Comme prévu, le premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a présenté sa démission samedi 13 avril au terme d’un bras de fer avec le Fatah du président Mahmoud Abbas. Fayyad est usé par des années de travail pour tenter de donner naissance à un Etat palestinien viable. Aucun favori ne se détache clairement pour prendre la place de Fayyad. Parmi les successeurs potentiels figurent Mohamed Moustapha, conseiller économique du président Abbas et président du Fonds d’investissement de Palestine, et l’homme d’affaires Mazen Sinokrot, un ancien ministre de l’Economie qui a de bons rapports avec le mouvement Hamas au pouvoir à Gaza. En outre, Abbas pourrait lui-même assumer les fonctions de premier ministre dans le cadre d’un gouvernement de consensus national. Abbas a néanmoins demandé à Fayyad, un économiste indépendant très critiqué par le Fatah, d’expédier les affaires courantes en attendant la formation du nouveau gouvernement.
La crise entre le Fatah et M. Fayyad avait éclaté le 2 mars avec la démission du ministre des Finances, Nabil Qassis, acceptée par Fayyad mais refusée par Abbas. Et, la semaine dernière, le Conseil révolutionnaire du Fatah avait fustigé la politique de Fayyad empreinte, selon lui, d’improvisation et de confusion sur de nombreux sujets financiers et économiques.
Avant la nomination de Qassis en mai 2012, le portefeuille des Finances était détenu par Fayyad parallèlement à ses fonctions de chef du gouvernement.
En première réaction, le Fatah, parti au pouvoir au sein de l’autorité palestinienne qui gouverne les zones autonomes de Cisjordanie, s’est réjoui du départ de Fayyad, l’accusant d’avoir « échoué dans sa gestion économique et d’avoir creusé les dettes de l’Autorité palestinienne et manqué à son devoir de verser les salaires durant de longs mois ». Quant au Hamas, il a attribué cette démission à des divergences internes au sein du Fatah. « Fayyad quitte le gouvernement après avoir criblé notre peuple de dettes, et le Fatah doit en assumer la responsabilité parce que c’est lui qui l’a imposé depuis le début », a déclaré à l’AFP Sami Abou Zouhri, porte-parole du Hamas. Et d’ajouter que la démission de Fayyad n’est pas liée au dossier de la réconciliation palestinienne. « Le Hamas était prêt à appliquer l’accord de réconciliation avec le Fatah, signé en 2011 au Caire, dont la plupart des clauses sont restées lettre morte et les échéances constamment repoussées », affirme Abou Zouhri. Selon les analystes, Fayyad a été un point d’achoppement entre le Fatah et le Hamas. Le Fatah a toujours voulu que le gouvernement d’union nationale soit conduit par Fayyad. Une idée refusée complètement par le Hamas. « Le Hamas refuse cette idée à cause du soutien accordé par les Etats-Unis à Fayyad. Washington veut garder Fayyad à son poste, il est fidèle aux Américains », explique Ayman Abdel-Wahab, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, au Caire.
Par ailleurs, la Maison Blanche a rendu hommage à Fayyad qu’elle a qualifié de « partenaire fort » pour la communauté internationale et de « partisan de la promotion de la croissance économique, la constitution de l’Etat et la sécurité du peuple palestinien ». Pour exprimer son refus de cette décision, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, avait contacté directement Abbas pour l’enjoindre de régler la crise avec son premier ministre. Ensuite Washington a pressé l’économiste formé aux Etats-Unis et largement respecté dans le monde occidental de rester à son poste. Et les Américains ont annoncé que Fayyad ne démissionnerait pas, une déclaration vivement dénoncée comme une ingérence par des dirigeants du Fatah.
Confrontée à des difficultés budgétaires chroniques, l’Autorité palestinienne traverse, selon plusieurs ministres, sa pire crise financière depuis sa création en 1994. Les démarches pour obtenir l’accession de la Palestine au statut d’Etat à l’Onu, une initiative à laquelle Fayyad aurait été réticent, ont entraîné des sanctions financières israéliennes et américaines qui ont compliqué la tâche de Fayyad. En septembre, la grogne sociale en Cisjordanie, nourrie par la hausse des prix des denrées de base, a visé directement le premier ministre qui apparaissait largement isolé.
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