C’est pour exercer une forte pression sur les Yéménites que le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a entamé dimanche dernier une visite au Koweït où se tiennent, depuis plus de deux mois, des négociations de paix sous l’égide de son envoyé spécial Ismaïl Ould Cheikh Ahmad. «
J’ai demandé aux deux délégations de travailler sérieusement avec mon envoyé spécial pour convenir d’une feuille de route de principe et parvenir rapidement à un accord global », a déclaré Ban Ki-moon lors d’une séance plénière des négociateurs yéménites à Koweït.
Car depuis le 21 avril dernier, date du lancement des pourparlers de paix au Koweït, ces pourparlers n’ont enregistré aucun progrès, au contraire, les revendications des deux côtés augmentent jour après jour. Une position qui a poussé le médiateur de l’Onu à appeler à plusieurs reprises les négociateurs à faire des concessions pour permettre une fin de la guerre, qui a fait plus de 6 400 morts depuis mars 2015 et déplacé 2,8 millions de personnes. Mais, jusque-là, ces appels ont été vains, chaque camp campant sur sa position. Ban Ki-moon essaie donc de pousser les négociations en appelant les deux délégations à prévenir une nouvelle détérioration de la situation et à faire preuve de responsabilité, de flexibilité nécessaires pour mettre fin au conflit.
Faisant la sourde oreille, les protagonistes du conflit ont rejeté une feuille de route présentée par le médiateur de l’Onu au Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmad. Portant sur trois points, ce plan prévoit l’abrogation de la Déclaration constitutionnelle et la destitution du Comité révolutionnaire ayant marqué la prise du pouvoir par les Houthis le 21 septembre 2014 au terme de leur coup de force contre le gouvernement du président Abd-Rabbo Mansour Hadi. Une commission militaire serait formée pour superviser la restitution par les rebelles des armes lourdes et moyennes saisies à l’Etat et leur retrait des zones conquises par la force, dont la capitale Sanaa et ses environs. Le gouvernement, aujourd’hui basé à Aden (sud), reprendrait ses quartiers à Sanaa dans un délai de deux mois. Enfin, une amnistie générale sera proclamée. Le cabinet de Hadi laisserait ensuite la place à un gouvernement de partenariat national, ouvrant la voie à la reprise du processus politique pour une période transitoire de deux ans. En effet, le plan du médiateur de l’Onu prévoit les arrangements de sécurité conformément à la résolution 2216 du Conseil de sécurité de l’Onu.
Intransigeance des deux parties
En première réaction à ce plan, le gouvernement yéménite a réaffirmé que les rebelles devaient se retirer de toutes les positions qu’ils ont conquises depuis 2014 et remettre au gouvernement les institutions de l’Etat qu’ils contrôlent, avant toute solution politique. Une exigence refusée par les Houthis qui à leur tour refusent de céder sur le retrait des zones qu’ils occupent et la remise des armes lourdes qu’ils ont prises à l’armée. Les rebelles s’en tiennent à un gouvernement de consensus. « Tout accord ignorant notre demande d’une autorité consensuelle serait rejeté. Cette autorité serait composée d’un président, d’un gouvernement d’unité nationale et des commissions militaire et de sécurité », a insisté le chef de délégation des Houthis, Mohamad Abdel-Salam. Les rebelles ont indiqué dans un communiqué qu’ils s’en tenaient à un consensus sur les principales questions relatives à une transition au Yémen. « En tête de ces questions, figure la présidence (de la République), qui est au centre des pourparlers et dont dépendent les autres questions comme la formation d’un gouvernement d’union nationale et d’une haute commission militaire et de sécurité », selon le communiqué.
Or, le gouvernement estime que cette proposition mettrait en cause la légitimité du chef de l’Etat reconnu par la communauté internationale. Il considère que le président Hadi, chassé de la capitale Sanaa par les rebelles et qui se trouve actuellement en Arabie saoudite, est le chef de l’Etat légitime du Yémen et doit, de ce fait, superviser toute transition politique. Ainsi, le fossé reste large entre les deux parties en dépit des deux délégations en discussion pour la formation de commissions militaire et de sécurité pour superviser une éventuelle période de transition.
Pour favoriser un rapprochement, l’émissaire de l’Onu a tenté, en vain, d’obtenir des rebelles et du gouvernement la libération de la moitié des prisonniers qu’ils détiennent. Et pour présenter leurs bonnes intentions, les rebelles houthis ont annoncé la semaine dernière avoir unilatéralement libéré plus de 270 partisans du gouvernement, qu’ils détenaient depuis plusieurs mois.
L’annonce de ces libérations par les rebelles fait suite à un échange la veille à Taëz (sud-ouest) de 194 prisonniers entre les forces progouvernementales et les rebelles. Cet acte est considéré comme la seule avancée enregistrée dans les négociations qui réunissent, d’un côté, le camp loyal au président yéménite Hadi soutenu par une coalition arabe conduite par l’Arabie saoudite, et de l’autre, des rebelles chiites houthis, accusés de liens avec l’Iran, et alliés avec les partisans de l’ex-président du Yémen, Ali Abdallah Saleh.
Pendant ce temps, sur le terrain, les combats se sont intensifiés sur différents fronts en dépit d’un cessez-le-feu décrété par l’Onu le 11 avril. Durant les 24 dernières heures, les affrontements ont fait au moins 41 morts dans le sud du Yémen et autour de la capitale Sanaa. Cette escalade a été attribuée aux rebelles chiites houthis qui cherchent à reprendre la base aérienne stratégique d’Al-Anad, dans la province de Lahj (sud). Les rebelles, accusés de liens avec l’Iran, ont repris aux forces gouvernementales dimanche dernier trois positions renforçant leur présence à 25 km de la base d’Al-Anad, tenue par les loyalistes. Répondant à ces combats, l’aviation de la coalition arabe sous commandement saoudien, qui soutient les forces loyalistes, est ensuite intervenue, tuant 11 rebelles. Quelques jours avant, les Houthis, soutenus par des militaires restés fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh, s’étaient emparés de Jabel Jales, une zone montagneuse surplombant Al-Anad, et mettant cette base à la portée de leurs tirs de roquettes Katioucha. La base d’Al-Anad avait été reprise en juillet dernier aux rebelles. Dans la province voisine de Taëz, les combats s’intensifient pour le contrôle d’une zone limitrophe de Lahj, qui commande la route côtière vers le détroit stratégique de Bab Al-Mandeb, que les Houthis tentent de conquérir. En dépit d’une campagne militaire de 15 mois au Yémen menée par la coalition arabe, les Houthis gardent le contrôle de Sanaa et de larges portions du nord du pays.
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