Combien faudra-t-il encore de morts, de réfugiés, de villes détruites pour que la guerre civile syrienne prenne fin ? Plus de 70 000 morts, un million de réfugiés et un pays en ruine : en deux ans, la révolte contre le régime de Bachar Al-Assad en Syrie s’est muée en une guerre civile destructrice, sans issue en vue.
Alors qu’elle avait commencé pacifiquement, la révolte des Syriens réclamant plus de liberté s’est transformée en un conflit entre une armée intrinsèquement liée au régime et des groupes rebelles hétéroclites, au sein desquels des djihadistes prêts à tout jouent un rôle de premier plan. Et la guerre civile en cours ne semble pas engendrer de résultats définitifs à court terme, car les forces en présence semblent mutuellement incapables de l’emporter.
La guerre d’usure semble donc s’installer. Sur le terrain, s’appuyant sur son aviation, l’armée défend surtout Damas, place forte du régime, des territoires dans l’ouest et le centre, à coups d’offensives meurtrières, comme contre le bastion rebelle de Baba Amr à Homs qu’elle écrase en mars 2012. Les rebelles contrôlent de larges territoires dans le nord et l’est. Le 6 mars, ils ont pris le contrôle de Raqa (nord-est), première capitale provinciale à échapper au régime. Dans les territoires « libérés », le pouvoir central s’émiette et des « conseils locaux » gèrent les affaires courantes. Le vide provoque une augmentation des crimes et, plus inquiétant, des enlèvements motivés par une haine confessionnelle exacerbée dans un pays à majorité sunnite mais contrôlé par le clan alaouite des Assad, une donne qui fait craindre une partition sectaire de la Syrie.
Tout cela alors que la communauté internationale reste impuissante, malgré les tentatives de mettre fin au conflit. D’un côté, il y a les Russes et les Chinois, en faveur du maintien de Bachar Al-Assad au pouvoir et qui ont bloqué trois fois une résolution menaçant le régime de sanctions. De l’autre, il y a les Occidentaux pro-opposition, qui appellent au départ du président syrien mais qui hésitent à armer la rébellion, redoutant en effet de voir l’arsenal tomber aux mains d’extrémistes, tout comme les armes chimiques détenues par le régime. La montée de groupes djihadistes comme le Front Al-Nosra, auteur d’attentats meurtriers et qui prend de vitesse les autres rebelles, ne fait qu’attiser cette peur. Fin février, Washington a annoncé pour la première fois une aide non létale aux insurgés, mais sans franchir le pas de l’armement réclamé à cor et à cri par les rebelles faiblement équipés face à la puissance de feu de l’armée qui voue un culte au clan Assad.
Face au blocage, le chef de l’opposition en exil, Ahmed Moaz Al-Khatib, ose proposer un dialogue sous condition avec des personnalités du régime. Damas se dit prêt au dialogue mais ne change pas d’un iota sa rhétorique. A la crise se greffent des tensions frontalières avec la Turquie, le Liban, l’Iraq, la Jordanie et Israël, faisant craindre une contagion. (Voir article p. 11). Deux ans après le début du conflit, la Syrie est ainsi entrée dans la spirale « d’une catastrophe absolue », comme l’affirme l’Onu.
Vers un gouvernement

(Photo : Reuters)
Pour renforcer sa position, la Coalition Nationale Syrienne (CNS) se réunit à partir de ce mardi à Istanbul pour désigner un premier ministre du gouvernement de transition et sa constitution. L’opposition déploie des efforts pour mettre sur pied un cabinet à même de prendre les rênes du pays en cas de chute du régime. En effet, la coalition est divisée sur plusieurs questions dont le fait de constituer un gouvernement dès aujourd’hui, certains préférant attendre pour voir si les efforts du médiateur international Lakhdar Brahimi pour former un gouvernement de transition aboutiront. D’autres estiment qu’il faut former un gouvernement sans tarder pour empêcher tout accord susceptible de maintenir Assad au pouvoir. Mais, la date a été fixée après le retrait de la candidature à ce poste de Riad Hidjab, ancien chef du gouvernement de Bachar Al-Assad et principal responsable civil à avoir rompu avec le régime depuis le début du soulèvement en mars 2011. Sa candidature était vivement contestée non seulement par les représentants islamistes mais aussi par les libéraux au sein de la CNS, en raison de ses liens passés avec le régime. Après le retrait de Hidjab, 3 candidats sont en lice pour ce poste de premier ministre.
Oussama Al-Qadi, le grand favori, est un économiste formé aux Etats-Unis dirigeant une commission chargée d’élaborer un programme de rétablissement économique d’une Syrie post-Assad. Quant aux deux autres, Salem Al-Mouslet est un dignitaire tribal du nord-est de la Syrie ayant travaillé dans un centre de réflexion du Golfe. Et enfin, Bourhan Ghalioun est un universitaire de Homs et ancien président d’un précédent Conseil national syrien, prédécesseur de l’actuelle CNS. Pour les soutenir, la Ligue arabe a déclaré dans un communiqué que les pays arabes sont libres de fournir un soutien militaire aux rebelles syriens s’ils le souhaitent à l’issue d’une réunion ministérielle de l’organisation au Caire. La Ligue insistait jusqu’à présent sur la nécessité d’aider les opposants au président Bachar Al-Assad uniquement par les voies humanitaires ou diplomatiques. « Les ministres insistent sur le droit pour chaque Etat selon ses voeux d’offrir tous types d’autodéfense, y compris militaire, pour soutenir la résistance du peuple syrien et de l’Armée libre (syrienne) », a déclaré le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, tout en annonçant aussi que la CNS, qui regroupe les différents courants de l’opposition, allait être invitée à occuper le poste de la Syrie resté vacant au sein de la Ligue. La CNS devra choisir son représentant avant la prochaine réunion de la Ligue arabe prévue les 26 et 27 mars à Doha.
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