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Tunisie : Pris dans un imbroglio politique, Tunis vacille

Abir Taleb avec agences, Mardi, 19 février 2013

Ennahda a réaffirmé lundi dernier son rejet d’un gouvernement de technocrates demandé par le premier ministre Hamadi Jebali. Le pays s’enfonce un peu plus dans la crise.

Tunisie
Le chef d'Ennahda, Rached Ghannouchi, a qualifié l'initiative du premier ministre Hamadi Jebali de « coup d'Etat contre le gouvernement élu ». (Photo: Reuters)

« Nous restons attachés à la formation d’un gouvernement politique et de coalition qui tire sa légitimité des élections du 23 octobre 2011 et qui serait ouvert à des compétences nationales engagées à réaliser les objectifs de la révolution. Le Conseil (consultatif du parti du parti Ennahda) estime que l’initiative d’un gouvernement de technocrates ne répond pas aux besoins de la période actuelle ». Tels sont les termes d’un communiqué rendu public lundi dernier par le Conseil consultatif du parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie.

Par ce refus d’un gouvernement de technocrates demandé par le premier ministre Hamadi Jebali, numéro deux du parti, comme moyen de faire sortir le pays de sa crise, Ennahda ne fait qu’aggraver les troubles que la Tunisie traverse depuis plusieurs semaines. Pour Ennahda, le prochain gouvernement devra travailler sur la base d’« un programme politique portant sur la réalisation d’une transition, la rédaction rapide de la Constitution et l’organisation d’élections démocratiques ».

Ennahda estime cependant que M. Jebali doit rester premier ministre. « Hamadi Jebali ne va pas démissionner. Il restera chef du gouvernement et secrétaire général du parti », a ainsi déclaré le chef d’Ennahda, Rached Ghannouchi, à l’antenne de la radio Shems-FM. Ce dernier avait eu néanmoins des mots très durs, lors d’une vaste manifestation samedi 16 février à l’appel d’Ennahda contre l’initiative du premier ministre, que Ghannouchi avait qualifiée de « coup d’Etat contre le gouvernement élu ».

« La légitimité des urnes »

Devant 15 000 partisans, Rached Ghannouchi n’a pas mâché ses mots en retournant l’accusation contre les adversaires d’Ennahda et en affirmant que ce n’est pas sa gestion des affaires qui est à l’origine des difficultés du pays mais les obstructions de l’opposition. Selon lui, Ennahda est l’objet depuis son arrivée au pouvoir, il y a un peu plus d’un an, d’une « série de complots qui ont culminé avec la proposition d’un gouvernement de technocrates (...) ce qui équivaut à un coup d’Etat contre le gouvernement élu ».

Mais, se voulant confiant, il a martelé : « Rassurez-vous, Ennahda se porte bien (...) et ne cédera jamais le pouvoir tant qu’il bénéficie de la confiance du peuple et de la légitimité des urnes. Ennahda est la colonne vertébrale de la Tunisie et le briser ou l’exclure porterait atteinte à l’unité nationale du pays ».

La fermeté du chef d’Ennahda et le nouveau refus affiché par son parti sont intervenus alors que le premier ministre reprenait ses tractations avec les partis politiques pour tenter de former le cabinet de technocrates auquel il tient toujours. Vendredi dernier, Hamadi Jebali avait reporté sine die l’annonce de la composition du nouveau gouvernement apolitique et sa menace de démission en cas de rejet de ce cabinet par la classe politique.

En fait, l’initiative de Jebali se heurte à l’opposition de son mouvement dès son lancement le 6 février dernier, suite à l’assassinat retentissant de l’opposant anti-islamiste Chokri Belaïd qui a déclenché une nouvelle vague de violences et a aggravé la crise préexistante, la plus grave crise politique depuis la révolution de janvier 2011 qui a chassé Zine El Abidine Ben Ali du pouvoir.

Jebali, loin de faire l’unanimité

Son initiative a été bien accueillie par la société civile et l’opposition laïque. Cependant, le président de l’Assemblée nationale constituante et chef d’Ettakatol, parti laïque de centre gauche et membre de la coalition au pouvoir, Mustapha Ben Jaafar, a donné des signes de ralliement à la position d’Ennahda après avoir soutenu sans condition M. Jebali. « Nous pensons que la proposition est bonne », a-t-il dit dimanche à l’antenne de la radio Mosaïque. « Mais après des discussions avec les partis, on a compris qu’elle ne fait pas l’unanimité et la situation nécessite d’élargir le soutien au gouvernement et un large consensus entre les protagonistes politiques », ajoute Ben Jaafar.

Compliquant encore l’imbroglio, le Congrès Pour la République (CPR) du président Moncef Marzouki semble au bord de l’implosion. Trois députés ont démissionné du CPR dimanche 17 et lundi 18. Selon les médias, le chef du CPR, Mohamed Abbou, est sur le point d’officialiser son départ pour former un nouveau parti.

Le CPR s’oppose à la proposition de M. Jebali, mais est miné par des conflits internes et des divergences avec Ennahda. Ce parti était arrivé en deuxième position aux élections d’octobre 2011, obtenant 29 députés. Mais après un premier conflit interne, la moitié d’entre eux ont claqué la porte du mouvement en mai 2012 pour rejoindre une nouvelle formation, Wafa.

Outre l’interminable crise politique, la rédaction de la Constitution est dans l’impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime. Entre-temps, les conflits sociaux souvent violents se sont multipliés sur fond de misère et chômage. Sans oublier l’essor d’une mouvance salafiste djihadiste qui déstabilise régulièrement le pays par des attaques.

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