacé une partie de son arsenal chimique mais seulement pour mieux le sécuriser. Les Etats-Unis et la France avaient prévenu que l’utilisation par Damas de ses armes chimiques ou leur transfert à des groupes terroristes constitueraient une ligne rouge pouvant déclencher une intervention étrangère.

Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a accusé les Etats-Unis d’œuvrer à la chute du régime de Damas, en se saisissant du prétexte des armes chimiques comme ils l’ont fait en Iraq. Le ministre a toutefois gardé le flou sur la détention d’un tel arsenal par la Syrie. « Ces armes chimiques en Syrie, si elles existent, et je dis bien si elles existent, comment serait-il possible que nous les utilisions contre notre propre peuple ? C’est du n’importe quoi », a-t-il affirmé. « Mais, cela ne veut absolument pas dire que la Syrie détient un stock d’armes chimiques ou qu’elle a l’intention d’utiliser ces armes contre son peuple. C’est une chimère qu’ils ont inventée pour lancer une campagne contre la Syrie, semblable à ce qu’ils ont fait en Iraq ».

D’après les experts, ces stocks datent des années 1970 et sont les plus importants du Moyen-Orient avec des centaines de tonnes.

Le régime syrien a reconnu pour la première fois, fin juillet posséder des armes chimiques et a menacé de les utiliser en cas d’intervention militaire occidentale, mais jamais contre sa population. Ces déclarations ont immédiatement suscité des mises en garde sur la scène internationale, les Etats-Unis qualifiant le recours possible aux armes chimiques d’« erreur tragique » du régime de Damas.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique