Al-Ahram Hebdo : Cette crise diplomatique menace-t-elle l’existence même du CCG ?
Eman Ragab : Tout d’abord, il faut savoir que ce n’est pas la première crise au sein du CCG. En 2014, les pays du Golfe sont passés par une grave crise aussi, quoique de moindre importance. Mais ils avaient refusé les médiations étrangères, et cette crise avait été réglée au sein du CCG avec une médiation menée par le Koweït. Donc, cette crise n’aura pas de grande influence sur le conseil, seules les activités du Qatar seront limitées à certains domaines comme la culture, la santé, l’éducation, etc. Selon la charte du CCG, il n’y est pas possible de suspendre un Etat membre. Le Qatar restera donc au sein du conseil, au maximum, comme riposte, il pourra refuser de payer son quota financier dans le budget du conseil. Dans ce cas, Riyad assumera cette charge financière. Cela dit, la stabilité du conseil est menacée, car il sera divisé en deux mouvements : d’un côté, l’Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats arabes unis, de l’autre, le Koweït et le Sultanat d’Oman qui sont plus modérés et qui refusent les mesures punitives contre n’importe quel pays membre. D’ailleurs, ces deux pays n’ont pas rompu leurs relations avec Doha.
— Qu’en est-il de l’exclusion du Qatar de la coalition arabe qui combat les Houthis au Yémen ?
— Dans la guerre yéménite, le Qatar soutenait souvent l’option d’un règlement pacifique et d’une participation des Houthis dans la vie politique. Ce qui ne plaît pas au régime du président yéménite Abd-Rabbo Mansour Hadi. De même, le rôle militaire du Qatar dans cette coalition était déjà très modeste. Sa participation était symbolique par le biais d’aides financières et humanitaires.
Le retrait du Qatar n’est donc pas une grosse affaire. Déjà, il n’y a pas de position unifiée au sein des pays de la coalition : l’Arabie saoudite refuse l’intégration des Houthis dans la vie politique, tandis que les Emirats y voient une nécessité pour mettre fin à la crise. Quant au Qatar, il soutient l’option qu’un règlement politique doit satisfaire tous les camps ; il veut intégrer les Houthis, les salafistes, les Frères musulmans, le régime actuel et l’ancien régime de l’ex-président Ali Abdallah Saleh, ainsi que les Sudistes. Mais le Qatar n’a jamais pu imposer ses vues d’autant plus qu’il ne participe pas directement dans les opérations militaires.
— Se dirige-t-on vers une escalade ou au contraire un apaisement ?
— Le Qatar veut apaiser la situation avec ses voisins. Il va probablement éviter toute décision ou action à même de provoquer une escalade. Au contraire, Doha tentera d’améliorer ses relations avec ses voisins du Golfe, il peut aussi faire appel à une médiation efficace.
— Qu’en est-il des rumeurs qui circulent sur un départ de Tamim ?
— Cette rumeur est très ancienne, elle circule dans le petit émirat depuis 2013. Mais le flou règne. Qui peut succéder à Tamim ? Il faut savoir que la communauté internationale ne soutient personne en particulier dans cet émirat.
— Et les relations avec l’Iran ? Vont-elles changer ?
— Il est vrai que les relations bilatérales entre le Qatar et l’Iran sont fortes, surtout en ce qui concerne la coopération économique et en matière d’énergie. De même, les deux pays ont toujours refusé les accusations envers l’un ou l’autre de soutien au terrorisme, mais l’Iran va prendre ses gardes, car il veut éviter tout affrontement avec l’Arabie saoudite et veut maintenir un certain équilibre dans ses relations avec les pays du Golfe et la communauté internationale.
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