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La Libye, plaque tournante du djihadisme

Inès Eissa avec agences, Mardi, 30 mai 2017

Les deux attentats de Manchester et de Minya revendiqués par Daech ont braqué les lumières sur la dangerosité que représente le Front libyen en tant que refuge au djihadisme islamiste.

Des groupes extrémistes ont profité du chaos qui règne en Libye depuis la chute du régime de Muammar Kadhafi en 2011 pour faire de ce pays le centre de recrutement et de transit des djihadistes en Afrique du Nord. Salman Abedi, l’auteur présumé de l’attentat de Manchester, qui a coûté la vie à 22 personnes et a été revendi­qué par le groupe Daech, avait ainsi séjour­né en Libye avant de passer à l’acte.

Après la chute du régime Kadhafi, des groupes d’ex-rebelles ont été formés sur des bases idéologiques. Certains d’entre eux étaient même payés par les autorités de tran­sition qui leur confiaient des missions de surveillance des frontières ou de sécurité.Parmi ces groupes figure notamment Ansar Al-Charia, proche d’Al-Qaëda, qui avait rassemblé dans un premier temps tous les rebelles djihadistes et qui a étendu sa pré­sence petit à petit de Benghazi à Derna (est), puis à Syrte et à Sabratha (ouest). Les mili­tants de ce groupe ont occupé des casernes et des sites militaires abandonnés par l’an­cien régime, dans l’est et le sud du pays, et les ont transformés en camps d’entraînement pour des centaines de djihadistes voulant se rendre en Iraq ou en Syrie.

Les recrues recevaient dans ces camps une formation idéologique puis militaire, selon les experts.

Les combattants étrangers affluaient en Libye pour ensuite rejoindre notamment le Front Al-Nosra, ex-branche syrienne d’Al-Qaëda, qui a, depuis, changé de nom.Après les revers enregistrés par Daech face à la coalition internationale antidjihadiste opérant en Syrie et en Iraq, des combattants sont rentrés en Libye où ils ont pris pied, notamment à Derna et à Syrte, avant d’être chassés de ces deux villes.

Daech toujours actif
Même après la perte de son fief de Syrte en décembre 2016, Daech reste actif en Libye, en particulier dans le sud et l’est du pays, avec de plus en plus de nationalités dans ses rangs, soulignent les analystes.

Pour Mattia Toaldo, expert au Conseil européen des relations internationales, des alliances se sont tissées dans les milieux djihadistes comme au sein du Conseil de la Choura des révolutionnaires de Benghazi, une coalition de milices islamistes dont feraient notamment partie des membres de Daech et d’Ansar Al-Charia. « C’est dans ce milieu que la radicalisation idéologique et l’entraînement technique auraient pu se dérouler pour Salman Abedi », estime Toaldo. Et d’ajouter : « Même si Daech a été quasiment éradiqué de Libye, il est possible qu’il ait été formé (dans les camps du groupe djihadiste) avant sa défaite à Syrte ». L’évolution de Daech en Libye depuis 2014 devrait convaincre l’Occident de ne pas sous-estimer la capacité du groupe à diriger des attaques meurtrières à l’étranger.

Suite au Sommet de Riyad, la commu­nauté internationale semble déterminée à voir les choses en face et à appeler les choses par leurs noms. « Le monde entier a ressenti la nécessité de faire la différence entre l’opposition politique et les groupes terroristes, surtout en Syrie et en Libye », explique un diplomate qui a requis l’anony­mat. Et de conclure : « Suite à l’attentat de Manchester, certains pays européens se sont trouvés dans l’obligation de ne plus se voi­ler la face » .

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