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Syrie : La Turquie change de tactique

Inès Eissa avec agences, Mardi, 10 octobre 2017

La décision turque de joindre des efforts militaires à Idleb change la donne au nord de la Syrie.

Syrie : La Turquie change de tactique
Les pompiers tentent d'éteindre un incendie causé par une frappe aérienne à Idleb. (Photo : AP)

Alors que les frappesdu régime syrien et desRusses s’intensifientà Idleb, la Turquie estintervenue à son tour contre lesgroupes terroristes. Les rebellessyriens, soutenus par Ankara, ontlancé une nouvelle opération dansla province d’Idleb (nord-ouest),contrôlée en grande partie par desdjihadistes de l’ex-branche d’Al-Qaëda en Syrie, a annoncé samedi leprésident turc Recep Tayyip Erdogan.« Nous prenons de nouvellesmesures pour assurer la sécuritéd’Idleb », a-t-il dit. Ces djihadistessont aujourd’hui de plus en plusisolés : des divisions sont apparuesdans leurs rangs et les défections sesont multipliées à l’approche de cettenouvelle offensive annoncée par laTurquie. Le groupe Fateh Al-Cham,connu par le passé sous le nom deFront Al-Nosra, contrôle toujoursl’immense majorité de la provinced’Idleb, la seule dans le nord-ouestsyrien à échapper au régime deBachar Al-Assad. Autrefois affiliée àAl-Qaëda, cette organisation dominela coalition Tahrir Al-Cham, classée« terroriste » par plusieurs paysoccidentaux et qui réunissait depuisdébut 2017 divers groupes armésislamistes et djihadistes. Le présidentturc, Recep Tayyip Erdogan, a doncannoncé samedi que des rebellessyriens soutenus par Ankara allaientmener une nouvelle offensive à Idleb.Et que l’objectif était de délogerTahrir Al-Cham de cette provincefrontalière de la Turquie.Pourtant dimanche l’échange destirs entre les forces turques et descombattants de Tahrir Al-Cham nesemblait pas pour le moment marquerle début de l’opération annoncée par M. Erdogan.

La province d’Idlebreprésente l’une des quatre zones dedésescalade dévoilées en mai dernierpar les parrains internationaux desbelligérants, pour instaurer des trêvesdurables dans plusieurs régions deSyrie. Ces cessez-le-feu, négociéspar la Russie et l’Iran — alliés durégime — et la Turquie — soutiendes rebelles — excluent les groupesdjihadistes, notamment Tahrir Al-Cham. L’offensive turque intervientalors que Tahrir Al-Cham, qui comptequelque 10 000 combattants selonl’Observatoire Syrien des Droits del’Homme (OSDH), se trouve déjàen posture délicate. Le sort de sonchef Mohammad Al-Jolani demeureincertain, la Russie ayant affirmé lasemaine dernière l’avoir grièvementblessé, ce que le groupe a nié. Et,ces derniers mois, les défections sesont multipliées, Fateh Al-Chamétant notamment accusé de s’êtreaccaparé le pouvoir. « L’uniondes groupes rebelles sous le nomde Tahrir Al-Cham n’était qu’unefaçade. La direction et la prise dedécision restaient aux mains de l’ex-Al-Nosra », estime Ahmad Abazeid,du Centre Toran, basé en Turquie.« Une intervention de la Turquieétait envisagée depuis longtemps »,poursuit l’expert, qui précisequ’Ankara souhaitait encourager lesdéfections « pour isoler le grouperattaché à Jolani ».

Nouvelle phase

Le 15 septembre, la Russie etl’Iran, alliés du régime, et la Turquie,soutien des rebelles, ont annoncéqu’ils allaient déployer ensembledes forces de maintien de l’ordre àIdleb, sans toutefois fixer de date.L’objectif pour la Turquie est d’abord« de remodeler les zones frontalièreset d’y placer des groupes qui lui sontfavorables », estime Aron Lund,spécialiste de la Syrie à la CenturyFoundation. « Etre lié de quelquemanière, que ce soit à des groupescomme Tahrir Al-Cham, est un choixde plus en plus risqué », confirmeCharles Lister, expert de la Syrie auMiddle East Institute, cité par l’AFP.Le conflit syrien est entré dans « unenouvelle phase », explique-t-il, lesdjihadistes étant désormais perçuspar les rebelles comme un alliétoxique.« Après avoir renoncé à son objectifinitial du départ de Bachar Al-Assad,la Turquie a changé de stratégie encherchant à avoir plus d’influence,même avec le maintien du régime »,explique Dr Sameh Rachad, du Centredes Etudes Politiques et Stratégiques(CEPS) d’Al-Ahram. La Turquie veutrenforcer sa présence en Syrie pourplusieurs raisons, « en premier lieu,elle se doit de protéger ses intérêtsliés à la question kurde. D’autre part,le gouvernement d’Erdogan vise àcontrebalancer l’influence croissantede l’Iran en Syrie », estime DrRachad.Depuis plusieurs semaines, Idlebest la cible de raids aériens du régimesyrien et de Moscou qui ont tuédes dizaines de civils. L’annonced’une offensive turque va rendre leschoses encore plus difficiles pourTahrir Al-Cham. « Tahrir Al-Chamet son commandement ont clairementindiqué qu’ils allaient lutter jusqu’àla mort contre toute interventionextérieure », rappelle M. Lister. Cesdissensions opposent « le courantreprésentant Al-Qaëda à une autresensibilité qui veut établir un dialogueavec la Turquie et d’autres pays, etne plus être classé organisation »terroriste, selon l’expert cité parl’AFP. Les partisans d’Al-Qaëdaveulent « affronter la Turquie etéliminer les groupes rebelles encoreprésents » dans la province, « carils considèrent que la modération nedonne pas de résultats », conclut-il.

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