Al-Ahram Hebdo : Les élections législatives vont être tenues en même temps que les pourparlers de Genève, ne trouvez-vous pas qu’il y a une certaine contradiction alors que le processus de Genève devrait aboutir à une transition ?
Maria Saada : Les élections sont tenues en fonction d’une échéance législative stipulée par la Constitution syrienne et nous, nous devons la respecter, comme nous devons respecter la souveraineté de l’Etat en tenant tout processus électoral. Le peuple syrien ne peut pas tolérer de vivre dans un vide constitutionnel en attendant les résultats d’un processus encore incertain. Depuis le début de la guerre en Syrie, plusieurs conférences internationales ont eu lieu sans aboutir à une solution. De Genève 1 à Genève 3, en passant par Moscou et Vienne. Dans ce contexte, les Syriens s’attendent toujours à ce que les politiques internationales penchent dans une direction favorable à l’humanité et aux droits du peuple à la vie qui mettent un terme à l’effusion du sang syrien.
— Comment pouvez-vous considérer que les élections sont représentatives alors que, concrètement parlant, plus de la moitié de la population n’est pas capable de participer à ce scrutin ?
— Ceci n’est pas exact puisque la majorité des Syriens déplacés vivent dans les régions contrôlées par l’Etat syrien. En effet, plus de 7 millions de Syriens ont abandonné les zones contrôlées par l’Etat Islamique (EI) et par d’autres groupes rebelles pour s’installer dans les zones contrôlées par le gouvernement, ce qui leur permettra de participer aux élections.
— Cela dit, l’Etat ne contrôle pas la totalité du territoire, ce qui fait que les élections ne peuvent pas se tenir dans tout le pays. Cela n’ouvre-t-il pas la voie à un partage de la Syrie ?
— Je ne suis pas du tout d’accord avec ces propos puisque les zones qui sont hors du contrôle de l’Etat sont sous le pouvoir d’organisations terroristes, selon la classification même de l’Onu. Ainsi, combattre ces organisations s’impose. Par ailleurs, nous considérons que les résolutions du Conseil de sécurité préconisent une guerre inconditionnelle pour débarrasser la Syrie de ces organisations qui menacent les pays de la région.

Les troupes du régime syrien préparent une opération pour reprendre la ville d'Alep.
(Photo : AFP)
— Les élections ne compliquent-elles pas les chances de trouver une solution politique à la guerre en Syrie ?
— Au contraire, l’échéance des législatives représente une chance pour contenir les dynamiques générées par la guerre au sein de la société syrienne au cours des 5 dernières années. A mon avis, les élections parlementaires vont créer des voies qui permettront aux Syriens de concrétiser l’engagement politique qui a résulté de la guerre en s’investissant dans le domaine parlementaire.
— Selon vous, quelle est la solution réaliste et praticable surtout pour mettre fin à la guerre en Syrie ?
— A mon sens, deux éléments seraient nécessaires pour aboutir à une solution qui met un terme à ce conflit. Tout d’abord, il faut parvenir à un consensus politique international. Ceci est indispensable pour garantir un soutien au peuple syrien qui a payé un prix très élevé dans une guerre où il a défendu non seulement la souveraineté de son peuple mais surtout le droit des peuples du monde entier à sauvegarder leur souveraineté. A cet élément viendrait s’ajouter un autre point qui n’est pas moins important : un vrai changement au niveau interne basé sur la fondation de l’Etat de droit qui garantit l’égalité et la justice à tous les citoyens.
— En tant que membre du parlement, pouvez-vous nous dire quel a été le rôle joué par le parlement dans la guerre en Syrie pendant les 5 dernières années ?
— Le parlement a sans doute déployé de grands efforts pour faire face aux menaces auxquelles la Syrie a dû faire face. Ainsi, les députés, toutes formations confondues, ont usé de leur pouvoir législatif dans le but d’atténuer l’impact du terrorisme qui a frappé le pays à tous les niveaux. D’une part, le parlement se devait de réguler la vie économique et sociale du pays ravagée par la guerre, et d’autre part, il a fallu légiférer dans tous les domaines pour relever des défis énormes liés à cette guerre. Cela a été difficile et a limité le travail du parlement, que ce soit sur le plan interne ou à l’étranger, et ce, en raison du terrorisme. Ce terrorisme et les actions armées ont conduit à un déséquilibre démographique. En même temps, il y avait un terrorisme économique, à travers un blocus imposé à la Syrie par d’autres pays, ce qui a conduit à appauvrir le peuple syrien. Notre pays a aussi subi un terrorisme culturel qui a visé notre héritage culturel et notre patrimoine, un terrorisme électronique qui a donné lieu à l’extrémisme. Tous ces défis doivent être relevés par le parlement.
— Quelle est la position des parties politiques participant aux élections à l’égard des réformes constitutionnelles ?
— Les parties politiques traditionnelles disposent d’une vision beaucoup plus claire que les nouvelles formations politiques. A mon avis, le changement politique est voulu par la majorité des Syriens. Toute réforme de la vie politique en Syrie devrait à mon sens résulter d’un débat politique approfondi qui va sans doute avoir lieu au sein du nouveau parlement.
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