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Téhéran au banc des accusés

Maha Salem avec agences, Vendredi, 22 décembre 2017

Les Etats-Unis ont ouvertement accusé l'Iran de fournir des armes aux rebelles houthis dans le conflit au Yémen. Profitant du soutien de son allié américain, l'Arabie saoudite a appelé la communauté internationale à agir contre l'Iran, son rival régional.

« Les Etats-Unis vont travailler à la mise en place d’une coalition internationale pour contrer l’Iran », a annoncé la semaine dernière l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations-Unies, Nikki Haley. Selon l’ambassadrice, Téhéran viole la résolution 2 231 des Nations-Unies, qui englobe l’accord nucléaire interdi­sant à l’Iran toute vente de missile balistique pendant cinq ans. Pour prouver ses accusa­tions, elle a présenté des morceaux d’armes qui, d’après les Etats-Unis, faisaient partie d’armements fournis par l’Iran aux milices chiites houthies dans le cadre du conflit sévis­sant au Yémen.

Si l’Iran a toujours démenti avoir approvi­sionné les Houthis avec de telles armes, les Etats-Unis affirment, quant à eux, que le mis­sile tiré le mois dernier du Yémen sur l’Arabie saoudite par les milices chiites houthies « a été fabriqué en Iran ». Ils accusent Téhéran de violer les résolutions du Conseil de sécurité de l’Onu qui lui interdisent de fabriquer des mis­siles et, du même coup, de soutenir le terro­risme et de se comporter de manière « agres­sive » dans la région.

Les déclarations de la diplomate américaine se fondent sur un récent rapport de l’Onu rela­tif aux missiles tirés par les Houthis yéménites en direction de l’Arabie saoudite. Dans ce document, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, expose le travail d’experts de l’Organisation ayant pu inspecter, du 17 au 21 novembre, des débris de missiles et leurs interrogations sur la possible origine iranienne de certains des composants. « Le design, les caractéristiques et les dimensions des compo­sants inspectés par les experts coïncident avec des éléments créés et fabriqués pour le missile (iranien) Qiam-1 », ont affirmé les experts, tout en rappelant qu’un embargo sur les armes pour le Yémen est en vigueur depuis avril 2015. Les experts indiquent également qu’« aucune preuve n’a pu être recueillie sur l’identité d’un intermédiaire ou du fournisseur de ces composants aux Houthis ».

L’Iran a réagi par le rejet des « allégations » américaines, les dénonçant comme étant un moyen utilisé par les Etats-Unis pour détour­ner l’attention de leur propre rôle dans la guerre meurtrière qui déchire le Yémen. « Alors que l’Iran appelle depuis le début à un cessez-le-feu et au dialogue au Yémen, les Etats-Unis ont vendu des armes, permettant à ses alliés de tuer des civils et de créer la famine », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, en référence au soutien militaire américain à l’Arabie saoudite. « L’Administration améri­caine essaie de détourner l’attention de la question de Jérusalem. Ce n’est pas la pre­mière fois qu’elle accuse l’Iran de fournir des armes aux rebelles au Yémen, en Syrie et en Iraq ou l’accuse de soutenir le terrorisme dans la région. C’est là une stratégie qu’elle suit depuis des années pour que les Nations-Unies imposent des sanctions à l’Iran. Les Américains essaient tout le temps de faire pression sur les Iraniens, notamment à tra­vers les menaces », analyse Dr Ahmad Youssef, politologue et directeur du Centre des études arabes et africaines au Caire. Et d’ajouter : « Une autre raison susceptible d’expliquer les accusations américaines est que les Etats-Unis et l’Arabie saoudite veu­lent exercer de fortes pressions sur l’Iran et les Houthis pour les forcer à entrer dans des négociations de paix et imposer un règlement politique de la crise yéménite ». Cette analyse explique notamment les déclarations faites samedi 16 décembre par le secrétaire améri­cain à la Défense, Jim Mattis. « L’offensive des Etats-Unis pour dénoncer l’influence dés­tabilisatrice de l’Iran au Proche-Orient est purement diplomatique et non militaire », a en effet assuré Mattis. « Les Etats-Unis n’ont pas l’intention de répondre aux agissements de l’Iran militairement. Non. C’est la raison pour laquelle Mme Haley était là, et non l’un de nos généraux », a-t-il encore indiqué.

Menaces houthies

De son côté, l’Arabie saoudite, forte du sou­tien américain, a appelé à agir « immédiate­ment » contre l’Iran, son principal rival au Moyen-Orient. Un appel repris par les Emirats arabes unis et Bahreïn, des proches alliés de l’Arabie saoudite.

Les rebelles ont, quant à eux, menacé de prendre pour cible potentielle toute infrastruc­ture saoudienne importante, exacerbant ainsi les tensions entre les deux puissances régio­nales que sont l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite. « Nous allons tirer sur les ports, les aéroports, les postes frontaliers et les ins­tallations vitales en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis », ont indiqué les Houthis dans un document, déclarant que cette menace constituait une riposte au durcissement du blo­cus contre leur pays décidé par la coalition militaire arabe. « Nous ne resterons pas les bras croisés et étudierons des options plus radicales pour empêcher le renforcement du blocus contre le peuple yéménite et les mesures visant à l’affamer et à l’humilier », ont-ils affirmé dans un document.

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